Que nous dirait Edmond Simeoni s’il était encore parmi nous ? Que penserait-il de la situation de la Corse ? Quels vœux formulerait-il à l’île et à son peuple ? L’homme d’Aleria serait assurément toujours aussi révolté contre les injustices et les atermoiements. Il s’irriterait des lenteurs de la mise en place d’un vrai dialogue et de l’attitude très hostile de l’État. Le médecin humaniste appellerait une fois de plus à ce dialogue, à la volonté de le mettre en œuvre, aux efforts qu’il faut savoir faire. Il rappellerait les valeurs qui ont guidé son existence et forgé très tôt ses convictions que c’était la seule voie possible. Comme il le faisait dans le texte ci-dessous, le 7 janvier 2013, à l’orée d’une année nouvelle, et comme il l’a fait à chaque fois qu’il l’a jugé nécessaire.
Voilà plus de deux ans que Arritti a entamé cette rubrique pour rappeler les messages d’Edmond. Il nous semble toujours aussi nécessaire de fouiller dans les archives de nos mémoires et de nos publications pour rappeler ses paroles, les faire entendre et partager aux nouvelles générations militantes, et aux gouvernements qui continuent d’oppresser le peuple corse.
Hélas, ces vœux du 7 janvier 2013 n’ont pas pris une ride. Reformulons-les ensemble.
«Pace è Salute pour tous les Corses d’origine ou d’adoption, qu’ils vivent dans l’île ou dans la diaspora. Cette nouvelle année s’ouvre sous des auspices préoccupants tant au point de vue économique que du point de vue politique : l’île dotée de richesses exceptionnelles – humaines, naturelles, épargne – vit dans les difficultés, dans les violences et dans l’aliénation de la terre, des maisons, des consciences, de la culture.
Les Arrêtés Miot sont révélateurs des choix de l’État : à travers eux, le non est clair aux réformes vitales qu’exige la majorité de notre peuple concernant la terre, la langue, la fiscalité, le développement économique…
Engagé depuis 1960 dans l’affaire de l’Argentella, je n’avais pas compris la nature profonde du colonialisme français en Corse. Cinquante ans après, le constat est d’évidence : il repose sur la négation de l’existence du peuple corse et donc sur la volonté de le détruire.
La France a un allié : le temps car elle sait parfaitement que le temps joue contre nous. Les décennies de luttes permettent aujourd’hui aux Corses de savoir qui l’a défendue pied à pied et qui l’a abandonnée. Où en serions-nous si des hommes et des femmes de cette terre ne s’étaient pas dressés contre le colonialisme ? Si les forces de progrès dont nous étions, avec d’autres, à l’avant-garde, ne s’étaient pas opposés au clanisme ?
2013 n’est pas une année banale : la terre et les maisons se vendent, l’identité se dilue, la submersion démographique est à l’œuvre, la violence sociétale se banalise.
Je forme le vœu que nous trouvions toutes et tous, ensemble, rapidement et de manière déterminée, dans le respect de toutes les sensibilités attachées au peuple corse, à la démocratie, à la justice sociale, aux valeurs de l’humanisme, les voies et les moyens d’une solution définitive, équitable, respectueuse des intérêts des parties, dans le cadre euro-méditerranéen. Le dialogue et le rassemblement sont le seul chemin qui ouvre sur la paix, le développement, la fraternité. » •