Savoir ce que l’on veut et où l’on va

Dans une situation complètement inédite à l’issue tout autant incertaine, il faut savoir ne pas perdre de vue l’essentiel pour ne pas être abusé ou s’abuser soi-même. Situation inédite ?

 

À Paris un pouvoir élyséen sans contre-pouvoir. Le Président Macron a le soutien d’une large majorité au Palais Bourbon sans opposition, et il a mis le fidèle Castaner pour driver LREM. Qui aurait pu imaginer une telle disparition des partis politiques de la Ve République remplacée par l’émergence unique d’un homme certes connu du sérail mais pas du public. Cela fait penser à un coup de magicien sur l’estrade d’un music-hall… et c’est réel, on ne rêve pas.

L’heureux Président lui non plus ne rêve pas. Il ne lâchera rien, tout occupé à faire des fondations par ses réformes. Les « périodes de grâce » sont plutôt courtes. La nature en général a horreur du vide surtout dans la course politique pour le pouvoir.

En Corse, même apparence mais trompeuse sauf si on comprend que les progrès des natios, réels certes, acquis après un demi-siècle de luttes, ont été amplifiés par la syncope du système électoral des clans privés de l’air de Paris pour respirer. Qui aurait pu imaginer, il y’a cinq ans que les natios arracheraient la mairie de Bastia et sur la lancée investiraient la CTC, sans opposition ?

 

La différence est que la crise parisienne a donné un pouvoir réel au Président élu. Il a des billes d’acier en main. Nos élus devront jouer avec des billes de terre. Il a fait savoir qu’on parlera de choses sérieuses après ce scrutin de décembre, le seul qui aura lieu dans la République. Mais il ne se contente pas de voir venir, d’attendre les natios à la sortie des urnes, il œuvre à les contenir. Il ne veut pas avoir à faire à un parti qui pourrait dire qu’il est l’expression de la volonté largement majoritaire du « peuple corse ».

Ces élections sont importantes, pour d’un côté le pouvoir central comme dit ci-dessus et le système des clans dont les survivants éparpillés sont condamnés à se regrouper pour survivre. Le regroupement commencé par petits paquets d’abord au premier tour et pour ceux qui auront les 5 ou 7 % leur assemblage pour franchir le rubicon et siéger. Cette marche contrainte donne des surprises. Certains inattendus sur des listes, la logique électorale l’emportant sur celle de l’idéologie, le pragmatisme avant tout… d’autre part des têtes de liste avant pour l’autonomie, à présent l’adoucissent en régionalisme en espérant ramasser ou ne pas perdre quelques votes de plus. Que d’habilité, posturale, sémantique et rhétorique. La logique électoraliste veut pécher des voix avec la canne, le filet, la main l’explosif, la javelle, tout est bon pour prendre du poisson, ramasser des voix. Le chiffre mesure la représentativité, la légitimité du pouvoir, de pouvoir être bien placé sur la partie éligible d’une liste. « Les grands électeurs » sont au besoin des braconniers « démocratiques »…

 

Les natios ont l’obligation d’avoir la rigueur dans la transparence.

Le but qu’ils poursuivent ne peut être atteint autrement.

Il est historique : sauver leur peuple soumis à une colonisation qui nie son existence et qui de ce fait le laisse sans droits et sans moyens de vivre. Il est condamné à disparaître lentement mais sûrement. C’est sa conscience que le colonialisme veut dissoudre.

Il crée les conditions pour que les individus les plus vulnérables ne voyant pas le danger ne sont pas mobilisables ou attribuent les retards ou les carences à d’autres causes.

La République a fait croire longtemps que la Corse était pauvre, un boulet qu’elle traînait et les Corses reconnaissant de cette générosité se sont voulus de super patriotes à son service dans son Empire colonial et dans ses guerres. Ils étaient surtout un réservoir d’hommes. La Corse n’était pas développée, la France avait d’autres filons d’intérêts coloniaux plus gros et plus vite rentables. Pas développée ? Appauvrie de toute sa substance humaine vouée à l’exode.

Avec la décolonisation, l’idée de l’Europe à reconstruire pour ses nations déchirées, le plan Marchal américain pour contenir la poussée communiste de l’Est, le recentrage sur l’hexagone avec le Plan d’action régionale de Guy Mollet pour rattraper le retard des régions négligées (façade Ouest, Sud-Ouest, Corse…) en Corse les sociétés d’économies mixtes, la Somivac pour l’agriculture, la Setco pour le tourisme. La Somivac détournée pour les rapatriés d’Algérie en 1962 au détriment de l’agriculture des Corses et le tourisme de masse choisie par la Datar en secret révélé par l’affaire de l’Hudson Institute…

 

Le processus jacobin corrosif n’a pas changé. L’économie est faible. Une agriculture dépendante, perfusée de primes, des TPE et quelques PME. Une démographie autochtone vieillissante, des renouvèlements par des émigrés jeunes… des milliers de pauvres, autant de précaires, et toujours bien sûr quelques riches… la vie chère malgré l’enveloppe de continuité territoriale, une sorte de prime à l’importation, au même effet que la loi douanière (1811- 1913) sur la production insulaire, la dépendance…

Si le peuple corse peut être sauvé, ce ne sera que par l’action des natios. Terrible responsabilité qui ne peut permettre trop de faiblesses. Ils doivent construire cet organisme, ce parti exemplaire de transparence qui donne l’espoir d’un avenir possible, qui soit capable de lucidité et de force contre l’injustice, de fraternité contagieuse. Le peuple corse s’est forgé dans la défense sur sa terre. En tant que tel il est du côté des opprimés et n’a été jamais un oppresseur, il n’en a pas les moyens d’ailleurs. Voué à la défense, il ne doit compter que sur lui-même.

Évidemment il faut les gagner ces élections. On ne peut rien négliger. Mais il faut se préparer à la suite qui sera un long bras de fer. On n’a pas le choix face l’histoire de notre peuple. Pour être digne de lui, de la mission qu’il nous confie, ensemble nous devons être à la hauteur.

Max Simeoni.

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