Lezzioni di storia, Max Simeoni

1964 : le CEDIC avait déjà tout compris !

Max Simeoni

Le CEDIC, Comité d’études et de défense des intérêts de la Corse, ancêtre du mouvement autonomiste corse, a été créé en avril 1964. Pour marquer sa création, il publie un Manifeste, où il livre analyses et propositions. Tout est déjà compris des ingrédients de ce que l’on a appelé « le problème corse »… Les élus et toutes personnes actuellement impliqués dans les discussions sur l’avenir de la Corse, seraient bien inspirés de lire ce petit opuscule.

Max Simeoni, fondateur du CEDIC avec Paul Marc Seta, nous transmet ces différents extraits* avec ce commentaire : « J’ai pensé, en publiant ce manifeste du CEDIC de 1964, éclairer les militants et les responsables autonomistes en rappelant une évidence à savoir que la Corse est une colonie et qu’il fallait une organisation politique adaptée pour la décoloniser. Le mot Ethnie dans le texte correspond entièrement à celui de peuple corse. Le mot d’apolitisme n’est que le rejet des partis de Droite et de Gauche et qu’il fallait une organisation qui prenne en compte le peuple corse puisqu’il s’agissait de la menace de sa disparition et regrouper tous ceux d’où qu’ils viennent pour mener une lutte historique civique d’émancipation.
On pensait alors qu’un statut spécial était le moyen. Mais la découverte du rapport secret de l’Hudson Institute en 1971 a établi que le marasme du développement était voulu. L’île a d’abord servi de réservoir d’hommes (empire colonial, guerres), puis non développée, vidée, elle devait être rentabilisée par un tourisme de masse rapide (250.000 lits projetés en 15 ans).
Les questions qui se posent de nos jours :
– des statuts ont été octroyés mais rien qui ne puisse imaginer ce sauvetage du peuple corse ?
– pire, les élections Territoriales divisent les Corses comme par le passé ?
Traiter avec Paris, certes, mais sans le rouleau compresseur d’un parti politique qui finisse par mettre ce centralisme le dos au mur est vain, et le peuple corse se meurt comme l’a toujours voulu l’État jacobin. »

ARRITTI ouvre ainsi une nouvelle rubrique avec Max Simeoni, par le rappel de faits ou de documents historiques insuffisamment connus, afin d’éclairer notre jugement dans l’analyse de la situation.

 

 

La colonisation en marche

« Et quand on pense que, dans quelques années, l’ouverture des frontières, grâce au Marché Commun, permettra l’entrée sans contrôle de groups d’immigrants, autorisera la circulation des capitaux et donc facilitera les investissements des groupes financiers, on peut se demander comment les Corses résisteront à l’afflux des hommes et des capitaux, si l’Ethnie corse maintiendra sa place et jouera un rôle quelconque dans cette grande aventure qui se préparer et qui d’ailleurs, s’est amorcée, particulièrement dans le domaine hôtelier. Il se pourrait donc, que dans les secteurs essentiels, celui du Tourisme et de l’Agriculture, les Corses se trouvassent exclus systématiquement par la force des choses et surtout par la Finance.

Peu à peu, la spoliation acquiert sa vitesse de croisière, bien qu’elle soit encore discrète, et qu’elle se dissimule sous les promesses d’une prospérité future, et les appâts d’un argent facile.

Or l’opinion désormais alertée, pressent la véritable nature du problème corse, et ce qu’il risque d’advenir d’une Corse livrée aux puissances financières. Elle attend, donc, encore de ses Mouvements comme de leurs chefs, non pas seulement des condamnations platoniques et académiques, mais surtout des prises de position catégoriques, suivies d’effet.

La crainte de la colonisation par des éléments étrangers à l’île devient l’une des pierres angulaires du problème corse. Finasser trop souvent et trop longtemps avec certaines des tournures inquiétantes du problème corse conduit évidemment l’opinion à se réfugier dans une attitude méfiante et dans l’abstention.

Tout Mouvement nouveau devra parler un langage clair et s’y tenir, en faisant en sorte que certains de ses membres ne puissent apparaître à la fois comme juges et parties. » •

 

* Ndlr : Il faut lire ces extraits avec le sens des mots de l’époque. Ainsi, lorsqu’on parlait il y a 60 ans « d’ethnie corse », c’est le peuple corse qui était désigné. Lorsqu’on parlait « d’immigrants », c’est de ceux venus de la métropole dans un objectif pour le gouvernement de ce que l’on nomme aujourd’hui la « colonisation de peuplement » alors que les jeunes Corses s’exilaient massivement en l’absence d’Université. Lorsqu’on parle de « Marché commun », c’est de l’Union européenne des États dont il s’agit aujourd’hui. À la lecture de ces différents extraits, on comprend où le drame d’Aleria qui subviendra une décennie plus tard, puise ses causes profondes.

 


 

Morceaux choisis

« Il a semblé clair à notre équipe que les revendications, d’allure trop souvent technique et académique, avancées jusqu’à présent ne reflétaient qu’imparfaitement l’intensité du drame corse, et que, par suite, les solutions proposées ou entreprises ne correspondaient pas toujours à la nature profonde du problème corse qui demeure celui d’une ethnie menacée de dispersion, puis de disparition, dans un délai relativement court. »

« Cette protection des droits imprescriptibles et sacrés de notre ethnie est la justification essentielle du CEDIC et la base même de sa doctrine. »

« La sauvegarde de l’ethnie ne s’avère possible que si la collectivité insulaire devient étroitement et réellement associée à l’administration comme à l’économie de la région corse, de façon à contrôler la destination des investissements et la répartition des bénéfices du Plan d’Action Régionale. Un tel résultat ne peut être obtenu que par l’octroi à la Corse d’un Statut Spécial qui lui donnerait les moyens d’exercer cette action concrète dans la conduite des affaires régionales. »

« Le problème corse doit être résolu par les Corses et pour les Corses, sans méconnaître pour autant le droit pour l’Etat central de s’assurer de la bonne foi du Plan d’Action Régional et de contrôle a posteriori, son application. »

« Les Corses de l’île doivent compter avant tout sur eux-mêmes, puisqu’aucun changement véritable ne saurait s’importer ou s’imposer à eux de l’extérieur, s’ils ne le veulent vraiment, au préalable. Le devoir de nos compatriotes de l’extérieur est donc de se rallier aux revendications de l’île. »

« L’île est toujours maintenue au sein de l’ensemble hétérogène constitué par la XXIe Région économique, quand elle devrait du fait même de sa particularité géographique, être érigée en XXIIè Région Autonome. ».

« Le centre parisien se situe forcément loin des réalités humaines de l’île, et ce d’autant plus qu’il n’existe en Corse, aucun organe d’impulsion, de direction, et de transmission, doté de pouvoirs réels, pensant Corse, agissant Corse, et soucieux du bien-être des populations locales. »

« Répétons-le : le problème corse n’est pas seulement technique, mais avant tout humain. Il doit s’exprimer comme tel, si l’on veut avoir prise sur l’opinion. »

« Tel est le souci prédominant, et le fondement revendicatif essentiel du CEDIC, à savoir la défense et la sauvegarde de l’ethnie corse, avec en corollaire l’érection de la Corse en Région Autonome, par le moyen d’un Statut Spécial, instituant dans l’île une administration et une économie régionale, adaptées aux besoins et aux particularités locales. »

« Il nous est intolérable d’imaginer, qu’un jour, notre île puisse se retrouver dépersonnalisée, dépourvue de ses racines humaines, dans un univers construit par des technocrates, à l’aide d’une règle à calcul. Sans nous, sans les Corses, la Corse ne sera plus elle-même. Nous ne pouvons admettre la décorsisation de notre île. Les soucis de la rentabilité financière ne doivent pas systématiquement primer le droit que nous avons de vivre dans le cadre naturel qui nous est cher. » •