Au tribunal de l’Histoire, pas de circonstances atténuantes

Le problème corse est historique, celui de la relation coloniale de l’île et de ses habitants avec la France.

 

L’histoire coloniale de la Corse est constante, si on veut bien la voir depuis sa conquête par les armes du roi de France en 1769 à Ponte Novu puis soumise, 20 ans après, à l’idéologie d’une Révolution des jacobins qui éliminent les girondins. L’Empire Napoléonien, la monarchie constitutionnelle (Charles X et Louis-Philippe) prennent le relais jusqu’à la proclamation de la II République de 1848.

Pendant cette période tumultueuse d’une soixantaine d’année, l’île en 1818 est affublée de la loi Douanière qu’elle subira un siècle durant jusqu’en 1913, loi Coloniale qui sous de faux prétextes laisse les produits français arriver sans taxe qu’elle impose aux produits Corses vers l’hexagone.

Cyniquement elle étrangle l’économie de l’île. Aussitôt la Guerre de 14-18 la saignera de 12.000 hommes dans la force de l’âge et de nombreux invalides.

 

La politique du « réservoir d’hommes » s’amplifie par la conquête de la République d’un vaste Empire colonial à maintenir.

L’île non développée, et appauvrie finira par ne compter en 1962 qu’une population de 160.000 habitants vieillissante.

Or la guerre de 39-40 débouche sur la décolonisation. Les accords de Genève en 1954 (Dien Bien Phu) pour l’Indochine et ceux d’Evian en 1962 pour l’Algérie.

La France doit considérer ses ressources propres, privée qu’elle est désormais des facilités coloniales lointaines et de la nécessité du projet de faire l’Europe. Elle dote ses régions d’un Plan d’Action Régionale en 1958, Société d’économie mixte : Somivac et Setco pour la Corse…

En 1971 le rapport secret de l’Hudson Institut commandité par la Datar est publié par l’ARC.

Il dévoile que le Schéma d’Aménagement de la Corse n’est autre qu’un développement massif (250 à 300.000 lits en 10 ans, apport de population allogène, 70.000 employés pour ce tourisme…). C’est véritablement un génocide par les moyens économiques et les transferts de population. Quatre ans après, en 1975, ce sera le choc d’Aleria et en 1976 la création du FLNC.

Mitterand en 1982 au pouvoir donne un premier « statut particulier » Defferre en retrait par rapport à celui promis pendant sa campagne électorale. Un deuxième, statut Joxe, reconnaît le Peuple Corse que le Conseil Constitutionnel présidé par Badinter abroge illico. Jospin à son tour commence un statut qui serait une avancée mais le retour de la droite à Paris ne permet pas de réforme de la Constitution nécessaire pour certaines dispositions.

Sarkozy propose un référendum local pour supprimer les conseils généraux. Des clans suivent mais quand ils se rendent compte qu’il y aura moins de conseillers à élire, certains font en douce voter contre.

Hollande candidat s’engage pour ratifier le statut des langues minoritaires du Conseil de l’Europe, élu il consulte le Conseil d’État qui le rejette. Son ministre de l’Intérieur, Cazeneuve dit « chiche » à une Assemblée Unique c’est à dire à la suppression des ex-Conseils Généraux qui est votée par le Parlement.

La victoire inattendue de Macron fait de lui le maître d’oeuvre. Il se dit ouvert à un pacte girondin.

 

Cette histoire du traitement de la Corse par l’État français éclaire un colonialisme qui ne souffre aucune contestation même s’il prend des aspects différents selon les époques.

En deux cent trente ans de domination, la France a d’abord été brutale, un siècle de loi douanière qui a détruit l’économie puis elle a continué à vider le réservoir d’hommes, guerres et Empire colonial, enfin repliée sur elle-même et l’Europe, elle destine l’île à un développement touristique avec transferts de populations. Dans ces cinquante dernières années pour répondre à la protestation de nombre de ses régions périphériques aux frontières abolies elle va entreprendre une régionalisation déconcentration au service de son jacobinisme génétique. Dans l’île devant la prise de conscience d’un réel danger de disparition «programmée» de tout un Peuple par les natios, elle tente de calmer le jeu par l’octroi de « statuts particuliers » qui ne sont que des statuts de gestion qui n’entravent en rien l’emprise mortelle de son jacobinisme central siégeant à Paris. Le record des résidences secondaires que détient l’île en est le signe clinique.

Quand le bâtiment va, il ne va pas pour tout le monde !

 

Les natios ont bénéficié de l’effondrement du système électoral des clans relais des partis hexagonaux divisés par la course à l’Élysée. Ils ont pu être convergents électoralement par l’arrêt de la clandestinité du FLNC et devenir «majoritaires absolus» à la CdC. Ils se sont crus incontournables avec l’onction du suffrage universel.Ils ont espéré qu’un processus apaisé, avec un nouveau Président qui a eu un sourire emprunté girondin, allait commencer sur la base d’un Padduc voté par tous les partis quand eux-mêmes étaient minoritaires.

Ils ont été cueillis à froid, groggy par les coups-bas du Président nouveau : « cérémonial de l’anniversaire de la mort d’Erignac », « ils ne sont que des élus locaux, ils ne font pas la loi »… les natios sont amenés à serrer les rangs, les autonomistes il y a un an à Corti, à l’unanimité décident de fusionner dans un parti unifié dans les deux mois. Ce qu’ils annoncent de faire un an après Corti. Les militants attendent le feu vert depuis des mois. Tout se passe comme si la folie électoraliste faisait délirer les autonomistes et sans doute aussi les autres natios. Oui délire car la réalité d’une situation nouvelle est oubliée. Le centralisme constant jacobin qu’affirme Macron est une déclaration de guerre. Il n’est pas dicté par son caractère narcissique mais par une nécessité de fond de l’idéologie républicaine française. Accepter une négociation avec les natios c’est commencer à les reconnaître et le Padduc est un début concret.

La coofficialité pour la langue, le statut de résidence, la fiscalité patrimoniale lézardent l’édifice pyramidal jacobin de la République.

Ceux qui les réclament sont des ennemis à réduire coût que coût.

Un scrutin local ne peut pas les légitimer, tous les moyens sont bons contre les ennemis de la République.

Une vaste offensive de décrédibilisation est à l’oeuvre. Les Ministres s’interposent pour reprendre la main dans tous les espaces de gestion en discutant avec tous les corps socio professionnels et en distribuant quelques promesses financières gérées par son administration.

Pour les natios poursuivre dans la logique d’une alliance électorale pour garantir à chacune de ses composantes mandats, postes, places est un délire qui est suicidaire.

Certes il faut garder tous les acquis électoraux, ne rien céder aux partis locaux à la merci de leur centrale parisienne. Il faut évidemment se battre dans tous les domaines, Europe (ALE), Parlement français, RPS, Diaspora, ONU… Mais suivant une vérité qui ne souffre aucune exception,on ne sauve pas un Peuple par procuration et le jacobinisme s’étant raidi, les natios doivent donner la priorité à l’investissement du terrain réel et non à l’électoralisme pour une force populaire la plus large possible qui accompagne les Corses dans leurs difficultés, les informent et les aide à ne pas se laisser leurrer par le système colonial français.

Bref sans la reconnaissance d’être un Peuple et l’autonomie, il n’y a pas d’avenir pour leur communauté historique, ni pour leurs enfants qui perdront définitivement le droit de se sentir, de se vouloir Corse en Corse.

Ne pas faire vite et bien un parti unifié est plus qu’une erreur politique, cela me paraît une faute criminelle historique.

Max Simeoni.

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