Incertitudes et garanties

Dans le contexte actuel de cycle électoral, Municipales préludes aux Territoriales, il est difficile d’évaluer les suites qui en découleront pour l’objectif des nationalistes, des avancées vers le sauvetage du Peuple Corse. Les incertitudes me paraissent très fortes.

La campagne est lancée. La presse locale donne la parole par page entière et photos à l’appui à tous les candidats à tour de rôle. L’activité sur le terrain devrait s’intensifier.

Porte à porte, distribution de tracts en vue des meetings à salles pleines.

Cependant les conditions générales sont particulières, du jamais vu dans toute l’histoire de la Ve République. Les deux blocs de droite et de gauche pour élire le Président se sont effondrés pour faire place à la majorité LREM derrière Macron flanquée de croupions restants de droite et de gauche qui peinent à se remplumer.

 

Sur l’île, les bretteurs des scrutins n’ont plus le choix de pitons à Paris où accrocher leurs cordes pour grimper les étages du pouvoir et entretenir leurs clientèles. La période de grâces qui suit le lendemain d’une victoire d’alternance a culminé au moment de la cérémonie pour la mémoire d’Erignac. Le Président régnant y a affiché toute sa triomphale arrogance envers les élus locaux qui « ne font pas la loi » ni en Corse ni ailleurs… période qui s’est vite estompée à l’annonce des réformes et principalement celle d’une retraite unique débarrassée de tous les régimes particuliers.

Elle a déclenché le déferlement de vagues de gilets jaunes qui ne s’épuise pas. Le gouvernail flotte, le pavillon est détrempé, le navire élyséen grince de tous bords.

Il s’y ajoute des courants défavorables.

Le regroupement en grandes régions pour avoir la taille démographique et économique dans la construction européenne n’agrée pas à tous leurs dirigeants, certains craignant en faire les frais, en Alsace par exemple.

En Corse, les ComCom inquiètent les maires des petites communes puisqu’elles auront un pouvoir en commun de répartitions de certains fonds qui leur seront attribués. À quel pouvoir se rallier pour assurer sa « juste » part ? La Collectivité de Corse certes, mais aussi à l’Assemblée des maires mise en place précipitamment par le Gouvernement pour y brancher sa préfectorale.

Pour la CdC, c’est mission impossible.

Elle a 60.000 pauvres sur les bras et combien de précaires ou de semi précaires à moins de 1500 euros mensuels. Une petite partie de la population s’enrichit, ceux dont l’activité est le relais de la production extérieure (transports, alimentation, matériaux de construction…). L’Île importe plus de 97% de tout ce qu’elle consomme. Malgré la DSP, ex-Continuité territoriale, la vie est plus chère que dans l’Hexagone.

 

Le processus colonial se poursuit.

Après la défaite de Ponte Novu, une première phase coloniale a consisté à couper l’île de ses échanges naturels de proximité avec la péninsule italienne par la loi douanière abolie en 1913 après avoir sévi 95 ans (un siècle sur deux et demi de présence française !) Pour l’arrimer sûrement, il fallait que les Corses aient le temps d’oublier ce passé. Dans la seconde phase, elle a servi de réservoir d’hommes. En 1960, il ne restait que 160.000 habitants. La troisième période débute à la perte de l’Empire colonial (accords d’Evian en 1962 De Gaulle-FLN algérien), la Corse pour être rentabilisée est vouée à un développement touristique rapide et massif (plan tiré du rapport de l’Hudson Institut de 1972 pour la Datar), après avoir songé un instant y faire une base atomique à l’Argentella.

Et le processus colonial continue sournoisement par des biais fiscaux favorisant les constructions secondaires « à valeur locative » et leur taux de croissance est sans pareil avec tous les effets néfastes de spéculation délinquante accompagnés d’un renouvellement de population au rythme de 5.000 nouveaux arrivants de l’extérieur chaque année.

 

Dans les institutions actuelles, la majorité des natios n’a pas les moyens de sauver le Peuple Corse soumis à un tel ethnocide mis en route par le totalitarisme négationniste de l’existence du Peuple Corse. Si des élections et les conditions générales de la fin de cette Ve République leur ont donné les rênes de ce pouvoir « local qui ne fait pas la loi », la priorité de leur lutte se trouve ailleurs. Cela saute aux yeux. Il est stupide de perdre du temps et son énergie à ne faire que de tels jeux électoralistes.

La priorité est de donner les moyens démocratiques au Peuple Corse de la maîtrise de son destin, donc de faire la loi.

Reconnaissance de son existence et autonomie. Tout est bon pour y parvenir mais sans une force politique organisée pour convaincre encore plus d’autres Corses rien n’est possible. Se laisser gagner jusqu’à en perdre raison par a febraccia, on est non plus dans la recherche de l’intelligence collective, mais dans le comble d’une stupidité coupable. Car le mouvement national né depuis un demi siècle ne consolide aucune garantie pour la survie du Peuple Corse sur sa terre.