La victoire de Paulu Santu Parigi à l’élection sénatoriale de Haute-Corse a confirmé que la progression nationaliste continue. En face, l’opposition maintient son siège en Corse du Sud, et les déclarations du sénateur réélu Jean Jacques Panunzi ont été aussitôt pour annoncer les joutes politiques à venir. En cette fin d’été, la campagne des territoriales est lancée à travers l’affrontement à distance qui a commencé entre le Président sortant, Gilles Simeoni, et le prétendant, Laurent Marcangeli. Dans six mois, les urnes auront parlé.
Pour l’opposition, les tractations vont bon train pour chercher à additionner des forces très éparses. La gauche et la droite traditionnelles ont du mal à s’additionner malgré leur fonds commun anti-nationaliste, cela s’est vu à Bastia où la fusion des trois listes Tatti/De Casalta, Zuccarelli et Mondoloni est loin d’avoir eu le succès escompté par ses promoteurs.
La « nouvelle vague » macroniste se résume au bout du compte à ceux qui ont pensé, en se plaçant dans le sillage d’un Président jeune et donc théoriquement promis à un second mandat, qu’ils bénéficieraient du « ruissellement » de ses succès. Sauf que les succès n’ont pas été au rendez-vous, et que, localement en Corse, ses positions vis-à-vis de l’île ont été très largement décriées.
Faute de pouvoir additionner des forces, Laurent Marcangeli semble avoir décidé de les incarner toutes, en véritable caméléon de la politique. Il est ainsi toujours « Républicain » même s’il ne s’embarrasse pas de l’orthodoxie de son parti national. « En même temps », il est aussi le premier des « macronistes », celui qui ne rate pas une occasion de poser aux côtés du « Grand chef », de recevoir ses ministres et secrétaires d’État parachutés sur l’île à tout propos, et de bénéficier des largesses préfectorales.
Cela suffira-t-il pour battre Gilles Simeoni que Laurent Marcangeli cible en tapant sur les cinq années passées à la tête de la Collectivité de Corse, comme le fait Emmanuel Macron chaque fois qu’il en a l’occasion ? Comme rien n’est parfait, ils trouveront à reprocher des contre-temps ou des erreurs. Mais ils peineront à noircir vraiment un bilan qui a rétabli les finances publiques de la Corse, qui a mené vaille que vaille le chantier de la fusion des trois collectivités en une seule, et qui a fait face à la pandémie du coronavirus, tout cela malgré l’opposition sournoise d’un État attaché à son échec.
Les dossiers les plus chauds, comme celui des déchets, finissent par se retourner contre eux tant il est clair que la cause première de la saturation des sites de stockage est le refus obstiné d’alléger la charge des OM enfouies en développant le tri dans leurs propres intercommunalités, particulièrement celles d’Aiacciu et de la Rive Sud. Laurent Marcangeli se pose en « homme neuf », mais il lui faudra bien faire une liste et donner une place à tous les sortis du suffrage universel. On l’a vu à Bastia avec les Tatti, Zuccarelli, Mondoloni, à Portivechju avec Camille de Rocca Serra et consorts, ils suscitent un tel rejet dans l’opinion qu’ils rétablissent eux-mêmes la balance à notre avantage.
Reste enfin l’inconnue principale de ce scrutin : comment les forces nationalistes se positionneront-elles le jour venu ? Les municipales ont été l’occasion d’une confrontation où chacun a compté ses soutiens, dans un bilan au final passable. Si la victoire de Jean Christophe Angelini à Portivechju n’a pas spécialement rapproché le PNC et Femu, le fait est que la défaite de la droite qui tenait la troisième ville de Corse sert Gilles Simeoni et dessert Laurent Marcangeli.
L’enjeu interne au mouvement nationaliste est celui du leadership de Gilles Simeoni. Depuis 2010, on en sait les effets positifs : municipales, à commencer par Bastia dès 2014, Collectivité de Corse, législatives, scrutin européen et, désormais, élection sénatoriale, ont tourné à chaque fois à l’avantage du mouvement national.
Comment cela va-t-il évoluer pendant les six mois de campagne ? La tentation du « qui perd gagne » ne va-t-elle pas enclencher une spirale néfaste ? C’est le peuple corse qui, dès le premier tour de mars 2021, arbitrera entre les rivalités partisanes, et imposera ses choix.
Car si la campagne ne se résumera pas à deux listes, à la fin il y aura deux camps : ceux qui se regrouperont autour de Gilles Simeoni pour assurer la poursuite de la fenêtre historique ouverte en décembre 2015, en vue de créer les conditions d’une autonomie pleine et entière de la Corse ; et ceux qui se rallieront à Laurent Marcangeli pour faire chuter le mouvement nationaliste, et le projet politique de l’autonomie qui va avec.