Le monde vit au rythme de l’épidémie du Covid-19 et, probablement, il va vers une seconde vague. Les systèmes de santé, instruits par la première vague du printemps, sont sans doute mieux armés qu’en février dernier. Mais la progression de la contagion crée de nouvelles tensions, et menace de tout déborder en cas de relâchement des comportements. D’où les restrictions apportées aux activités dans les zones les plus touchées. Mais, à chaque « tour de vis » sanitaire, le contrecoup économique est immédiat. La crise de l’économie s’accentue au fur et à mesure que les statistiques des cas détectés empire.
Logiquement, c’est là où la multiplication des contacts est effective que l’épidémie s’emballe. En zone touristique d’abord, notamment parmi les populations les plus jeunes qui, l’été venu, fréquentent assidûment plages, paillotes et espaces festifs. La Corse est ainsi passée en « zone rouge » à la fin de l’été. Tout comme la Côte d’Azur et bien d’autres régions touristiques ailleurs en France et en Europe. Puis c’est dans les concentrations urbaines, leurs transports en commun, leurs centres villes densément peuplés, etc., que le virus se régénère et repart de plus belle désormais : Marseille, Lyon, Paris, Bruxelles, Barcelone, Madrid, etc. En deux mois, les statistiques sont passées du vert à l’orange et de l’orange au rouge, puis de rouge à rouge écarlate : jusqu’à quel seuil arrivera-t-on, et comment réussira-t-on à le gérer ?
La ligne de crête des politiques publiques dans tous les États touchés est un équilibre instable qui consiste à tenter de contenir le virus tout en n’étouffant pas trop l’activité économique. Ainsi, on ferme les bars où le « passage » des clientèles est vecteur de propagation, mais on laisse ouvert les restaurants où la clientèle reste davantage assise et limite ainsi les contacts. La distinction est bien subtile et ne permet aucune garantie sanitaire. Idem pour les activités sportives, les écoles, les universités, les activités politiques, etc. : chaque point de rassemblement est un risque nouveau de rencontres entre un porteur de virus et un grand nombre de personnes qui, si elles sont contaminées, généreront autant de nouveaux clusters autour d’elles.
Clairement, la ligne suivie par l’État est de tenter de minimiser l’impact économique en laissant filer un peu la contagion sans qu’elle n’arrive à saturer comme en mars dernier le système hospitalier. Mais les statistiques montrent que le système est en perte de contrôle, et il faut s’attendre à devoir cumuler un système de santé débordé et une situation de crise économique redoublée.
En mai dernier, au début du déconfinement, beaucoup pariaient sur une « reprise en V », rêvant d’une croissance économique rattrapant rapidement à l’automne les pertes subies au printemps. Les optimistes doivent déchanter : tel n’est pas le cas. Certes, depuis le point bas atteint après le confinement total, une certaine activité a repris. Mais on est loin du compte attendu d’une véritable reprise économique.
L’espoir d’une reprise lente et continue semble encore dominer. Mais on sent bien que nous végétons sur un palier instable, alors que le soutien des pouvoirs publics arrive au bout de ce que pouvaient apporter les amortisseurs sociaux. Les banques ont repris l’encaissement de leurs mensualités de prêt, la sécurité sociale celui des charges, l’État limite son soutien au chômage partiel, aux petites entreprises, etc. : désormais les plans sociaux font l’actualité, et le chômage s’installe à un haut niveau.
Les activités les plus impactées sont toujours en berne, particulièrement un secteur comme l’aviation, compagnies aériennes ou constructeurs, alors qu’il y a peu ils étaient les fleurons de l’économie européenne. Le spectacle des aéroports, nombreux rideaux baissés et beaucoup de terminaux encore fermés, est un indicateur visible de la crise en cours. L’Europe entière est touchée. Les USA aussi où la maladie a même réussi à infecter le sommet de l’État et à contaminer son Président Donald Trump alors qu’il avait pris la posture idiote de minimiser l’épidémie. Peut-être va-t-il même y laisser ses chances de réélection.
Car la crise économique et sanitaire aura aussi un impact politique. On en a eu un avant-goût avec les dernières élections municipales : participation au plus bas et grandes difficultés rencontrées pour aller à leur terme. L’État laissera-t-il démarrer en décembre une campagne pour les élections cantonales et territoriales avec le risque d’un scénario comparable en mars 2021 ? Surtout que l’on devine le grand intérêt qu’aurait Emmanuel Macron à repousser d’un an un scrutin qui s’annonce on ne peut plus mal pour lui !
Et si la crise s’installe, qui peut prévoir son impact sur les électeurs ? Les « sortants » seront-ils déstabilisés par les difficultés ou confortés par un réflexe conservateur ? Que restera-t-il des « débats d’idées » pour des gens qui se débattront dans une crise économique redoublée, ou qui seront touchés dans leurs familles par des cas graves de la maladie ? En fait la crise sanitaire et économique du Covid-19 est loin d’être terminée, et il faut se rendre à l’évidence : nous sommes entrés dans des temps difficiles et peu prévisibles. •