La première visite du Président de la République a pris prétexte d’un cérémonial pour l’anniversaire du Préfet Erignac assassiné pour mettre KO la majorité « absolue ». Pas de visite dans l’hémicycle de la CdC, pas de drapeau tête de maure, l’affirmation brutale d’une République jacobine sans concession envers des « élus locaux qui ne font pas la loi » et qui doivent appliquer celle que lui et sa majorité élaborent à Paris. Entendre par là qu’ils n’ont même pas le droit de demander de la modifier ; à ses yeux de grand prêtre jacobin, c’est une hérésie. Ce message était aussi destiné aux autres régionalistes, autonomistes de France et de Navarre. À bon entendeur…
Pour la deuxième visite du Président de la République, l’effet « gilets jaunes » a ėbranlé sa certitude d’airain en son pouvoir souverain, il a décidé de consulter ses citoyens-sujets pour tenir la rampe. Le « grand dialogue » dont son gouvernement fera la synthèse et dégagera quelques propositions. Le dialogue finit en Corse avec une minorité de maires. A-t-il sauvé la face ? Oui et non. Il a eu un public gagné par avance avec des anti-nationalistes, et d’autres aux abois espérant quelques euros pour leur Mairies dépeuplées aux budgets de disette. Il n’a entendu que quelques critiques sur l’absence des natios et beaucoup de suppliques pour atténuer les affres de la désertification.
Personne n’était présent pour dire que c’est lui qui a le premier refusé le dialogue avec des élus du suffrage universel. Plusieurs ont condamné le refus des présidents, Assemblée et Exécutif de ne pas aller à Cuzzà. Oui, il a traversé la marre des élus de proximité avec ses cuissardes élyséennes sans déranger les algues vertes, ni effaroucher les têtards. Compatissant, il a promis que ses jardiniers administrateurs et Ministres videraient quelques seaux d’eau fraîche pour que leurs eaux soient moins croupissantes.
Non si on compare l’image qu’il a donné à ses deux visites, la première celle d’un toréador prêt à donner l’estocade, la dernière celle paternaliste du grand Chef qui écoute, qui comprend, qui entend les gémissements, compatit et promet de soulager, le conquérant sûr de sa puissance, par les gilets jaunes est devenu plus peuple, il visite une charcuterie artisanale, il ferme les yeux sur une ou deux modestes bandere. Nos maires privés du relais bien rodé des Conseillers Généraux-Députés sont flattés de voir surgir dans leur proximité celle du grand Chef.
Le « grand dialogue » va lui servir d’inventaire des divers problèmes mal vécus par la France profonde et ses îles dont la Corse. Il saura mieux le minimum à satisfaire pour finir sa mandature et garder une chance d’en gagner une autre.
Les Corses sont coupables, tous, du meurtre d’Erignac. Ils n’ont pas assez battu leur coulpe. Qu’ils condamnent et défilent en masse ne saurait suffire, ils devraient à chaque occasion dire en préambule « pardonnez-nous seigneur !» Veut-il faire porter une responsabilité collective éternelle à ce Peuple, à ceux qui s’en réclament ? La Justice a condamné sévèrement. Le dirigeant au sommet de la pyramide dont le devoir constitutionnel est de la garantir ferait de la surenchère ?
Des crimes d’État comme tous les États, la République nous en servis en abondance. Pour n’évoquer que la période de décolonisation, en Indochine, en Algérie elle nous a fait connaître une guerre baptisée « Pacification» ondoyée de tortures. En Corse les mauvaises habitudes persistant, nous avons eu droit à un concert de barbouzes. Des flics, des commissaires, couvraient de petits délinquants et les poussaient à des attentats contre nous autonomistes.
Ils pensaient qu’on se vengerait.
Le but était d’initier une guerre entre Corses pour annihiler la revendication politique.
Nous les avons identifiés, dénoncés au Préfet, puis à Paris au plus haut niveau. En vain. Nous ne sommes pas tombés dans le piège d’une riposte de colère malgré un plasticage au domicile de ma mère fait pour tuer et amorcer l’escalade.
Mitterrand amène la gauche au pouvoir en 1980, supprime la Cours de Sûreté de l’État, met les barbouzes au chômage et avec Defferre dote l’île d’un Statut spécial.
La Gauche, Joxe, Jospin pousseront l’amélioration d’un statut à l’autre jusqu’à la limite de compatibilité avec le jacobinisme de la République sans jamais la franchir car toute la structure administrative et politique est de conviction, de culture jacobine, rares ceux des grands serviteurs comme Rocard qui pensent qu’elle est périmée. Cette culture implique de nier toute diversité (un seul Peuple, un seul État, une seule langue), de ne lui reconnaître aucun droit et ainsi la rendant hors sol, ses racines se dessèchent. Mieux on peut mener une politique coloniale mine de rien.
Le problème est politique. Il ne s’agit pas de diaboliser la France ni le Peuple français mais simplement de changer la nature du lien qui les unit pour permettre au Peuple Corse de ne pas disparaître.
Le refus de la coofficialité est la preuve de volonté cachée que la langue s’estompe. On nous dira qu’il n’y a pas de majorité à un Congrès de Versailles pour changer la Constitution. Même chanson avec le Conseil Constitutionnel sous la Présidence de Badinter pour supprimer le vocable de Peuple Corse du statut Joxe. C’est pitoyable. C’est jacobin. C’est toxique.
Les maires vont connaître les joies d’une proximité avec les serviteurs de l’État, Préfets, Ministres, envoyés divers qui vont leur accorder quelques os à ronger sans rien changer du cadre qui les enferme. Ils veulent développer, construire sans contrainte, sans Padduc, sans espace stratégique… pour quelques maigres taxes, pour augmenter de quelques unités les résidents secondaires… Ont-ils conscience qu’ils bradent la terre des générations à venir ? « Le problème Corse se joue sur la possession des sols, l’entrée des capitaux, l’immigration et l’installation d’hommes venus de l’extérieur. La colonisation en marche » avait dit le Cedic dans les années 60, « dans quelques années, l’ouverture des frontières, grâce au Marché Commun, permettra l’entrée sans contrôle de groupes d’immigrants, autorisera la circulation des capitaux et donc facilitera les investissements des groupes financiers, on peut se demander comment les Corses résisteront à l’afflux des hommes et des capitaux ».
55 ans après, je ne vois rien de nouveau que le Président n’apporte.
Les natios sont aux commandes de la CdC? La belle affaire ! Sans pouvoir autonome, sans reconnaissance des droits du Peuple Corse, ils feront comme les maires, ils devront accepter peu pour ne faire que pas assez. La priorité historique est ailleurs.
Max Simeoni.