Cap'artìculu

Un Préfet en campagne

par François Aflonsi
Ces deux dernières semaines, le Préfet Lelarge a été à plusieurs reprises en pleine page des journaux, à Fìgari pour apporter 60 millions d’euros à l’aéroport en vue de doubler sa capacité, à Aiacciu pour signer, avec le maire de la Ville, Laurent Marcangeli, candidat déclaré à la succession de Gilles Simeoni, un programme de 160 millions d’euros d’investissements, et enfin à la « Une » de Corse-Matin ce week-end « pour répondre à ses détracteurs ». La campagne bat son plein !

 

Le « pont d’or » fait par l’État à Laurent Marcangeli pour financer en toute hâte, malgré une situation financière de la ville plus désastreuse que jamais, des projets plutôt fumeux, ne laisse aucun doute sur les intentions du Préfet d’accompagnement électoral autant que d’accompagnement financier.

Au mieux il s’agit d’un projet en cours d’étude comme celui d’un étrange téléphérique urbain qui verrait le jour entre le futur hôpital du Stilettu et le front de mer. Les deux autres projets cités sont même sans le moindre début de commencement de définition comme celui de l’aménagement de la Citadelle, dont on ne sait toujours pas quelle en sera la destination, ou la transformation du site ancien de l’Hôpital de la Miséricorde en un « éco-quartier » pas même encore dessiné.

Bref, il y avait une extrême urgence à faire état des millions d’euros que l’État s’est engagé à financer pour ces projets ! En fait, si le Préfet était aussi pressé d’afficher ses choix, c’est parce que la campagne des territoriales qui approche va l’empêcher, d’ici peu, de tenir des conférences de presse en s’affichant de la sorte avec des candidats potentiels sans enfreindre la loi. Aussi, alors que les projets sont toujours dans les limbes, les voilà d’ores et déjà adoubés et financés.

Laurent Marcangeli peut partir tranquille en campagne électorale ! Car le Préfet Lelarge ne fait pas que financer ses projets fumeux. Il intervient aussi pour les défendre et les justifier. Ainsi le projet de téléphérique entre ville et hôpital, ou plutôt entre le centre-ville et la zone commerciale de Baleone qui regroupe les enseignes des grandes surfaces qui pourront ainsi encore mieux assécher le commerce de centre-ville, est défendu bec et ongles par le Préfet. « Les téléphériques urbains sont un marqueur de modernité » s’exclame-t-il, en ajoutant qu’à Brest, où il était précédemment en poste, « le téléphérique est devenu un objet iconique ». Sauf qu’à Brest le téléphérique en question relie deux quartiers séparés par un bras de mer profond et offre ainsi une liaison à la fois spectaculaire et permettant un gain de temps considérable. La liaison qui serpentera entre les cités de Pietralba et des Salines, avec un très faible dénivelé, n’offre aucun avantage comparable ni en temps ni en spectacle. Et il faudra de toutes façons gagner le point de départ à Saint Joseph en voiture !

Le discours du Préfet est sans fard : « A Fìgari, le trafic a doublé, il faut accompagner cette évolution. » Quelle évolution ? Celle du tout tourisme bien sûr, et de la multiplication des résidences secondaires dont Portivechju est l’archétype. Qu’importe le Padduc qui justement demande d’inverser cette évolution ! Le Préfet l’a-t-il seulement lu  ? En tous les cas, cela ne le préoccupe guère, et seul compte « d’accompagner les évolutions » qui détruisent l’identité corse !

Mais ce que fait le Préfet aujourd’hui participe d’un plan anticipé bien avant sa nomination au Palais Lantivy. Le Plan Exceptionnel d’Investissement avait été mis en place par Lionel Jospin et procédait d’une gestion concertée entre l’État et la Collectivité de Corse. Pas de décision sans accord entre les deux institutions. Mais le PEI s’est achevé en décembre 2020. Place désormais au PTIC, Plan de Transformation et d’Investissement en Corse, qui s’étalera jusqu’à la fin de la décennie, avec une différence majeure par rapport à son prédécesseur : l’État, à travers son Préfet, en est le seul décideur.

L’implication de l’attribution de ces fonds publics dans la campagne électorale anti-nationaliste était donc bien anticipée. Pascal Lelarge n’en est que le zélé propagandiste. •