par Max Simeoni
Les militants nationalistes en savent assez, entre les deux tours de l’élection présidentielle, pour savoir ce qu’ils peuvent en espérer de la cause du peuple corse : rien. Je n’ai donc aucune envie de spéculer sur le moins mauvais d’un des deux élus.
L’île a un environnement méditerranéen au sud de l’Europe. Elle ne peut pas être une menace ni même une préoccupation pour la sécurité des États. Elle est sous la tutelle de l’État français depuis la défaite de Pasquale Paoli en 1769 à Ponte Novu. État qui garantit la libre circulation maritime et l’activité essentielle de ses ports et des autres pays. Mais qui l’a colonisée, qui l’a vidée, (encadrement de son Empire, guerres mondiales meurtrières…). Sa population était de 160.000 hab. en 1960/62 quand j’ai ouvert mon cabinet médical à Bastia et que De Gaulle signait les accords d’Évian pour l’indépendance de l’Algérie, la fin de l’Empire… l’île non développée, dépeuplée est devenue une aubaine pour un tout tourisme dont les profits essentiels sont pour les productions extérieures (elle importe plus de 97 % de tout ce qu’elle consomme…) Sa population est passée à plus de 330.000 les trois dernières décades par l’immigration, elle a construit plus de résidences secondaires que toutes les régions touristiques, mais elle est la plus pauvre, la vie y est plus chère, et le tourisme compte pour plus de 20 % de son PIB, trois fois plus que celui des régions les plus touristiques. En une dizaine d’années, les nationalistes ont pris une majorité absolue à la CdC, l’institution, un quatrième « statut spécial » qui ne fait d’eux que « des élus locaux, qui ne font pas la loi. » Ils gèrent les retards pris tout le long de l’histoire des clans et sont prisonniers de cette dépendance à ce tourisme qui accélère leur disparition de peuple, qui n’est pas fait pour eux, même s’ils en vivent, peu s’enrichissent.
Il y a donc urgence historique à faire la Loi, à obtenir l’autonomie interne, à faire reconnaître l’existence du peuple corse et de ses droits.
Quant à la langue corse, malgré les efforts remarquables des associations culturelles, elle ne peut que péricliter. La charte des langues minoritaires du Conseil de l’Europe n’a pas été ratifiée par la République et le rapport de l’Unesco de 2002/2003 n’a eu un aucun écho sur l’Olympe jacobin. De même l’encouragement voté à l’initiative de François Alfonsi du Parlement européen aux États vis-à-vis des langues régionales n’a eu aucun écho non plus à ma connaissance dans la capitale ni dans le landernau médiatique du bord de la Seine.
L’actuel duel entre le Président sortant et Marine Le Pen, c’est du bégaiement qui me semble être une crise du régime électoraliste de la Ve République de De Gaulle.
La Droite classique s’est volatilisée pour céder la place à sa composante plus extrême, Marine, Zemmour. La Gauche, le PS étant effacé du tableau, voit un espoir avec Mélenchon qui a ramé longtemps au milieu des débris de toute la Gauche et se rapproche des côtes. Mais il avait dit que cette élection serait la dernière pour lui. Pour mieux convaincre et œuvrer à rassembler ? Croyait-il si bien faire ? Ne va-t-on pas le supplier pour qu’il continue encore un peu afin de solidifier l’ensemble ?
En Corse, Marine devance Macron dans la grande majorité des bureaux de votes. Le Président sortant tient mieux le coup, surtout sur le littoral et les agglomérations urbaines.
À Corti, Lassalle arrive en troisième position, il talonne Macron derrière Marine. Le taux d’abstention y dépasse 42 %. Sans doute un vote sanction plus aisé inspiré par la sympathie de paysan qu’il dégage. Il a été en tête d’ailleurs dans le Niolu.
Cependant en lisant les résultats, on sent mieux la faiblesse démographique de toute l’île et le mot « désertification de l’intérieur » prend tout son sens catastrophique davantage que dans la redondance des discours électoraux.
Le poids de l’électorat insulaire en gros mais bien plus quand il est divisé est pratiquement négligeable pour une élection hexagonale comme celle du Président élyséen républicain jacobin.
Autre impression que je crois partagée largement est une lassitude, un sentiment désabusé, qui provoque un manque de dynamisme d’où la forte abstention et un tantinet de vote sanction.
L’irruption de nos jeunes en colère dans la rue est un choc salutaire. Mais il faut être avec eux pour les protéger des excès de leur fougue. C’est une injustice insupportable qui les a fait bondir, l’assassinat d’Yvan Colonna dans les cachots d’Arles de haute surveillance.
Il est important de leur faire comprendre que leur croisade doit éviter d’insulter des Corses notamment. Ils doivent les prendre à partie que politiquement. Il faut partir du principe que tout Corse aime la Corse et qu’il est à convaincre et non à humilier quel que qu’il soit. On peut l’affronter si besoin durement.
Les jeunes ont mis une sourdine pour permettre les élections. Ils sont méritoires pour cela.
La lutte d’émancipation contre le colonialisme continue et devra être sans faiblesse.
La venue d’Alessandri et Ferrandi à Borgu est un résultat. Dans le dénouement un peu plus rapide, nos jeunes y sont pour beaucoup car le pouvoir central devait calmer vite en donnant un signal fort pour l’entre deux tours de la présidentielle.
Fà pòpulu inseme, plus qu’un slogan un moyen pour libérer notre peuple du colonialisme.
Si notre peuple s’unit et qu’il survit en luttant avec obstination, David contre Goliath, le petit courageux, adroit qui aura eu raison du monstre des dominants, du centralisme d’États colonisant et de la puissance financière à l’abri de leurs paradis fiscaux.
Et si cette crise mondiale n’était que les prémisses d’un bouleversement d’une nouvelle civilisation, le peuple corse aurait survécu et serait acteur de son avenir sans pour autant être éternel.
Aller voter et après ? Tocca à noi ! Comme de bien entendu. •