Ces quelques rappels, non pour juger les acteurs sur le terrain mais pour réfléchir, retenir les leçons et continuer la lutte d’émancipation de notre Peuple, enrichis par l’expérience.
La montée nationaliste s’est concrétisée il y a 6 ans par la prise de la mairie de Bastia. En octobre 2017, les autonomistes (Inseme et PNC) votent en congrès à Corti à l’unanimité la fusion et donnent 6 mois à une commission mixte pour organiser une AG constitutive.
Deux mois après, intervient le scrutin local pour le nouveau statut de l’Assemblée de Corse voté par le Parlement lors de la présidence de François Hollande.
Les natios coalisés obtiennent une majorité absolue. Ils font le serment solennel sur la Ghjustificazione di a Rivuluzione di Corsica. Ils se partagent les postes de l’Exécutif. Le PNC en a sa bonne part.
Les 6 mois écoulés, la commission prolonge les échanges pendant 8 mois supplémentaires devant la réticence du PNC, dans l’espoir de sortir de l’impasse.
Le PNC veut un parti à deux composantes. Il a peur sans doute d’être noyé. Quand cela devient clair, Inseme (et Gilles évidemment) décide de lancer Femu a Corsica en « laissant la porte ouverte». On a ainsi perdu 14 mois et les staffs politiques sont déjà obnubilés par les municipales qui, d’évidence, vont déterminer pour une grande part les Territoriales l’année suivante.
La non fusion des autonomistes conduit inévitablement à poursuivre un comportement de coalition électoraliste, Femu a Corsica ne considère pas sa structuration comme la priorité.
On pense pouvoir la faire sans trop de difficulté. Comme toutes les organisations natios, Femu a Corsica est préoccupée surtout par les divers enjeux des municipales dans les villes où se trouvent l’essentiel des électeurs pour les Territoriales, mais aussi dans toutes les communes, vu l’enjeu des compétences des ComCom et de la répartition des crédits. La garantie semble être dans l’ouverture pour la composante la mieux étoffée, et pour les autres dans les alliances entre elles pour faire le poids et éviter le pire en cas de listes séparées… au premier tour des Territoriales.
À ce stade, Femu a Corsica commence à penser que combler le retard de sa structuration régionale et sa base serait indispensable.
Elle se donne un secrétaire général, le député Jean Félix Acquaviva, en vue de cet objectif. Elle veut donc vite se structurer par le haut. C’est Volens Nolens un comportement de Nomenclature. Dans un mouvement démocratique, c’est de la base que démarre la mise en place des dirigeants et des candidats aux élections. Mais avec les 14 mois consacrés à l’avortement de la fusion, il impossible de mettre en chantier une telle base démocratique. On ne peut pas faire autrement, il faut regrouper à la base ce qui peut être regroupé de militants.
Espérons que le député y parviendra.
Mais je pense qu’il faudra s’y atteler dès le lendemain des Municipales, si d’autres difficultés imprévisibles n’arrivent pas et que les résultats restent sans trop de surprise. On devra en reparler mais il est souhaitable de s’y préparer mentalement.
Après coup, on peut certes imaginer un processus plus démocratique et « refaire le match ».
Supposons que, les 6 mois passés, la commission de convocation de l’AG (ou les délégués d’Inseme) fait savoir au PNC et à Inseme que, faute d’entente, elle a échoué et qu’il serait logique de s’en remettre à un nouveau congrès pour la suite à donner. Si le PNC et Inseme en sont d’accord, le débat public tranchera. Ou un des deux, Inseme appelle à réunir en congrès dans le mois tous les militants ayant participé au premier congrès de 2007 pour indiquer la marche à suivre. Inseme aurait eu alors 7 mois pour édifier sa structure à la base. Un délai pour une semi urgence aurait peut-être été plus productif et aurait atténué les risques d’un fonctionnement durable de type Nomenclature qui risque de persister jusqu’après les Territoriales.
Fusion réimposée ou non par le congrès, Inseme aurait eu une marge de manoeuvre meilleure pour sortir de ce jeu de coalitions, de regrouper en cohérence les autonomistes et au-delà tous les natios, tout en donnant des garanties à toutes les parties les moyens de convaincre les Corses démocratiquement. Pour le PNC, il n’aurait eu aucun mal à les persuader que ses militants seraient co-constructeurs de Femu a Corsica. Corsica Lìbera, avec un FLNC qui suspend sa lutte armée et elle déclarant que l’indépendance n’entre pas dans le contrat électoral de sa participation à la CdC, il est un devoir pour les autonomistes de privilégier l’expression démocratique de toutes les idées.
Après la prise des commandes à la mairie de Bastia et à la CdC, il aurait été plus rentable pour la cause nationaliste d’avoir une base militante opérationnelle que de perdre du temps pour se démêler de tous les embrouillaminis électoralistes des candidatures égotistes. Cette base les aurait mieux filtrés, le jeu aurait été plus clair et aurait servi d’exemple interne de démocratie à présenter aux Corses pour renforcer leur confiance.
Un tel dérapage électoraliste pour des mandats dans une institution sans pouvoir de réformer ce qui doit l’être est un aveuglement.
Pour rester « des élus locaux qui ne font pas la loi »? Il ne faut pas oublier que le processus jacobin n’a pas changé. Les différents statuts, il les a lâchés sans céder sur l’essentiel.
Sans coofficialité pour la langue, les critères des experts de l’Unesco le démontrent, elle est condamnée, le bilinguisme affiché est un leurre. Sans autonomie interne, sans pouvoir législatif, les différents statuts octroyés le sont aussi.
La nouvelle donne générale était une occasion favorable pour gagner plus de force politique au sein du Peuple avec, d’un côté, l’État jacobin incarné par le seul Macron raide comme un piquet, sans parti d’opposition, et, de l’autre, la majorité Territoriale des natios coalisés avec des clans expirant.
Le jacobinisme de l’État français persiste dans son jeu de chat avec la souris. Les pièges fonctionnent depuis toujours. Rien n’a changé. La Corse, un territoire extra hexagonal avec un petit Peuple auquel elle applique
un colonialisme par assimilation.
Un véritable ethnocide.
Sur deux siècles et demi, de 1818 à 1912 – presque un siècle – une loi douanière scélérate qui a étouffé toute évolution économique et pour en faire ensuite un réservoir d’hommes pour ses guerres et son Empire colonial, vidé en 1960 il ne restait que 160.000 habitants. La perte de l’Algérie fin de cet Empire, l’État jacobin veut transférer les essais atomiques du Hoggard à l’Argentella. Les Corses s’y opposent. Il opte pour Mururoa. Il détourne les fonds de la Somivac destinés à l’agriculture pour caser 18.000 Pieds Noirs en exode au détriment des Corses. Dans la nécessité de l’Europe à construire, il imagine un tourisme massif et rapide pour rentabiliser l’Île, comme le prouve le rapport secret de l’Hudson Institut commandité par la Datar en misant sur la noyade du Peuple Corse. Une fois connu, il est apparemment abandonné mais le processus colonial continue par le biais fiscal. La décharge de 30% des constructions à « valeur locative » fait qu’il s’en est construit en 5 à 6 ans plus qu’ailleurs en France.
Les résultats démontrent cette constante politique colonialiste au détriment du Peuple Corse.
Le renouvellement de population s’est accéléré en deux ou trois décades. De 160.000 en 1960 on a atteint 330 à 350.000 habitants d’apports extérieurs pour la plupart. Peu de tissu économique productif, l’Île importe presque 98% de tout ce qu’elle consomme. Disparition du Peuple, mainmise sur sa terre.
Des élections qui, à elles seules, donnent illusion et font perdre un temps précieux, ce qui sert le colonialisme. À elles seules, sans force politique capable démocratiquement de mobiliser, sans parti organisé, la fin de notre Peuple est garantie et ira en s’accélérant.
Qui peut prétendre le contraire ?
Max Simeoni.