Femu a Corsica

Gouverner ou gérer ?

Une coordination de trente membres devait prévoir l’AG constitutive de Femu a Corsica dans les six mois pour réaliser la fusion des organisations autonomistes (PNC, Inseme, Chjama Naziunale) suivant les statuts votes à l’unanimité lors du Congres du 15 octobre 2017. Deux mois après, en décembre 2017, victoire avec majorité absolue à la CTC de l’ensemble des natios. En avril 2018, les six mois révolus, la fusion des autonomistes ne se fit pas, et la Coordination se transforma en lieu de pourparlers qui se prolongèrent de neuf mois en vain. Inseme décida alors de lancer Femu a Corsica en laissant la porte ouverte à tous ceux qui voulaient respecter la décision unanime de fusion d’octobre 2017.

 

Des réunions ont lieu dans les huit territoires de la Corse pour mettre en ordre de marche la base militante nationaliste suivant les statuts de Femu a Corsica votés un an auparavant.

 

Trois collèges de 25 membres :

Grands Élus, moitié d’élus et moitié de militants, militants seulement.

75 membres qui constituent l’organe permanent et qui adaptent la ligne politique définie par l’AG souveraine.

Ces statuts sont issus d’une coalition électorale. Pour reprendre une image c’est le toit électoral qui doit faire les fondations, la base.

Or le cycle presque annuel des européennes, municipales, territoriales commence. Les esprits sont déjà en campagne et chacun sait qu’une élection prédétermine la suivante.

La présence d’élus dans deux des trois collèges est déjà une lourdeur si on veut un outil capable de façonner une base moteur actif de Femu a Corsica.

Ces élus confrontés à leur propre problématique électorale à échéance proche sont préoccupés plus par leur réélection, ils peuvent être amenés à penser que l’équilibre actuel est à conserver et que les efforts pour lancer la base peuvent être remis à un peu plus tard…

 

Hélas, sans cette base active au sein du Peuple, il n’existe pas de garantie pour son sauvetage ni pour « un paese da fà ». C’est une entreprise énorme, une urgence historique. Si on a été contraint d’en passer par le toit, il faut réfléchir pour en venir vite aux fondations. Il faut se garder de l’illusion que le manque d’opposants locaux, que le clanisme est mort et enterré, que le Président Macron sans opposition parlementaire a des problèmes avec les gilets jaunes, qu’en quelque sorte l’État jacobin va finir par évoluer. Tout reste possible mais surtout le pire.

L’avenir est aléatoire et imprévisible.

Certes une crise de la Ve République peut nous servir mais elle peut tout aussi bien en cas de grandes difficultés renvoyer notre demande aux calendes grecques. Et le temps perdu joue contre le Peuple Corse. En un mot nous ne pouvons compter que sur le réveil du Peuple et sa mobilisation, encore une fois «on ne sauve pas un Peuple par procuration ».

« Le colonialisme interne » (R. Lafont) continue à faire disparaître le Peuple Corse.

La langue est condamnée selon le rapport sur les langues régionales et minoritaires de l’Unesco de 2002-2003. Le combat que mènent les culturels, les efforts des natios ou de la CdC, sont utiles mais ils ne feront que retarder la courbe de son déclin; utiles si le temps gagné nous permet d’obtenir les moyens de sa survie, c’est-à-dire la coofficialité avec laquelle on pourra tendre vers la transmission de la langue dès le sein de la mère.

Le rapport de l’Unesco dit clairement que la transmission est la condition première de la vie d’une langue. Il dit aussi entre autre que si les locuteurs d’une langue minoritaire encore vivace sont simplement dans l’obligation de s’adresser en usant de la langue officielle à deux ou trois administrations comme par exemple l’Éducation, la Justice, il y a là déjà l’amorce de son déclin. Il affirme que le choix, quand il y a diglossie, d’une seule langue officielle équivaut à la volonté de faire disparaître l’autre. Les experts de l’Unesco ne permettent plus de se bercer d’aucune illusion.

 

Le développement du tourisme, non maîtrisé est de même mortifère. Le lien avec la terre insulaire qui fait qu’on se sent Corse s’effiloche. Il est érodé par le système marchand spéculatif.

La pression de la finance, donne un peu de trésorerie à des particuliers indivis, ou à de petites mairies qui ont des budgets de misère mais dépossède une majorité de Corses, induit des comportements spéculatifs, voir mafieux, détériore le capital nature…

Moins de Corses, moins de lien avec la terre et de moins en moins de Peuple Corse.

 

Le résultat est évident. En 1960, il ne restait que 160.000 habitants sur l’île. De nos jours il y en a 330.000 et, selon l’Insee, le renouvèlement est dû à l’immigration pour sa plus grande part. Il n’y a là aucun hasard ni aucune fatalité mais le fruit d’une politique voulue. D’abord celle du réservoir d’hommes pour les guerres et l’Empire colonial. Puis avec la décolonisation, le retrait sur la Métropole et la nécessité de faire l’Europe, à l’île dépeuplée, non développée, abandonnée, la République va trouver une utilité pour elle-même.

La Somivac du Plan d’Action Régionale de 1958 servira au retour des Pieds Noirs au détriment des agriculteurs Corses. La Setco pour un tourisme qui sera conçu pour des investissements des établissements financiers que la divulgation en 1971-72 du Rapport que la Datar avait commandité en secret à l’Hudson Institut nous apporta la preuve irréfutable que l’État républicain avait choisi la solution d’un développement rapide et massif (200.000 lits à créer en 10 ans et l’apport de 70.000 techniciens et employés du tourisme), la noyade de ce qui restait du Peuple Corse.

Le colonialisme de l’État républicain est constant tout au long de la présence de la France depuis deux siècles et demi. Le survol est démonstratif.

1818-1913, un siècle de loi douanière qui étouffe l’agriculture insulaire, 1914-1918, guerre qui tue 12.000 hommes reproducteurs et des milliers de blessés graves ce qui affaisse notre pyramide démographique, 20 ans après, Guerre Mondiale de 40-45, perte de l’Empire colonial puis ébauche de la Construction européenne, le plan Marshall, les « trente glorieuses , l’ère de la civilisation des loisirs et l’île vidée destinée au tout tourisme pour le profit des acteurs financiers continentaux.

 

En défense un courant nationaliste :

Cedic 1964 dans une Corse de 160.000 habitants, Aleria 1975, FLNC 1976 avec côté République statut Defferre 1982, statut Joxe où Peuple Corse est balayé par le Conseil Constitutionnel sous la présidence de Badinter, Processus Matignon de Jospin inachevé par le retour de la droite, et en 50 ans une majorité de natios coalisés tient l’Institution. Institution insuffisante car privée de moyens législatifs pour empêcher la disparition du Peuple Corse et dont les élus sont sous la contrainte du calendrier électoral.

 

Le parti Femu a Corsica, qui met en place sa base, ne saurait être un parti de gouvernement vu que l’Exécutif n’a pas les moyens de faire la loi. Il est un parti de gestion qui peut faire des « choses », freiner le déclin sans plus. L’électoralisme face à un État jacobin ne saurait suffire. La mobilisation de toutes les ressources potentielles au sein du Peuple est impérative. Elle ne peut venir que par l’action citoyenne patriotique consciente des causes et déterminée à les éliminer tout en gérant le marasme du colonialisme. Cela revient à dire que le combat pour l’autonomie reste l’urgence historique, avec la reconnaissance par la loi de l’existence du Peuple.

C’est la route qui reste à faire pour casser la courbe du déclin et commencer à reconstruire notre Peuple dans le monde tel qu’il est ou qu’il sera.

Max Simeoni.