I messaghji d’Edmond Simeoni

Approche

Edmond Simeoni, militant de la démocratie
Edmond Simeoni, militant de la démocratie
Voilà deux ans qu’Edmond nous a quitté et qu’Arritti a entamé cette rubrique pour rappeler la source intarissable de ses messages. Il n’y a pas de page qui se tourne sans que l’on sache en tirer les leçons. Ces messages restent indispensables à la cause du peuple corse, particulièrement aux nouvelles générations militantes et à ceux qui, à Paris, ont en main les clés de la question corse au niveau du gouvernement. Le 29 juin 1988, lors de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République pour son second septennat, il lui adressait un courrier en ce sens. Il écrivait dans la foulée à l’ensemble des maires et des décideurs en Corse, pour lancer un nouvel appel au dialogue qui n’aboutira pas mais qui laissera incontestablement des traces dans les consciences pour rebondir plus tard. La recette reste en effet indémodable. Extraits.

 

«Ne pourrait-on pas tenter une triple démarche?

– Tout d’abord, instaurer un dialogue public sans aucune exclusive, dans tous les secteurs de la société corse; il serait souhaitable de procéder à une étude de responsabilités de la situation actuelle et de se livrer à une autocritique sans complaisance. Désormais, sous peine de mort, il faut sortir du mutisme séculaire, de la démission, des controverses d’arrière-salle et du nombrilisme; je suis sûr que tous les médias sont prêts à accueillir et à enrichir le dialogue public.

– On pourrait élargir l’initiative du Comité consultatif à toutes les forces organisées de la société corse pour déboucher, dans un délai raisonnable sur une formule de rassemblement, type «états généraux» ou autre, qui formaliserait une démarche peu susceptible d’être remise en cause eu égard à sa large représentativité et au climat démocratique qui y aurait prévalu.
Dans leur immense majorité, les Corses de l’île et de l’extérieur veulent simultanément l’arrêt de la violence et une solution claire au problème posé.

– Il serait alors possible de passer à la dernière étape. Le dialogue avec l’État pour arrêter par la négociation, ou le cas échéant pour arracher par l’action de masse, les mesures appropriées, avec un calendrier précis et une méthode de travail rigoureuse, conditionnant en grande partie l’issue favorable du processus.

La Nouvelle-Calédonie a commencé à régler son problème par la concertation entre l’État et les partis politiques les plus antagonistes: ceux qui préconisent l’indépendance et ont assumé des violences graves et ceux qui veulent le statu quo et rejettent toute radicalisation. Ne pourrions-nous pas, sans nous livrer à une assimilation intégrale entre deux cas aussi dissemblables que la Nouvelle-Calédonie et la Corse, nous inspirer simplement de certains éléments de la méthode utilisée – claire, volontariste, pragmatique – pour résoudre notre propre problème? Serions-nous moins capables que les Néo-Calédoniens ou bien moins dignes de l’intérêt de l’État?

Je n’ai aucune vanité d’auteur et je suis prêt à m’associer sans aucune ambition politique à toute démarche qui serait plus efficace. Je veux aujourd’hui lancer le débat public et je vais poursuivre inlassablement deux objectifs étroitement liés: la solution équitable du problème corse et la restauration définitive de la paix publique. Ma proposition vise, par ce débat, à nourrir la démocratie, à féconder le dialogue et à rapprocher les points de vue par la pratique de l’écoute et de la tolérance. Le problème corse est éminemment politique et il appelle naturellement une solution globale, politique, sans préjuger de sa forme. La reprise des attentats, le premier octobre 1988, aggraverait le contentieux, et compliquerait la recherche d’une solution ultérieure. Tout dépend donc de nous et de nous seuls car il n’y a aucune fatalité du désastre. Chacun peut et doit garder ses convictions mais la solution est à portée de main; bien sûr, le succès de cette étape initiale nécessiterait deux ou trois décennies d’efforts, de rigueur, mais, personnellement, j’ai confiance.» •