Tout au long de sa vie, Edmond Simoni n’a cessé de faire la pédagogie des revendications du mouvement national appelant toutes les parties à un débat franc et serein. Expliquer sans cesse, sans crainte, sans ostracisme, les valeurs, les moyens, les objectifs. Le débat sur l’avenir institutionnel de l’île ne doit pas faire peur. Souveraineté, autodétermination, reconnaissance juridique du peuple corse, dans son livre « Corse, la volonté d’être » (Édition Albiana, 1995), il critique gentiment ceux qui agitent des épouvantails, pour ramener ces concepts à une aspiration simple, légitime : la volonté d’être d’un peuple et ses droits imprescriptibles. Extraits.
«La reconnaissance juridique du peuple corse est une mesure essentielle et une revendication qui n’a pas à être négociée. Son obtention a d’abord une portée symbolique et sécurisante : elle marquerait la rupture avec une période durant laquelle, privé d’existence légale, donc de droits, il a vu ses intérêts spécifiques niés, méprisés, laminés, son identité menacée jusqu’à disparaître presque irréversiblement. Cette reconnaissance officielle a également des implications juridiques et politiques majeures, dont aucune cependant n’ouvre la porte à l’aventure ou à des enchaînements non-maîtrisables, comme tentent de le laisser croire certains contempteurs de cette notion :
– Certes, il faudra comme pour toute autre collectivité humaine politiquement identifiable définir des critères d’appartenance : le peuple corse, communauté de destin réunissant dans un vouloir-vivre et un vouloir-être collectifs, Corses d’origine et Corses d’adoption, distingués ici dans une intention didactique mais en fait indissociablement soudés par le rapport structurant avec une terre et l’adhésion à une culture et un projet.
L’intégration n’ayant bien sûr aucun caractère comminatoire, ceux qui, de passage ou sédentarisés, ne désirent pas se fondre dans cette matrice, doivent bénéficier de l’entière liberté de leur choix : ils ont notamment droit au respect de leurs intérêts légitimes, de leurs convictions, de leur culture, de leur religion, à charge pour eux de respecter le pays d’accueil.
– Ce peuple, comme tout autre peuple, quelles que soient son importance démographique ou sa puissance économique, doit voir ses droits nationaux reconnus et protégés. Le premier, celui duquel tous les autres découlent, est le droit à la souveraineté dont la conception impériale, absolutiste a vécu. Concrètement et au quotidien, elle est l’expression d’un certain degré de maîtrise qu’un peuple conserve dans certains domaines énumérés par la loi, notamment en ce qui concerne son développement économique, social et culturel. Politiquement, elle n’est rien d’autre que la libre détermination par un peuple de son statut et sur ce dernier terrain, l’exercice du droit à la souveraineté peut en certaines occasions revêtir une forme solennelle. On se trouve alors dans le cadre d’un scrutin d’autodétermination par lequel le corps électoral choisit, entre plusieurs formes institutionnelles, celle qui lui paraît la plus adéquate. Laisser croire que le choix se résume entre le statu quo et une indépendance rigide en forme d’État-Nation, évolution que la réalité corse et internationale d’aujourd’hui interdit et condamne, est spécieux et réducteur. Dès lors, en quoi la mise en œuvre à terme d’une telle procédure serait-elle choquante ? Craint-on l’aventure, le chaos ? Je pense pour ma part que le peuple corse, dans sa sagesse, entérinerait majoritairement un choix qui préserverait et permettrait de cultiver la qualité des relations que l’île se doit d’entretenir avec un environnement international en pleine mutation. Un choix qui lui permettrait de se faire entendre dans ses trois aires politiques et culturelles de référence : la France, l’Europe, et la Méditerranée. » •