Du jamais vu, du moins en période de paix, un vide politique éberluant. L’effondrement complet du système électoral parisien et insulaire d’où surgit un Président de la République seul, tout puissant, plus qu’un De Gaulle en bute au système des partis de la IVe République. Une majorité natio qui occupe le navire amiral CTC vide de ses équipages clanistes perdus en mer, comme aspirés, engloutis dans le naufrage.
Un changement ? Un chambardement ? Oui et non !
Pour les hommes, Macron mieux que De Gaulle a pu se tailler une majorité absolue d’élus et de ministres à têtes nouvelles plutôt juvéniles. En Corse des anciens bavent à bricoler un « radeau de la Méduse».
Le changement des idées est revendiqué de toutes parts. Mais le centralisme jacobin persiste à Paris voire renforcé même s’il esquisse quelques entrechats en jouant de son mignon masque girondin. Attendons pour savoir, sans baisser la garde.
À l’Élysée, le Président profite de sa période de grâce pour activer ses réformes. Quelques manifestations syndicales ou socio-professionnelles commencent à descendre dans la rue, non reliées par des appareils politiques, le Président peut cheminer.
En Corse, c’est l’inverse. La majorité devra se confirmer, si possible se renforcer pour se préparer à diriger l’Assemblée unique acceptée par le gouvernement Hollande que celui de Macron va mettre en place, avec lequel elle va négocier compétences et moyens financiers, Les fonds d’État étant en baisse. Tout cela à la fois et en campagne électorale.
L’esprit élyséen n’est ni à la générosité ni à l’empathie. Les signes envoyés sont clairs. Le « pas de place dans la Constitution pour l’autonomie » de Castaner est-il un niet catégorique ou une invitation à patienter avant de réformer la Constitution, pour gagner du temps ? Ce flash castanérien suivi de celui du Premier Ministre après l’élection de trois députés sur quatre, « c’est un vote identitaire », et l’interview quelques jours après de Macron sur l’Europe apparaissent comme dépréciant.
Le plus navrant ce sont les tentatives désordonnées des candidats à l’Assemblée unique, l’élection dans six semaines ne concerne que la Corse. Ils peinent à s’extraire des décombres et à trouver un porte-drapeau.
Les listes ? Le nombre final reste en suspens et encore plus leur composition, ce 22 octobre.
Deux à droite et place aux jeunes avec les sourires de Valérie Bozzi et celui du jeune proviseur Jean Martin Mondoloni avec quelques anciens ténors en soutien qui n’ont guère envie de dételer. À gauche, Insoumis- PCF et Mélenchon qui les bou dent. Mais tout le reste se présente comme un sac de nœuds.
Le tandem Orsucci-Orlandi a été investi LREM par Paris qui a laissé tomber Barat recteur, jeune retraité. Corse-Matin nous a fait part du souhait du Président : que le PRG, dont deux ministres sont à son gouvernement, ait du prolongement en Corse. S’il en est ainsi, cela signifierait qu’il oeuvre à créer une opposition la plus efficace possible à la majorité natio sortante. Orsucci- Orlandi ne peuvent pas accueillir tous les conclavistes de Corti cherchant à élaborer un Front Républicain contre la dérive autonomiste-autodéterministeindépendantiste.
Difficile de trouver un leader pour conduire cette liste même en « faisant table rase du passé ». De toute façon Tatti « ne se dégonflera pas ». Il faudra compter avec lui. Un sac de noeuds gordiens difficiles à trancher.
Les propos de ce début de campagne sont orientés contre l’aventurisme des natios majoritaires qui ont beau faire état d’un contrat qui exclue pour dix ans de gestion CTC en commun toute recherche d’indépendance.
Propos nuancés pour beaucoup d’entre eux qui étaient autonomisants et qui avaient voté le Padduc. En position de faiblesse il convient de naviguer attentifs à tous les vents pour gonfler les voiles vers les urnes. Impossible de défendre un statut quo. Des évolutions « dans le cadre de la République ». Ils sont aujourd’hui autonomo-régionalistes ou régionalistes autonomisant.
Leur curseur varie un peu selon les brises parisiennes ou insulaires mention à part doit être faite pour Emmanuelle de Gentile ferme comme socialiste et autonomiste.
Le camp des natios a une liste Rinnovu qui aura son mot à dire au deuxième tour.
Les droites et les gauches déclarent se regrouper au second tour. Il y aura quelques cadavres et finalement un sauve qui peut.
La majorité natio part favorite.
Mais une telle situation est imprévisible. Elle peut réserver des surprises. Qui peut dire le taux d’abstention à l’heure qu’il est ? Les natios peuvent donner l’espoir au peuple encore faut-il qu’ils ne laissent pas ce potentiel d’espoir être pollué par un électoralisme grotesque en regard de l’objectif historique, la menace de disparition à écarter.
L’exemple catalan est sous nos yeux, que malgré une majorité, un peuple de plus de six millions d’habitants, des décades d’une autonomie consistante, une économie dynamique, la coofficialité, l’État espagnol peut bloquer, que l’Europe n’a pas à intervenir dans ce qui relève des affaires intérieures. Autrement dit la route a été longue mais celle qui reste à faire est des plus dures. Les natios doivent encore plus mériter la confiance de leur peuple pour mener cette marche ou crève par plus de démocratie, de transparence et d’abnégation.
Max Simeoni.