Élections législatives

La division nationaliste !

Max Simeoni
par Max Simeoni
Le Président Macron vient de désigner un Premier ministre. Hélas pour moi, trop tard pour en parler ici… Il sera chargé d’appliquer le programme. Or, nous sommes en pleine campagne des Législatives et inondés des programmes des candidats à la députation. Les archivistes amateurs peuvent les empiler !

 

Les programmes des élus locaux doivent plaire aux électeurs et les convaincre de la capacité de leurs auteurs. Au fond, ils sont des promesses, certes énoncées de bonne foi et avec conviction. Mais il y a d’abord la haie du premier tour à franchir. S’il en reste que deux, l’électeur est souvent amené à voter pour un moindre mal, un candidat qu’il n’avait pas choisi, ou à s’abstenir.

Les données du jeu électoral à partir des candidats et des partis dont ils se réclament se compliquent pour que l’électeur de base, ni partisan, ni encarté, puisse avoir une opinion complète et voter en toute connaissance contre ses convictions, peu ou prou…

Le second tour nous dira si le Président Élyséen a une majorité cohérente et gouvernera sans la crainte d’un Parlement qui le freine, théoriquement jusqu’à imposer une cohabitation ou une dissolution. Attendons donc ce second tour avant d’épiloguer davantage.

 

Localement, je me fais du souci. Les nationalistes, qui ont élu trois députés sur quatre, pouvaient espérer faire tòmbula, quatre sur quatre, et au moins reconduire et renforcer les trois sortants qui me paraissent avoir correctement remplis leurs mandats. Or, dans trois circonscriptions, des candidats nationalistes opposés ont émergé, sauf dans la deuxième circonscription de Corse du Sud où Paul André Colombani n’a pas ce problème.

Lionel Mortini contre Jean-Félix Acquaviva, Petr’Antò Tomasi contre Michel Castellani et, confirmée en dernière minute, la candidature de Romain Colonna qui s’oppose à celle de Jean-Paul Carrolaggi.

Tout ce jeu de divisions est justifié par des motifs qui se veulent raisonnables et, lorsqu’un journaliste interroge le nouveau candidat sur le risque d’accentuer ces divisions de la majorité nationaliste, la réponse est « ce n’est pas nous qui avons commencé ».

Sans chercher à donner des leçons ou à résoudre la question de la poule ou de l’œuf, je reste persuadé que toute la situation actuelle vient de ce que les autonomistes n’ont pas fusionné alors qu’ils l’avaient votée à l’unanimité en congrès, quelques mois avant les élections que le nouveau statut Cazeneuve imposaient, alourdie de 14 mois pour s’employer à recoudre en vain la déchirure. Aujourd’hui, la lutte clandestine ayant été suspendue, ils auraient été en mesure d’être la force démocratique capable de donner des garanties à toutes les composantes nationalistes voire de partager un peu ou même de créer une fédération de ces partis. Un exemple pour tous les Corses. Un État central dans l’obligation d’en finir avec son problème de l’île et de ses habitants.

Les députés élus à la mi-juin vont vite devoir être fixés sur l’hémicycle, les groupements de Droite ou de Gauche où ils peuvent trouver des appuis. Libertés et Territoires sera-t-il encore un groupe de ce Parlement ?

 

Le cadre européen est confronté à la guerre en Ukraine. Les alliances et les solidarités sont la priorité des États et de l’Occident. Le risque d’un élargissement du conflit n’est pas négligeable. Les États ont à faire face à des inconvénients communs, mais aussi particuliers pour chacun d’entre eux. Les traités européens et l’Otan sont réanimés. Ils doivent être opérationnels au plus tôt. Des délais pour le faire demandent du temps.

La Finlande fait sa demande d’entrée à l’Otan, la Suède l’a suivie sans plus attendre.

L’équation à résoudre pour l’Occident est de contenir Poutine et finalement lui faire lâcher prise en lui laissant une porte de sortie qui sauve un peu la face. Tout en étant prêts à affronter une agressivité rageuse de l’ogre russe.

 

Elles vont avoir lieu, ces élections, sauf catastrophe imprévisible. Mais la dynamique n’y est pas. On peut craindre une abstention plus accentuée qui, plus elle est grande, plus elle affaiblit le pouvoir élu.

Or, le temps perdu sans traiter le problème corse l’aggrave et mène à un coma final pré-mortem. La condition première du sauvetage est d’avoir les moyens d’agir : l’autonomie législative et non des mandats dont les compétences sont insuffisantes. La majorité « absolue » nationaliste est un cadeau empoisonné. Elle nous fait porter la responsabilité d’une gestion insuffisante dont les causes remontent à des années, quand les nationalistes étaient des opposants minoritaires. Pour moi, cette faillite est l’aboutissement de plus de deux siècles de colonialisme de la République. Un siècle de Loi douanière qui a jugulé toute possibilité de développement économique, qui nous a réduit à n’être qu’un réservoir d’hommes et condamnés à l’exil. Puis, en 1962, fin de l’Empire avec l’indépendance de l’Algérie, le réservoir vidé (160.000 hab.), un repeuplement est lancé pour un tout tourisme soi-disant moteur du développement économique de l’île par des apports extérieurs. La publication en 1972 par l’ARC du rapport de l’Hudson Institute prouve le cynisme de l’État républicain, car parmi les quatre schémas du développement, l’État avait choisi celui qui impliquait la noyade de ce qu’il restait de Corses par des apports massifs extérieurs. Cette politique de « développement » n’est plus officielle mais elle continue.

 

À quoi bon se déclarer militants pour le sauvetage du peuple corse si on entretient les processus morbides du colonialisme. Volens nolens, on est complice.

Certes, il faut faire les élections et dialoguer avec l’État, prendre tous les os à ronger qu’il nous accorde, mais l’urgence à traiter pour sauver est d’obtenir l’autonomie interne et la coofficialité de la langue corse.

On se divise pour des jouets comme des enfants avec des peluches, des nounours. Votons OUI pour nos candidats mais, déterminés et conscients, pensons à ce levier puissant à forger au sein du peuple corse pour notre mission historique.

« Aide-toi et le ciel t’aidera » dit le proverbe. Mais surtout tirons les conséquences de celui qui dit « on ne sauve pas un peuple par procuration ».