Corse Matin du 13 janvier a ouvert une tribune à Max Simeoni durant laquelle, avec la vision politique que nos lecteurs apprécient depuis l’origine d’Arritti, il éclaire le chemin à parcourir pour arriver à l’objectif de base : assurer l’avenir du peuple corse sur la terre de Corse.
Max Simeoni explique : « Quand Gilles lâche la phrase « Tamanta strada », il fait allusion aux cinquante dernières années ; mais la route qui reste à faire est plus longue, ou, tout au moins, plus difficile. Il nous faut un pouvoir fort, et pour l’avoir, il faut avoir l’autonomie ». Cette revendication d’autonomie, elle est avant tout le résultat d’une « réalité (…) [car c’est] l’analyse du contexte et le fait de se projeter dans un proche avenir [qui] dicte un comportement (…) ; le sentiment d’évolution dans la frustration donne la tentation d’indépendance, c’est naturel ; aussi, il faut un mouvement autonomiste fort qui donne le ton ; si on n’y arrive pas, ça devient carrément dangereux ».
Cette analyse pour la Corse on peut l’élargir aux autres combats qui font l’actualité de la lutte des peuples pour leur émancipation. Paradoxalement, ceux qui s’en rapprochent le plus sont les nationalistes kurdes, alors qu’ils sont structurés y compris militairement avec de véritables armées qui ont prouvé leur valeur face à Daech. Ils sont eux aussi restés sur des revendications d’autonomie, tant en Syrie qu’en Irak ou en Turquie. Leur démarche est ainsi le fait d’une « réalité et de l’analyse du contexte ». Car dans le Proche Orient, véritable « poudrière » qui menace à chaque instant la paix dans le monde, le contexte pèse bien sûr très lourd. Les dirigeants kurdes l’intègrent : modifier la carte des Etats serait certainement « carrément dangereux ».
La tentative d’un referendum d’indépendance pour le Kurdistan iraquien, dont l’autonomie est la plus avancée, a été un échec politique net, malgré le succès du vote populaire. Toutes les puissances présentes sur le théâtre d’opérations ont refusé leur soutien à cette démarche qui, pour légitime qu’elle soit, venait en contradiction avec le besoin de pacifier la région. Ailleurs, les Kurdes subissent une répression hors normes, avec de nombreux dirigeants incarcérés en Turquie depuis de nombreuses années alors qu’ils n’ont fait que mener des combats démocratiques.
En Syrie, l’armée turque a occupé militairement le territoire d’Afrin, berceau du nationalisme kurde, après en avoir bombardé les populations. Et elle menace ouvertement d’envahir toute la région autonome du Rojava en territoire syrien. Pour les Kurdes, l’autonomie sur leurs territoires historiques permettrait déjà d’avoir un pouvoir fort par lequel ils pourront, en plusieurs années, « remonter la pente ». Et assurer l’avenir du peuple kurde dans tout le Kurdistan, qu’il soit turc, syrien, iraquien ou iranien, sans s’aliéner les puissances qui retireraient leur soutien en cas de revendication d’indépendance. Telle est la réalité de leur combat, alors que pèsent de nouvelles menaces pour leur liberté.
En Catalogne, on revient dans le contexte de l’Europe où la guerre ne menace personne, mais où, cependant, les années de prison s’amoncellent contre des dirigeants indépendantistes dont le combat démocratique a pourtant été reconnu par tous en Europe, à commencer par trois cours de,justice, en Allemagne, en Belgique et au Royaume Uni, qui ont rejeté les demandes de la justice espagnole pour des extraditions.
Dans l’Histoire de l’Europe, la reconnaissance de l’indépendance d’un territoire n’a jamais été un fait
démocratique simple. Toutes les frontières sont issues des guerres, à de très rares exceptions près. A juste titre, les dirigeants catalans font l’analyse que l’Europe en construction peut bousculer démocratiquement ces équilibres anciens, tandis que leur autonomie au sein de l’Etat espagnol, sans cesse restreinte, ne leur permettait plus d’arriver à l’épanouissement de leur peuple. Mais l’Etat espagnol s’est mis sur un pied de guerre. Et les changements politiques que les sondages annoncent, avec le retour au pouvoir à Madrid d’une droite de plus en plus extrême, laisse présager de nouveaux conflits et de nouvelles tensions. La limite que les Catalans ont sanctuarisée pour prendre en compte le contexte de l’Europe dans lequel ils évoluent est celle de la non-violence. Mais leur combat pour l’Indépendance n’en sera pas moins difficile face à un Etat espagnol de plus en plus agressif.
Ce qui rapproche tous ces combats, c’est qu’ils demandent de s’adapter à la réalité et de tenir compte du contexte, avec une forte conscience politique, et en s’appuyant sur des organisations puissantes. Et que le chemin à parcourir sera certainement encore long et difficile.
Tamanta strada da fà !
François Alfonsi.