« Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? »

Vaut-il mieux en rire ? Non ! Cette attente, dans une incertitude qui se prolonge, prend un risque qui pourrait avoir des
conséquences imprévisibles, et de toutes façons négatives.

«Anne, ma soeur Anne…» On était en droit d’espérer un scénario meilleur même si dans les six mois « la coordination» (1/3 PNC, 1/3 Inseme, 1/3 ouverture) décidée lors du vote unanime d’octobre 2017 pour préparer l’AG constitutive d’un mouvement unifié Femu a Corsica, a été entravée par une remise en question de cette fusion et par les manoeuvres d’un Président de la République visant à n’accorder aucune légitimité à une majorité «absolue» dans son projet d’autonomie à terme, ni même sur la base d’un Padduc voté auparavant par tous les partis politiques. «De simples élus locaux, ils ne font pas la loi »…

 

Cette majorité «absolue» est dans une situation ridicule. À la tête d’une Assemblée Unique dont les compétences et les moyens financiers ne sont pas encore définis, à la merci du pouvoir central, sans doute enfermée dans l’article 72-5, le Pouvoir finira par l’habiller complètement (costume, chemise et sous-vétements) pour le défilé d’une loi organique mode républicaine. Elle aurait eu encore le temps de se ressaisir et de faire face. Et absolument un comble, si elle n’a pas pu le faire c’est de sa faute. Sa « coordination » est devenue un lieu de conciliabules, des élus qui palabrent sur les mérites d’un parti de militants, sur l’ouverture, sur le consensus, sur la fusion, en conservant chacun sa «sensibilité» , et des recettes pour les cuisiner à une sauce liante, légère « tendances », plus épaisse « fédéraliste », à deux « sucré et salé», et une seule «dense mais moelleuse»… Le temps sans rien faire cuire passe en discussions dont tous les enthousiastes d’octobre 2017 ne perçoivent que des bribes sans rien comprendre et les échéances pour s’adresser à eux et les mobiliser, sont renvoyées l’une après l’autre aux calendes grecques. La main en visière, ils ne voient rien venir. Certains en ont des crampes, certains baissent les bras, d’autres se détournent jurant qu’on ne les y prendra plus à faire les poireaux… Je ris, mais jaune.

 

Comment expliquer cette situation?

Sauf éléments non connus ou tenus volontairement secrets, si ce n’est par une vue autocentrée électoraliste des élus de la coalition électorale hypnotisés, sidérés, par leur renouvellement aux prochaines élections, soucieux d’y maintenir leur équilibre ou d’y améliorer leur influence.

La crainte qu’un parti autonomiste unifié changeant les rapports conduit les uns et les autres à conserver la coalition. C’est un équilibre instable qui est un jeu négatif où on se marque à la culotte pour se justifier aux yeux des opinions, des militants ou des votants. Mais c’est un jeu à qui perd gagne. C’est un poison. Il ne permet plus de rêver, d’espérer un avenir collectif meilleur. Il donne le ton du chacun pour soi.

Il finit par apparaître comme une trahison à tous ceux qui veulent malgré tout y croire.

Et c’est dérisoire car la situation du Peuple Corse, loin de s’améliorer, empire de plus en plus vite dans sa trajectoire historique de deux cent trente années pour la plupart au sein de l’État républicain. Répétons pour bien comprendre les phases coloniales qu’il lui a fait subir.

 

– Un siècle de loi douanière de 1818 à 1913, qui étouffe l’économie insulaire.

 

– Un an après la guerre de 14-18 qui tue 12.000 procréateurs et laisse des milliers de blessés, une cassure dans la démographie, des hommes sans avenir sur une terre stérilisée qui continue à se vider pour encadrer la conquête d’un Empire colonial (160.000 habitants en 1960).

 

– Deuxième guerre mondiale, 22 ans après celle de 39-44, suivie par une rapide décolonisation en 18 ans : Accord de Genève 1954 (Indochine), d’Evian 1962 (Algérie).

 

En Nouvelle Calédonie, dernière colonie française, le référendum a écarté hier l’indépendance jusqu’au prochain scrutin. L’État républicain a mis à profit les années prévues par l’accord de Matignon (Michel Rocard) pour investir dans les infrastructures (hôpitaux dans les territoires Kanaks, écoles, extension de l’exploitation minière et emplois à la clef, etc.), il a fait renaître un peu d’espoir dans ce DOM TOM (article 74). Il va sans doute renforcer cette politique en vue des deux référendums pour garder cette île à 17.000 km de la métropole, sa position stratégique dans l’Océan Pacifique primordiale pour les grandes puissances, et le Nickel minerais plutôt rare et précieux pour l’industrie.

 

La Corse n’est qu’à 200 km, proche et l’indépendance est un problème constant pour sa sécurité. Pour contenir la montée des natios devenus majoritaires, l’État républicain va être plus présent, par ses Ministres et par son administration.

C’est déjà commencé. Il va s’interposer en douceur entre les élus et les secteurs socioprofessionnels, syndicaux et culturels pour faire passer l’idée que les prétentions excessives des natios ne mènent qu’à des tensions.

Son souci est double. D’abord sa sécurité, ensuite une autonomie contrôlée aux antipodes est possible, avec deux populations que tout différencie, race et culture.

Mais trop proche elle remet en question le dogme jacobin et devient un exemple contagieux pour bien de régions de l’hexagone qui aspirent à une Europe des régions naturelles et des Peuples avec les cultures de leurs histoires.

Elle ne peut pas accepter le Padduc. Pas de coofficialité, un bilinguisme qu’elle contrôle. Or sans coofficialité l’Unesco l’écrit dans son rapport de 2003-2004, la langue disparaîtra peu à peu. Pas de statut de résident pour ne pas établir un lien de droit entre l’île et ses habitants qui entamerait le principe d’un seul pays, d’une seule langue, d’un seul État. Pas de pouvoir fiscal à l’autorité politique insulaire, la fiscalité et des dérogations éventuelles doivent demeurer au pouvoir central.

Le Plan d’Aménagement de la Corse stoppé par la divulgation du Rapport de l’Hudson Institute, continue en fait. «C’est un Plan de déménagement des Corses» selon l’expression employée pour le caractériser. Au lieu de mobiliser directement les capitaux bancaires, les réductions de 30% de taxes pour les constructions ont mobilisé l’argent privé surtout extérieur.

 

Les résultats sont là: le plus fort taux de résidences secondaires et l’encouragement à construire pour un tourisme qui engraisse l’économie dominante. Exemple: l’intérêt des transporteurs est de transporter le maximum de marchandises.

Avec la continuité territoriale, ils distribuent les produits venus d’ailleurs par bateaux, grandes surfaces et camions.

Logique économique. ils n’ont pas à initier et à structurer une économie insuaire. Et sans autonomie, législative et financière, la CdC ne peut pas y parvenir. Suite au prochain Arritti.

Max Simeoni.

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