Le mouvement autonomiste a été la principale organisation qui a permis à la « famille nationaliste » de s’emparer de l’Assemblée de Corse avec une majorité « absolue ». Gilles a été l’homme dont le charisme a comblé le vide que les circonstances avaient creusé qui a été d’abord perceptible en Corse par son élection. Mais les clans n’ont pas été chassés, ils étaient déjà inanimés, sans survie possible car les partis de la Ve République agonisaient. À gauche, après Hollande, le PS dérivait loin du pouvoir central et la droite issue du Gaullisme s’embourbait dans des primaires pour désigner son candidat. Macron surgit de sa périphérie trouva les portes de l’Élysée ouvertes et sans sentinelles.
Deux hommes nouveaux au pouvoir, un à Paris, l’autre dans l’Île sans opposants. On pouvait rêver de voir un processus de débat entre eux pour tenter de résoudre le « problème Corse ». Cet espoir illusoire fût de très courte durée. Le fringant nouveau Président l’écrasant par sa mise en scène de l’anniversaire de l’assassinat du Préfet Erignac.
La majorité « absolue » des natios ne pouvait qu’encaisser et voir venir. La stratégie logiquement aurait dû consister à augmenter cette majorité pour qu’elle représente plus qu’une majorité électorale de coalition mais l’adhésion de leur Peuple « menacé de disparaître » qu’ils s’étaient jurés de sauver.
Le Congrès des autonomistes d’octobre 2017 avait voté leur fusion et une Commission pour harmoniser cette fusion devait dans les six mois réunir une AG constitutive et adopter des statuts. Le PNC tergiversa. Inseme négocia pendant encore huit mois, quatorze mois furent ainsi perdus avant que Gilles S. annonce qu’il lance Femu a Corsica et « qu’il laisse la porte ouverte ». Elle resta ouverte à tous les courants d’air. Bref Gilles, l’homme du consensus et de l’élargissement, est celui d’une coalition où il n’a pas de majorité dans son Exécutif, me semble-t-il.
Cette coalition aux commandes de la CdC octroyée par Caseneuve est tétanisée par l’enjeu des Territoriales au début de l’année prochaine. Chacune de ses composantes veut conserver sa part de « pouvoir » et l’augmenter si possible. Ce qui conduit en logique électorale à neutraliser ou plutôt à tenir Gilles par la maillot et donc à perpétuer une coalition électoraliste qui ne peut pas avoir la dynamique politique capable d’amener le pouvoir centrale jacobin à composition, à rentrer dans un processus de négociation pour la reconnaissance du Peuple Corse et un statut d’autonomie interne pleine et entière dans la République et dans l’Europe. La victoire de la coalition électoraliste retarde la victoire politique et pourrait compromettre la libération de la tutelle colonialiste de l’État français.
La responsabilité des autonomistes est considérable en ne réalisant pas une fusion votée à l’unanimité en octobre 2017 et en ne crevant pas l’abcès qui en a résulté. Leur unité aurait pu faire une alliance solide avec les indépendantistes qui avaient levé l’hypothèque de la lutte armée clandestine et accepté de jouer à terme l’autonomie sans renoncer dans l’avenir à l’indépendance. C’était dans ces conditions un devoir de leur permettre de promouvoir leur idéal dans le cadre de la démocratie. On a peut être gâché une occasion historique.
Le marasme du virus électoraliste touche toutes les composantes et risque de les disloquer. L’avenir est incertain. Marcangeli tient Aiacciu et la CAPA et vise la CdC, il reçoit des signes d’encouragement du Président Macron comme opposant des natios. Jean Christophe Angelini a refait surface avec la mairie de Portivechju, il s’impose dans la coalition. Le Sud lutte contre le Nord sous l’emprise des natios du Nord qui ont des coliques internes pour les places d’éligibles aux Territoriales. L’élargissement devient une gageure. Dans l’incertitude beaucoup de maires vont chercher des garanties pour le « développement » de leurs communes là où ils pourront. Personne ne pouvant en donner de sérieuses, ils vont miser comme au casino. « Faites vos jeux ? » Des jetons sur l’Exécutif, quelques un sur l’Assemblée de Corse, d’autres sur les opposants à la majorité « absolue » (sait-on jamais !). Les Conseils départementaux (ex conseils généraux) ayant disparu, le manque de proximité a débouché sur un découpage en communauté de communes, les ComCom sous la coupe des villes plus peuplées (Aiacciu, Bastia, Portivechju, Calvi, Corti…). L’ensemble fonctionne comme autant d’ex Conseils Généraux. Une plus value d’importance pour le clientélisme possible. Un point de plus pour l’État central qui peut aider à sa guise les maires mal servis. L’Assemblée des maires et les Préfets comme proximité directe avec l’État par dessus la tête des « élus locaux qui ne font pas la loi »…
Dans ce brouillard épais les natios se marquent à la culotte, se tiennent par les maillots et s’accrochent aux basques de Gilles, debout mais cloué sur place. « Faites vos jeux ! » les mises sont faites, changeantes, variables et le « rien ne va plus » ne sera crié sans doute que trop tard.
La non fusion plus la perte de 14 mois n’a pas permis de faire ce Parti Autonomiste à la base dans toutes les régions du Peuple. Dans l’enjeu électoral les élus sont devenus une constellation de Nomenclatures rivales. Les électeurs anonymes espéraient un changement, un comportement démocratique réel et non un électoralisme déchaîné.
L’État central qui a les moyens de tout savoir, qui au nom de la raison d’État n’a aucun scrupule à manipuler est à l’aise dans ce brouillard. Nos édiles semblent l’oublier.
Les rumeurs prolifèrent. Une en particulier. Le corps administratif de la CdC comporte 4 à 5.000 fonctionnaires. Cela paraît beaucoup et une rumeur propage l’idée que des cadres auraient des salaires de 4.000 euros et même certains bien plus élevés ? Au nom de la « maison de cristal », il serait impératif de publier un état de tous les salaires des agents par catégorie (A, B, C) sans citer de noms ou que cela apparaisse dans les budgets votés et remis à la presse.
Il n’est pas possible de faire et de roder cette base active démocratique avec des élections en cours. Mais rien n’empêche d’y penser et d’en discuter dans les « instances » et les régions pour être prêt à lancer cette implantation dès que ce sera possible. C’est une urgence un peu différée mais capitale. Je suis prêt à apporter humblement ma réflexion aux militants en toute sincérité.