On attend le Premier Ministre ?

L’annonce de la venue chez nous pour la première fois de ce Premier Ministre de la République a fait réagir le Landerneau politico institutionnel écrasé par la canicule.

 

D’abord les natios, du moins certains qui ont cru nécessaire de réaffirmer malgré tout leur volonté de dialogue. Ils sont logiques par le choix de la voie démocratique et du fait qu’ils sont légitimés par le suffrage universel.

Dans cet espoir de dialogue, ils passent outre aux déboires suite au cérémonial de la commémoration de l’assassinat d’Erignac et répondent à tous ceux qui ont misé sur la fermeture réciproque et l’affrontement tout en disant « il faut discuter» et faire porter le chapeau à l’intransigeance des natios. Ils espèrent l’échec de cette venue.

Elle va être suivie de près par les uns et les autres.

Elle a été précédée de celle du Ministre de l’agriculture faite pour détendre la tension que la Préfète, aux ordres évidemment, avait provoquée.

Le ton, les manières, les propos se veulent rassurant à croire qu’on a un paysan calme, pragmatique qui sait parler à nos agriculteurs, un paysan devenu Ministre.

 

En réalité, Préfète et Ministres sont au service du pouvoir élyséen le seul qui compte en Ve République. Aurait-il infléchi sa stratégie si vite à l’égard de notre majorité «absolue» insulaire? Des semaines de gilets jaunes aux ronds points, les «grandes régions» dont la mise en place déclenchent des aigreurs, ce groupe transversal qui lie Libertés et Territoires au Parlement et dans lequel figurent des élus LRM, ont sans doute ébranlé la certitude du Président d’une maîtrise facile de son pouvoir élyséen, qu’il convenait de ne pas laisser ces problèmes faire bloc contre lui.

 

Après l’accueil plutôt glacial de nos élus à Paris, Philippe va-til débarquer plutôt souriant dans l’île en chemise, la veste au bras, et même alors pourrons nous croire que s’il n’est pas venu pour vendre sa chemise, il apportera du nouveau?

Non, jusqu’à preuve du contraire je pense que la hargne judiciaire de la Préfète attaquant au tribunal administratif l’attribution par la Collectivité de Corse de la fibre optique pour favoritisme local n’a pas cédé la place à un changement sur le fond comme pourrait le laisser penser la prestation du Ministre de l’agriculture. Le favoritisme local des simples élus « locaux» la rime est parfaite. Le «nous allons travailler à trois “le gouvernement, les représentants agricoles, la CdC”» me fait penser aux trois tiers du verre de pastis de Raimu (Pagnol): «un petit tiers de pastis… un grand tiers d’eau».

Mieux voudrait qu’on rit de ce côté burlesque de la comédie politique.

Hélas, il s’agit d’un drame historique, je dirai, de deux idéologies ou philosophies différentes en réalité radicalement incompatibles.

Simplement de deux Histoires. Un Peuple acheté par un roi absolu de droit divin à son allié génois en difficulté puis soumis par la force des armes à Ponte Novu en 1769. La loi du plus fort a triomphé. Vingt ans après, en 1789 la Révolution Française décapite le tyran royal et décrète les hommes égaux en droit, abolit les privilèges, les rend libres. Sous le régime de Pascal Paoli cela avait été établi dans sa Constitution bien avant «les hommes naissent libres… et les Peuples disposent de leur destin». Les droits des Peuples clairement énoncé.

Ce fût un tragique malentendu.

Tout paraissait se normaliser, les deux histoires semblaient se retrouver sur les mêmes valeurs fondamentales de Liberté et de Peuple souverain.

 

Cette République des droits de l’homme a instauré une loi Douanière (1818-1913) traitant l’île comme une colonie, et pour l’hécatombe de la Guerre de 14-18, elle y puise 12.000 hommes et autant sans doute de blessés graves. L’île va manquer de bras et de procréateurs. En un siècle de tutelle française, la Corse voit sa production étouffée, cassée et sa démographie sabrée. Pourquoi n’at- on jamais évaluer scientifiquement les conséquences de ce Premier siècle de rattachement à la France?

Cette République finit par être un Empire colonial. Elle s’affiche comme la patrie des droits de l’homme tout en faisant l’impasse sur les droits des Peuples. Les Peuples sont pourtant composés d’hommes. Elle prétend apporter aux indigènes les valeurs universelles dont elle se proclame l’exemple parfait, «liberté, égalité, fraternité». Sa pratique la contredit.

Péché d’orgueil et volonté de puissance comme de nombreux États. Tous? Oui, sauf les petits Peuples qui n’ont pas les moyens de conquérir ou de dominer, qui sont donc réduits à se défendre pour survivre. C’est bien là la constante de l’Histoire de la Corse et de son Peuple.

Nous sommes dos au mur. Le temps nous est compté. Or, la tutelle abusive de l’État jacobin se poursuit. Notre langue n’est plus maternelle, les efforts des militants culturels freinent la chute sans pouvoir la sauver. Ils sont utiles et méritoires.

Le bilinguisme est sous contrôle de l’État jacobin, le bourreau. Il connaît bien la problématique linguistique.

Il a tenté des années durant d’empêcher la fameuse Charte des langues régionales du Conseil de l’Europe. Il refuse la coofficialité et parle de bilinguisme.

Réservoir d’hommes vidé, il veut imposer le tout tourisme. Dévoilée cependant, cette politique continue (30% de défiscalisation pour les constructions à valeurs locatives et apport de 5.000 nouveaux habitants par an, dit-on).

On ne peut plus intégrer, on est dilué dans le bain de la domination:

97% de produits importés, vie plus chère et enveloppe de continuité territoriale.

 

Bref, on attend le Premier Ministre pour dialoguer ? Or, il s’agit d’un pur rapport de force politique qui ne peut être gagné que par la voie démocratique et si la conscience du premier concerné, le Peuple Corse, est mobilisée à la hauteur du danger et des moyens pour y parvenir. Sans se laisser anesthésier par des drogues, primes à la vache et diverses assistances…

L’électoralisme entre natios dans ces conditions, pour des mandats inefficaces, est burlesque. On joue les pitres qui, à la fin, reçoivent la bastonnade.

La priorité est la conscience lucide de ce qui reste de Peuple Corse. Elle ne peut pas passer par les intrigues d’une Nomenclature d’alliés électoraux.

 

Max Simeoni.

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