La situation n’a jamais été aussi favorable pour le mouvement patriotique, toutes tendances confondues. Ce miracle s’est produit en une dizaine d’années avec des accélérations qui font penser aux étages d’une fusée stratosphérique : scores électoraux améliorés, mairie de Bastia, majorité absolue à la CdC, trois députés à l’Assemblée Nationale à Paris et un au Parlement européen.
Et tout le système des clans anéanti, pas d’opposants sérieux, des vestiges d’un passé révolu que certains espèrent réanimer…
Première leçon, un nouveau Président à l’Elysée qui monta le cérémonial de la mort d’Erignac où le sourire en coin girondin s’efface pour montrer des crocs de jacobin. La majorité absolue croyait avec le sceau du suffrage universel et après avoir redonné des gages pour un dialogue serein, avancer calmement dans un processus de règlement du « problème corse ». Première déconvenue, humiliée, fustigée, dégradée en simples « élus locaux », ébahie, elle affirma néanmoins sa volonté de dialogue. Elle restait suspendue au doigt présidentiel comme un yo-yo.
L’irruption des gilets jaunes en vagues successives ballotta le Président qui dut surfer pour éviter la noyade. Pour éviter que les différents mécontentements ne se transforment en avalanches, il lance « le grand débat », chacun déverse sa bile ou montre un espoir (retraités, fonctionnaires, tous ceux aux revenus limites face à la vie chère et au prix de l’essence…).
La majorité insulaire respire mieux, moins étranglée, mais elle est dans l’impasse, sans issue en vue. Elle gère sans avoir les moyens d’agir sur les structures pour faire les réformes utiles au sauvetage du Peuple Corse sur sa Terre. Cela passe par une réforme de la Constitution. Le Padduc lui-même qui est un minimum en attendant de convaincre l’Etat jacobin nécessite de la modifier. Or il est attaqué de toute part. On voit bien que les quatre années de concertation entre élus locaux qui l’ont voté ne pèsent rien sur Paris.
Mieux la Préfète l’utilise pour discréditer les natios aux commandes locales et exciter les intérêts particuliers des uns contre des autres (opportunistes, maires aux budgets de misère et ou sous pression, mafieux, antinatios inavoués…).
Le Président de l’Exécutif a dû annoncer qu’il n’y avait plus de dialogue et que l’État via sa représentante faisait la guerre contre les élus majoritaires. Le but poursuivi est de les réduire, et d’avoir d’autres élus plus dépendants, qui acceptent le « développement économique » conforme aux principes jacobins (un seul Peuple, une seule langue, un seul État).
Le processus d’extinction du Peuple Corse sur sa terre continue depuis 250 ans de Corse française (loi Douanière de 1818 à 1913 qui étrangle notre production, réservoir d’hommes pour la Guerre 14-18 et l’Empire colonial qui le vide : 160.000 habitants en 1962, perte des colonies et nécessité de faire l’Europe, l’île est vouée au tout tourisme après le rapport de l’Hudson Institut à la Datar).
De nos jours les résultats crèvent les yeux : la vie plus chère, une enveloppe de continuité territoriale que se disputent les Compagnies de transports pour importer massivement, distribuer par grandes surfaces, une dépendance à plus de 96%, un renouvellement rapide de population, un désert rural assorti de discours incantatoires… l’effacement du Peuple Corse est dans la période historique finale d’une guerre commencée par une conquête militaire et continuée par le réservoir d’hommes et le non développement économique, puis un développement économique touristique pour des produits extérieurs.
Les natios ont un pouvoir local institutionnel limité incapable d’enrayer le projet jacobin de notre mort de Peuple. Que font-ils d’autre malgré tout ? Rien ou plutôt ils font pire. Ils mettent toute leur énergie à se disputer dans une coalition électorale des mandats aux compétences trop restreintes. Ils jouent dans la même équipe mais en se tenant par le maillot.
La voie de la violence clandestine exclue, reste la seule voie d’une démocratie exemplaire avec tous ceux qui ont envie d’en être. La seule voie. Sans l’adhésion profonde de ce qui reste de ce Peuple il n’y a pas de chemin pour son salut. Le choix de valeurs démocratiques à faire partager qui ne cachent pas des démangeaisons d’égos en mal de pouvoir, est une soif de vérité et d’espérance commune qui demandent un engagement et l’esprit au service d’une cause contre l’injustice faite à un Peuple.
Le dilemme est clair : la demande d’autonomie pleine et entière, la reconnaissance par la loi du Peuple Corse et de ses droits n’est pas compatible avec les principes de la République des jacobins. Elle passe à une logique de guerre ouverte où tous les moyens sont bons car elle craint que nous n’avancions trop.
Qu’ont fait les autonomistes ? Ils ont juré tous ensemble publiquement l’Union, perdu plus d’un an en palabres, ne l’ont pas faite, et ont maintenu l’alliance électorale Pè a Corsica en vue des municipales trop proches.
Quid de la structuration qui s’impose de Femu ? Elle est difficile en pleine préparation des municipales et il faut aller vite. Elle se fait par le haut par des élus qui l’ont été avec l’étiquette Pè a Corsica, qui pour être réélus doivent garder chacun une emprise sur le potentiel militant. Donc conservateurs du genre Nomenclature. Elle a par le bas ceux qui rêvent d’être élus, et les municipales créent de l’inflation et ils ont besoin de soutiens régionaux pour en trouver dans les structures des élus.
Bref pas de règles, pas de parti organisé à partir de sa base de militants, de l’autoproclamé, au coopté, plutôt la foire d’empoigne… Va-t-on jouer selon les habitudes de l’ancien monde en train de s’effondrer ? Des signes encourageants sont là sur le plan politique : le groupe parlementaire transversal de Libertés et Territoires au Palais Bourbon et le poids incontournable de Europe Écologie-Les Verts au Parlement européen sont les signes d’une ère nouvelle en préparation.
La situation n’a jamais été aussi favorable. Pourquoi perdre du temps et compromettre notre lutte pour que Justice soit rendue au Peuple Corse ?
Max Simeoni.