La Corse est-elle traitée comme une colonie ?

par Max Simeoni
Essai d’un questionnaire pour répondre à cette question.
Y a-t-il un Peuple Corse ? Une réponse par Non, inutile de poursuivre. Mais le négationniste devrait expliquer à ceux, nombreux, qui disent « Oui, il y a un Peuple Corse ».

 

 

Sans détailler depuis l’apparition de l’homme et son expansion planétaire, pour en rester à l’Histoire, celle des documents écrits, il apparaît que des peuples ont pris racines dans l’île. Pour considérer y être nés et leurs parents inhumés, pour échanger par mer avec d’autres ou pour la défendre contre des envahisseurs. Ils ont fait comme tous les autres et, comme eux, se sont sentis in fine un peuple sur son territoire. Le territoire a secrété son peuple insulaire.

La réponse est donc Oui. C’est un petit peuple au sens que l’on donne aujourd’hui, au sens des valeurs qui définissent l’humanisme. Il a donc les droits de vivre et de penser à son devenir collectif.

Est-ce un peuple menacé de disparition par un projet d’un État dominant le colonisant ou une fatalité de l’Histoire des peuples ? Des peuples petits en nombre avec des territoires petits en surface existent. Ce n’est donc nullement une fatalité.

 

Le survol de moins de trois siècles de présence française républicaine démontre ce colonialisme.

Une période bousculée suit la prise de la Bastille en 1789. Tout juste 27 ans après (Première République, Napoléon Ier et l’Empire, la Restauration, Napoléon III), en 1818, l’État français impose la fameuse loi Douanière pendant 95 ans (un siècle), honnis par tous les Corses, abolie en 1913 veille de l’hécatombe de 14-18 ou 13.000 Corses ­sont morts et d’innombrables mutilés, tous des procréateurs, conséquences catastrophiques pour la démographie. La République avait besoin d’hommes pour ses guerres et son Empire colonial. Elle a vidé le réservoir. En 1962, quand j’ouvre mon cabinet médical à Bastia, il ne restait que 160.000 hab. en tout et pour tout dans l’île et l’exil continuait. La Corse, non développée, appauvrie et dépeuplée, était convaincue qu’elle était inexorablement incapable de nourrir ses habitants, que c’étaient eux qui l’abandonnaient (« la terre est trop basse pour eux » disaient les chansonniers d’alors) et les Corses étaient fiers qu’un grand pays leur donnaient une chance d’échapper à leur sort voué par nature à la misère ! L’Empire colonial a son point final avec l’indépendance de l’Algérie reconnue par les accords d’Evian, précisément en 1962 sous De Gaulle.

Sans l’Empire, la République pour s’insérer dans la Construction européenne qui débute par l’économie (ACE, Énergie…) doit reprendre le retard de ses régions périphériques frontalières. Ses technocrates érigent des plans d’actions régionales. La Datar demande un rapport à l’Hudson Institute pour le tourisme, il doit rester secret stipule le contrat. L’Hudson Institute enquête sur l’île et propose 4 scénarios pour un développement touristique tout en envisageant les réactions des habitants. La Datar choisit et fait adopter en Conseil des ministres en 1971 la solution que l’Hudson Institute déconseille : celle d’un développement massif et rapide (250.000 à 300.000 lits à construire en 10 ans) avec 70.000 nouveaux venus techniciens et autres pour l’encadrer !

L’ARC obtient ce document et le publie. Le rejet dans l’île est total. Personne n’en veut. L’État ment et, pour se défausser, va jusqu’à incriminer l’Hudson Institute tenu au secret par contrat. Il semble enterrer. Il n’en est rien.

 

Ce processus continue, non par l’État républicain qui n’apparaît plus, mais par les crédits bancaires ou des détaxes genre bille et bandes.

La détaxe de 30 % pour les constructions à vocation locative fait pousser les résidences secondaires comme une culture de champignons ! Inutile d’épiloguer. Le bâtiment va…

L’ARC a, par Jean Mannarini, cadre commercial de la maison Mattei, le document de la Covirep qui établit que des vignerons Pieds Noirs associés, dominant les mercuriales locales, pratiquent des traites de cavalerie ce qui va accélérer l’occupation de la cave de l’un d’eux à Aleria par Edmond Simeoni.

Le préfet Gilly, qui ignore que l’ARC détient cette preuve et tente d’impliquer Mattei, permet à l’ARC de le faire connaître à la presse nationale et internationale accourue à Aleria. Un an jour pour jour après le procès d’Edmond Simeoni, j’occupe avec une quinzaine de militants cagoulés mais seul à visage découvert, une cave à Aghjone d’un vigneron continental qui y traite ses raisins d’un vignoble énorme, doublement hors la loi vu la limitation des droits de plantation et un métier de minotier incompatible, avec donc la complicité de l’administration française.

Les documents de l’Hudson Institute et de la Covirep ne sont pas des théories. Ce sont des preuves de cette colonisation. Les chiffres de l’Insee permettent ce constat.

Le tourisme représente plus de 20 % du PIB insulaire, le triple des régions dites « touristiques majeures » de l’Hexagone ! La terre insulaire est aux plus offrants. Spéculations immobilières et pressions mafieuses s’en suivent. Et nous avons 60.000 précaires et autant en voie de le devenir. L’île est classée comme très pauvre dans les statistiques officielles. Elle a doublé sa population. De 160.000, elle en compte aujourd’hui 330.000 largement en 30 ou 40 ans par l’apport des arrivants et non par les naissances. « Le moteur du développement, oui mais colonial » et la disparition à terme de ce qui reste d’un peuple, notre peuple.

 

La nouveauté de ces 10 dernières années est une prise de la CdC avec une majorité « absolue » de nationalistes, d’abord en coalition où les autonomistes refusent de fusionner après l’avoir votée en Congrès à la majorité absolue en palabrant durant 14 mois, puis s’être partagés titres, charges et fonctions. La coalition finit par donner cette majorité « absolue » à Gilles Simeoni tout seul.

Le pouvoir local des nationalistes les rend responsables d’une gestion. Le 4e statut particulier de Cazeneuve ne leur donne pas assez de pouvoir. Autrement dit, ils sont à l’usure sans une « autonomie complète et de plein exercice ». Or la République idéologiquement dit Niet !

Elle a signé, faute de pouvoir l’empêcher, la Charte du Conseil de l’Europe, un traité pour promouvoir les langues régionales, mais ne l’a pas fait ratifier ce qui l’a bloqué.

De même, l’Unesco a demandé à des experts un rapport sur ces langues publié en 2002/2003 qui en a établi les critères de survie. Le corse fait partie des langues en voie de disparition. Il faut saluer tous les culturels souvent bénévoles qui s’impliquent dans l’apprentissage des enfants de notre langue. Ils ont le mérite de la foi. Elle ne peut suffire mais ils retardent le seuil des langues mortes. Le problème est politique, il faut faire céder un État jacobin. Les élections sans souveraineté de faire la Loi ou de l’infléchir, sans autonomie ni coofficialité, nous divisent et nous rendent impuissants. Ce ne sont pas nos chapelets qu’on répète machinalement qui feront le miracle. Ni les joutes électoralistes qui rendent accrocs.

Il est temps d’œuvrer à la confection de cet outil pour agir par la loi, celui d’un parti au sein du peuple dans chaque vallée, sur chaque côte dans l’île et dans la diaspora, capable de convaincre les Corses encore sceptiques et l’État républicain des jacobins. •