par Max Simeoni
Les élections du Président de la République au suffrage universel direct en avril prochain sont, d’un point de vue des institutions de la Ve République, une même élection avec les élections législatives, lesquelles étaient destinées à donner au Président maître de l’Exécutif une majorité pour qu’il puisse gouverner sans la chienlit des partis charnières de la IVe République qui faisaient et défaisaient les gouvernements impuissants. De Gaulle voulait lancer la décentralisation/régionalisation (discours de la Foire de Lyon en 1969), et réformer les institutions, à commencer par le Sénat. Devant la résistance des notables, bon nombre de sénateurs étant conseillers généraux, il fit un référendum, y mit sa démission en jeu en cas d’échec et… il démissionna aussitôt.
Les Gaullistes se constituèrent en parti politique pour réaliser ses idées, mais la logique électoraliste a pris le pas sur l’idéal, ils acceptèrent la cohabitation et finalement il ne reste rien de l’héritage. Macron a pu surgir de cette impuissance. Il sera présent, même si ce n’est pas encore officiel, pour l’élection d’un deuxième mandat. Le temps à temporiser embarrasse les autres candidats, un avantage pour lui.
Localement où en sont les partis ? Les législatives qui ont donné sur quatre députés, trois nationalistes (deux Inseme, un PNC) devraient être reconduits parce qu’ils ont fait une bonne équipe et l’heure n’est pas à amplifier la confusion et la prise de risques. On peut le voir ainsi de l’extérieur.
En ce qui concerne les partis nationalistes, leur coalition qui leur avait permis d’accéder rapidement à la mairie de Bastia puis à la CdC avant la surprise de l’élection de Macron, s’inscrivait dans l’effondrement du système électoral centralisé, les clans étant en chute libre sans leurs poulies parisiennes. Ils portent une grande part de responsabilité dans leurs difficultés actuelles. Les autonomistes en particulier qui à Corti en octobre 2017 votent leur fusion à l’unanimité des présents, gagnent en coalition les élections de la CdC en décembre, se partagent les postes de l’Exécutif et ne fusionnent pas par la suite après 14 mois perdus en palabres, les six mois l’échec de la commission qui devait préparer les statuts du parti fusionné, plus 8 mois pour chercher en vain une sortie ce qui les a amenés divisés au début de l’actuel cycle électoral. Gilles Simeoni finit par s’assurer une majorité « absolue » à lui tout seul.
Le fringant nouveau Président Macron masqué en girondin ne veut pas avoir à faire avec une majorité locale nationaliste. L’euphorie de sa « période de grâce » post électorale le grise au point qu’il imagine un cérémonial pour l’anniversaire de la mort du Préfet Erignac en compagnie de Chevènement de mise au pas de ces « élus locaux qui ne font pas la Loi ». Il veut leur tirer l’oreille comme à des petits garçons impolis… l’euphorie vite dissipée avec les ronds points envahis de gilets jaunes ramènent sur terre, le ton change avec les ministres qui défilent avec une Madame Corse, mais le pouvoir jacobin doit contenir les nationalistes sur place avec des préfets faute de l’alibi des clans et des conseils généraux disparus dans le statut Cazeneuve et tentent en direct de ranimer une opposition claniste aux nationalistes du genre préfet Bonnet bien au delà des paillotes. Un véritable bouche à bouche pour les ressusciter, leur donnant l’occasion de se faire un peu de prestige (Les États d’Europe en Méditerranée se réunissent à Aiacciu) et le préfet débloque 60 millions pour des infrastructures, téléphérique compris, considéré comme un signe de modernité (!). Le lendemain, 10 millions pour le maire de Bonifaziu.
Jean Christophe Angelini vient de remplir un amphithéâtre, il y annonce un retour sur le terrain, mais prudemment ne veut pas de conflit, de rupture avec les autres nationalistes. Corsica Lìbera attend faute de pouvoir embrayer directement.
Gilles Simeoni négocie ou du moins discute avec les candidats et/ou leurs proches pour faire prendre en compte un processus de sortie politique du problème Corse qu’on ne peut plus nier ou escamoter. Il espère rallier plus ou moins de Corses sans repères mais portés de bonne volonté. Il attend des candidats crédibles à la présidentielle des signes d’encouragement pour un processus à négocier avec celui qui sera élu. Il est trop tôt pour que le simple bruit d’un retour en Corse du préfet Robine puisse être comme tel. Ce serait une première dans l’histoire de la préfectorale !
Dans tout cet embrouillamini d’incertitude, d’attente et d’action envisagées, personne n’a de garantie, même pas Macron avec des sondages favorables. Non plus Gilles Simeoni et sa majorité « absolue » et que dire de tous les autres.
Marine Le Pen est parasitée par Zemmour. Macron selon les scores des uns et des autres n’a pas de garantie d’une possible entente à deux pour le coiffer sur la ligne d’arrivée. Hidalgo refuse de couler pour, sait-on jamais, voir un miracle. Pecresse rame sec en vue d’un succès difficile mais possible et une multitude de candidats annoncés au premier tour pour exister et/ou être dans le jeu des postes d’un futur Président de la République quelqu’il soit. De vivace, reste seul le virus électoraliste de partout dans l’Hexagone et sur l’île.
Les différents statuts particuliers (Defferre, Joxe, Jospin et Cazeneuve) ont démontré leur limite pour sauver le Peuple Corse en voie de disparition par le colonialisme jacobin de la République qui a refusé la reconnaissance de ce peuple et n’accepte qu’un bilinguisme qu’elle contrôle. La preuve irréfutable de son colonialisme a été apportée à deux reprises. Dans le rapport secret que la Datar avait commandité en 1970-71 à l’Hudson Institute, sur quatre propositions possibles évoquées, elle avait retenu celle d’un tout tourisme (250 à 300.000 lits à créer en 10 ans) et d’un renouvellement de population, proposition que l’Hudson Institute lui-même ne conseillait pas mais que la Datar avait fait entériner en Conseil des ministres tout en faisant campagne médiatique que le tourisme était le moteur du développement économique et que tous les habitants allaient en bénéficier. Dévoilé par l’ARC, l’État pris en flagrant délit nia sa responsabilité et mis, pitoyable, l’Hudson Institute en cause, tenu au secret par contrat.
Deuxième preuve, Jean Mannarini nous avait fait connaître un document de traites de cavalerie frauduleuse de la Covirep de cinq sociétés de négociants Pieds Noirs qui dominaient le marché des vins. L’ARC décide de dénoncer ces trafiquants de la vinasse et occupe la cave de Cohen Skali. Poniatowski alors ministre de l’Intérieur fait donner l’assaut. « Après Aleria, plus rien ne sera comme avant » a-t-on dit ! Certes, mais les nationalistes se sont laissés endormir. Ils sont accroc à l’électoralisme pour des mandats et des postes d’une institution qui les rend responsables de tout, sans leur donner les moyens du sauvetage historique de leur peuple pour lequel ils existent.
Il faut l’autonomie pour faire les lois et/ou les infléchir. Il faut la coofficialité pour sauver la langue Corse. Il est impératif d’obtenir l’une et l’autre. Pour l’heure, l’outil à élaborer est un parti au sein du peuple conçu pour cet objectif. Pas faisable dans le cycle électoraliste en cours. Y réfléchir pour être prêt dès que possible. •