Dimanche 2 décembre, l’amphi Landry débordait. Les militants autonomistes ont répondu en nombre à l’appel de la fusion qui avait été lancée en 2017 dans l’enthousiasme, mais qui tardait à se concrétiser malgré des statuts et une charte éthique votés. Les raisons avancées en interne dans la commission chargée d’organiser l’AG constitutive dans les six mois, donc avant avril 2018, puis en public plus récemment, ont été rejetées car contraire à l’engagement unanime de Corti. Une année perdue, une ambiance délétère, des centaines d’autonomistes dans la perplexité et l’incertitude. Dimanche, le ciel s’est nettoyé, l’horizon est clair, la marche en avant peut reprendre.
Ce n’est pas la gloire d’Austerlitz. Simplement un mauvais moment où le pire était à craindre. On a tout juste aplani le terrain et on peut commencer à construire avec tout le monde, sans exclusive, y compris les contestataires d’hier.
Les portes sont ouvertes à tous ceux qui veulent jouer le jeu du lancement de ce mouvement démocratique pour revitaliser le Peuple Corse étouffé par l’État jacobin et pour protéger sa Terre vouée à la prédation financière.
Nos élus, moins entravés, doivent faire leur boulot et à nous militants incombent l’obligation, le devoir de créer la base de ce parti démocratique exemplaire.
Le potentiel nous l’avons mais il n’est pas en pool. Dimanche, il était bien représenté. 1100 présents qui se sont confirmés ou qui se sont inscrits. C’est incontestable.
Ils doivent maintenant assumer leur rôle. Dans mon esprit il est essentiel.
Je pense que la période de flottement qui a suivi le succès électoral est dû à la faiblesse des bases des organisations autonomistes.
Le PNC se vantait d’être un parti de militants, mais a-t-il renforcé sa démocratie interne à sa base ? J’ai quand même assez de recul et d’expérience pour en douter ayant été un des premiers à insister pour se donner des statuts démocratiques au moment même où le FLNC se voulait hégémonique et le lieu de synthèse de la Libération nationale.
Je crois que si l’ARC a pu tenir et sauver le créneau autonomiste c’est en grande partie grâce à cette option qui inspirait confiance, qui cherchait à convaincre les Corses sans chercher à imposer par la force mais avec ses militants déterminés à se défendre si l’État usait de moyens inacceptables (barbouzes entre autres…). Inseme de son côté avait peur d’un militantisme replié sur lui-même et pensait déployer ses ailes par l’ouverture. Elle a fonctionné pour l’élection d’une majorité absolue aux territoriales… victoire d’une coalition électorale tripartite (indépendantistes sans clandestinité, PNC et Inseme en fusion différée). Cette logique électoraliste a distribué postes et fonctions. Très humainement elle tend à maintenir et à améliorer ses acquis. Il est difficile de faire des fondations solides qui manquaient quand on est parvenu sur le toit d’un pouvoir par le jeu de circonstances favorables.
Un «dégagisme » général, à Paris les partis s’effondrent, en Corse sans liens aux centrales parisiennes, les clans se noient.
Mais le jacobinisme de l’État républicain paraît plus accentué avec Macron Président. Les deux « dégagismes » sont simultanés mais incompatibles. Ils s’affrontent.
Sur l’île, les natios coalisés aux commandes cumulent les difficultés : un pouvoir institutionnel insuffisant, une réforme de suppression des Conseils Généraux pour une Assemblée Unique que l’Elysée dirige à sa main et à son tempo, un retard de fusion des autonomistes aggravant. Finalement l’urgence du parti démocratique projeté en 2017 s’impose. Mais il manque une pièce maîtresse, sa base démocratique reste à organiser et à roder. Sans cela le toit institutionnel est posé en équilibre instable.
Les statuts votés en 2017 à Corti ont été « finalisés » par la commission de coordination ce qui n’est pas conforme à un fonctionnement démocratique. Ce n’est pas son rôle, mais celui d’une AG.
Cette acrobatie à partir du toit à été inévitable pour enfin démarrer mais Il faudra atterrir sur le terrain pour construire du solide. Sans base militante active au sein du Peuple Corse, les risques sont grands pour la cause nationaliste.
Le cadre général français paraît s’ouvrir sur une crise importante. Une VIe République dont l’accouchement est pathologique, à risques, est-elle en train de naître ? La solution du «problème Corse» sera-t-elle facilitée ou au contraire renvoyée aux calendes grecques ? Chì lo sà ? Un mouvement démocratique inséré dans le Peuple, ayant gagné sa confiance est la seule garantie capable de tenir un rôle historique de sauvetage urgent et de maîtrise de son propre destin dans un monde qui se cherche à tâtons.
Une population vouée à disparaître et affaiblie gravement par une gouvernance des jacobins, prise au piège, désorientée par des besoins immédiats de 60.000 pauvres et de nombreux précaires, une construction européenne en panne ; population à la merci des aumônes distribués par les missi dominici de Paris, à la recherche d’un minimum de sécurité des parents pour leurs enfants, un emploi sûr dans l’administration locale… bref une maladie chronique imposée en phase avancée, aggravée par des flux de populations trop importants pour elle, aliénable et manipulable aisément, comment une telle population peut-elle s’en sortir sans une organisation démocratique consciente, organisée, déterminée, tenace et hautement pédagogique pour éclairer les dangers et dégager les moyens humains de les surmonter ? Cela passe par le parti démocratique exemplaire qui ne s’endort pas sur un succès électoral.
La loi du tout où rien pour le Peuple Corse. Obtenir son droit légal à l’existence, les moyens de son destin, l’autonomie pleine et entière. « Vaste programme ! » aurait dit le Général De Gaulle. Tamanta strada chì ci resta da fà, dìmula tutti inseme è avanti !
Max Simeoni.