Sortir du pétrin pour voler vers l’autonomie

Les partis-clans sont cachectiques, la greffe LRM est en échec, la gauche est implosée au Nord, la droite est déboussolée ou hargneuse au Sud : la tornade du “dégagisme” est à l’oeuvre. Mais le pétrin est en place. Les partis sont face à face.

Avec cette élection, les deux Conseils départementaux ont disparu. Un nouveau statut d’Assemblée Unique dotée de pouvoirs accrus a vu le jour. Et, tandis que les résultats des urnes traduisent la matérialité d’une majorité natio écrasante, les gagnants sont face à face.

Le Président à Paris et les natios dans l’île doivent mettre en place l’Assemblée Unique.

D’un côté, Macron ne peut faire autrement que d’appliquer une loi non conçue par lui mais votée par le Parlement. De l’autre, les natios, pour qui l’Assemblée unique est le résultat des longues tractations du temps de Paul Giacobbi et de Maria Giudicelli, sont confiants.

Le Padduc concrétise ce “minimum” ralliant la grande majorité des élus de la CTC. Il entrebâille la porte de l’autonomie.

Mais le nouveau Président de la République est le seul maître du jeu. Candidat, il paraissait ouvert dans ses propos de campagne ; élu il les confirme : “faites des propositions… on discute de tout sans tabou… ”. C’est du moins ce qu’on a cru entendre.

Aujourd’hui échanges, déclarations se succèdent. Les natios oscillent entre l’idée que la porte s’ouvre et la crainte qu’elle ne se ferme, sans perdre espoir tant que Jupiter n’a pas tranché. Il agit par ses ministres pour cerner les force, limites, points faibles des élus natios afin de les exploiter.

Par le biais de ses RG, des courtisans de l’île et de la diaspora, il n’ignore rien, il a même trop d’éléments et son problème et de faire le tri pour le choix des moyens de la politique qu’il entend appliquer à la Corse sans trop perdre de temps car il a d’autres soucis pour reformer la France. Alors, il commence par encourager les opposants aux natios qui, un instant désorientés, en attente qu’une poulie du système clan-centralisme qui se reconstitue à Paris, comprennent qu’ils peuvent redonner de la voix.

Mais ceux qui s’imaginaient qu’ils pouvaient, dans cette crise, servir d’intermédiaire pour nouer un vrai dialogue entre la présidence élyséenne et la majorité légitime des nouveaux élus natios, ont vite vu qu’on sert le roi comme lui l’entend.

Les natios, qui pensaient progresser malgré tout, réalisent après leur réception par le Premier Ministre et le président du Sénat que la porte est à peine entrebâillée et bloquée.

Crispés et furieux, ils lancent aussitôt un appel au Peuple corse avant la cérémonie des vingt ans de l’assassinat du préfet Érignac.

Tandis que Jupiter, lui, orchestre un cérémonial ultra jacobin en invitant Larcher, le président du Sénat, et Chevènement, ministre de l’intérieur à l’époque, qu’il félicite pour la traque du commando et la mise en place du Préfet Bonnet. “ L’homme qu’il faut, là où il faut. “

Le message est clair : au-delà de la préfectorale largement représentée, il s’adresse à la Nation française. Ceux qui contestent la République sont des ennemis, à traiter comme tels. C’est le cynisme de la logique de guerre qu’il faut leur appliquer.

À la contention, il ajoute la pression temporelle : les élus CTC ont quelques semaines pour rédiger leurs désidératas et plaider ainsi pour la place de la Corse dans la Constitution. Les natios plaident pour l’article 74 alors que Paris et les clans considèrent que le 73 suffit (aux dernières nouvelles, on en serait qu’à l’article 72.5).

Les DOM ayant vocation à s’intégrer à la métropole par le 73, même s’il faut leur concéder quelques spécificités de terres lointaines ou insulaires (Guyane, Martinique, Guadeloupe…). Le 74 était conçu comme un sas d’attente pour plus d’autonomie, justifiée par une histoire coloniale différente (Polynésie, Nouvelle Calédonie…).

 

Le pétrin est en place, le malaxage a commencé. La période de grâce qui a suivi l’effondrement du système électoral hexagonal et insulaire est terminée. La coalition des forces hostiles aux natios est faite dans les esprits et projette de s’amplifier sur le terrain. Les occasions de les décrier seront légions.

Ils sont seuls contre tous. La nécessité est malgré tout d’élargir, non pas tant leur assise électorale, que l’adhésion profonde de plus de Corses à la survie de leur Peuple, à la compréhension des processus qui font cette menace pour les combattre avec quelques chances à long terme de les écarter, et de donner un destin de vie assurée d’un Peuple pouvant bâtir un avenir. Comment s’extraire du pétrin et entreprendre une trajectoire de survie dans un même mouvement d’émancipation ?

Comment concilier les nécessités et les urgences de la gestion au jour le jour avec celles d’investissements humains et financiers en vue d’un réel décollage qui ne saurait être immédiat mais demeure impossible sans eux ?

Dans le pétrin toutes les farines : impatiences et frustrations des hostiles, des battus, des dégommés, des amis de toujours, l’appétit des opportunistes, des affairistes, des machiavels aux petits pieds ou de pointures… toutes les aigreurs possibles et les haleines mauvaises… elles ensemencent et lèvent la pâte…

Comment faire des citoyens conscients de la difficulté au point d’en accepter les conséquences, à commencer par ne pas attendre tout des élus, d’agir par soi-même tout en sachant que la survie de nos enfants sur la terre de Corse dépend de l’oeuvre collective que nous aurons initiée.

La violence organisée étant impraticable et, dans les conditions où est le Peuple, profitable à tous les jacobins et conservateurs, la démarche démocratique transparente s’impose. Il faut l’emprunter avec vigueur et rigueur.

La moindre faiblesse sera exploitée par la contre révolution.

Pourquoi les modérés n’ont pas encore fait la fusion décidée? Ne faut-il pas serrer les boulons, et faire la tortue pour avancer au milieu des coalisés ? Ne faut-il pas convaincre les attentistes et les septiques pour augmenter le bloc et son impact sur le système jacobins-clans aliénant ?

Avoir l’intelligence de contrer les coups sans y recourir, de rester la référence des valeurs démocratiques, en toute transparence, en solidarité concrète, humbles dans notre mission historique, à sa hauteur par notre commune détermination.

Tamanta strada : le Padduc attaqué, la coofficialité et le statut de résident refusés, l’autonomie pour quand?

Max Simeoni.