Le résultat-surprise de l’élection présidentielle américaine est en effet à inscrire dans une succession de résultats électoraux qui, depuis 2005 et le referendum français qui a dit non au traité sur la Constitution Européenne, témoignent d’une montée idéologique fondée sur le conservatisme et la nostalgie d’un passé « glorieux », colonial pour les uns, économique pour d’autres, ou même militaire. Le message porté par ces votes successifs est bien celui d’une volonté de retrouver une position dominante, pour maîtriser à nouveau les ressorts de l’économie mondiale et en tirer les fruits afin de conforter un standard de vie largement privilégié.
Les démocraties occidentales, Europe et Amérique du Nord, c’est en effet 12% de la population mondiale bénéficiant de 50% du PIB de toute la planète. Autant dire les privilégiés de ce monde ! Ce déséquilibre, né de la révolution industrielle et des transferts de richesses réalisés à travers les empires coloniaux durant plus d’un siècle, a commencé à se résorber sous la poussée du développement des « puissances émergentes », Japon et Corée du Sud il y a deux générations, Chine, Inde, en Orient, Russie en Europe de l’Est, Brésil et Mexique en Amérique du Sud pour la génération actuelle.
Cette mondialisation économique fait la fortune de la classe sociale la plus favorisée au sein des démocraties occidentales, traders de la City ou géants de l’internet, industrie du luxe et magnats du pétrole. Leurs revenus explosent avec la croissance mondiale, et leurs richesses s’étalent aux yeux de tous, et alimentent des réseaux de corruption, de fraude fiscale, de détournements de fonds qui indignent tous les gens honnêtes. En même temps, elle provoque le déclassement et même la ruine de pans entiers de population dont les emplois partent vers la Chine ou le Mexique, dont les villes sont étouffées par quelques mégapoles et dont les campagnes sont vidées de leur substance humaine, soit pour faire la place aux exploitations géantes ultra-mécanisées, soit pour accueillir un tourisme spéculatif, ou encore, tout simplement, pour céder au désert et à l’abandon.
Les migrations sont le révélateur de ces déséquilibres croissants, d’autant que les masses de migrants sont plus nombreuses que jamais en raison des guerres qui embrasent le Moyen Orient. Les populations ressentent cette immigration comme une menace directe sur ce qui leur reste de bien-être, soit par la concurrence sur le marché de l’emploi, soit par la concurrence sur la manne de l’aide sociale que l’économie en crise peine de plus en plus à financer. Le vote Trump, c’est le vote d’un mal-être, et ce mal-être est aujourd’hui majoritaire dans de nombreuses sociétés occidentales. Peut-être le sera-t-il aussi en France en mai prochain, car les dés roulent désormais. Bien malin qui dira le résultat à l’avance en étant certain de son pronostic. Cette incertitude c’est déjà une victoire pour ceux qu’il y a six mois à peine personne ne voyait en mesure de faire mieux qu’un « bon score ». Ils peuvent gagner désormais et le vote autrichien du 4 décembre sera le prochain d’une succession de votes qui pourraient tourner au chemin de croix pour les tenants d’une démocratie conventionnelle.
Après des primaires en trompe l’oeil et aux contenus biaisés, qui surexposent des candidats aux projets vides de propositions nouvelles, l’élection elle-même va nourrir de nouvelles frustrations. Comment régénérer l’espoir dans le modèle démocratique ? Trouver les bonnes réponses devient urgent !