La veille des élections prévues en fin d’année 2017 pour l’Assemblée Unique, tout se déroulait normalement. Quelques mois auparavant, des statuts avaient été élaborés par les militants des trois composantes Femu a Corsica (PNC, Inseme, Chjama) pour s’unir dans un parti autonomiste.
Au congrès constitutif de Femu a Corsica d’octobre, ils étaient 1200 à 1500 militants à voter la fusion et les statuts à l’unanimité des présents.
Une commission de coordination était prévue pour la mise en place de ce parti.
Les élections donnaient une majorité de 56,6% à la coalition Autonomistes/Indépendantistes rendue possible par l’arrêt de la clandestinité FLNC bien en amont. Le paysage politique fût bouleversé. Des décombres des systèmes électoraux à Paris, un homme surprise sans opposition et, en Corse, l’homme qui avait commencé à monter en scores nationalistes, lui aussi sans opposition.
À Paris, une large majorité parlementaire s’en suit pour soutenir le Président élyséen et dans l’île une majorité « absolue » faite de coalisés électoruax s’empare de l’Exécutif.
Un face à face simple.
Le Président incarne le jacobinisme de la République. La suite nous fera savoir à nos dépends à quel point il est pur et dur. L’Exécutif insulaire a pour objectif la reconnaissance du Peuple Corse et l’autonomie mais à court terme s’en tient, pour négocier avec le nouveau Président, au Padduc (coofficialité pour la langue corse, statut de résident pour contenir la spéculation immobilière, aménagement fiscal pour protéger le patrimoine immobilier familial après la suppression des Arrêtés Miot).
Au Président Jupitérien coupé de tout passé électoral, on commence à accorder un bénéfice du doute a minima qu’il utilise à merveille pour nous coincer.
Ballets de ministres pour nous faire consentir d’entrer dans la cage de l’article 72-5 taillé sur mesure sous prétexte d’arrimage à la République. Enfermés, nous voilà réduits à négocier graine par graine les moyens, compétences et finances de l’Assemblée Unique, que nous pourrons consommer l’une après l’autre une fois qu’elles auront été « amendées » tout au long des circuits parlementaires.
Gestion de miséreux pour nos élus. Le système jacobin reprend d’une main de fer les rênes. Il recentralise à fond. Les préfets, les chefs des services de l’État ont démarré. À qui fait la chasse aux têtes de Maures, à qui attend de son Ministre des félicitations pour ne contrôler fiscalement que des Corses…
Va-t-on, devant une telle agression, se contenter de prier, de pleurer, de mendier, de se résigner ? Les natios font pire que tout. Ils se gonflent d’illusion.
Ils sont aux commandes d’une institution sans moyens pour avancer vers leur but historique de sauvetage du Peuple Corse. Les menaces n’ont pas baissé. Elles se renforcent. Les Corses d’origine sont peu à peu noyés. Ils sont de moins en moins en capacité d’accueillir, de faire des Corses d’adoption.
Ils sont vieux et les quelques jeunes qui restent ont du mal à trouver un emploi. Ils s’exilent mais beaucoup ne reviendront qu’aux vacances ou à l’enterrement des parents. Leur île est vouée à être truffée de résidences secondaires dans l’anarchie des plus offrants. Belle aux bois dormant, elle est étranglée par les sorcières aux doigts crochus des égoïsmes et des trafiquants Nos élus « du Peuple Corse » ne sont que des élus qui doivent gérer localement dans le cadre des lois des républicains jacobins.
En fait, ils sont les élus au service d’une République pour laquelle le Peuple Corse n’existe pas et ils doivent servir un État qui continue sans le dire à éliminer ce qui en reste. Ils peuvent à peine lever le doigt pour quémander la parole.
Comment peut-on comprendre un tel flottement ? La griserie d’une élection peut-elle faire oublier la ligne constante de la politique génocidaire de la République? Elle n’a pas changé.
Jupiter flanqué de Chevènement a cru bon de nous le rappeler avec éclat à l’occasion de la cérémonie Erignac.
La constance républicaine française est manifeste pour n’évoquer que les 50/60 dernières années
La langue ? La France a bataillé pour empêcher la sortie de la Charte des langues régionales du Conseil de l’Europe. Isolée avec la Turquie, elle l’a signée mais pour qu’un tel traité international soit applicable, il devait être ratifié par le Parlement. Elle a entre-temps mis dans sa Constitution un article 2, « le français est la langue de la République », sous prétexte de bouche à oreille que cela était destiné à freiner l’anglais.
Cynique mensonge.
L’article 2 n’a été invoqué que pour empêcher des initiatives locales en faveur de langues régionales par le Conseil Constitutionnel. Lors de campagne électorale, de temps à autre un candidat promettait s’il était élu de faire ratifier la Charte du Conseil de l’Europe. Le dernier en date François Hollande. François Alfonsi a fait voter en vain au Parlement européen un texte pour les langues minoritaires à presque l’unanimité. À peine si on en a parlé. L’Unesco a diligenté un rapport mondial pour toutes les langues régionales ou minoritaires en 2002/2003 donc récent. Des critères précis pour mesurer la vitalité d’une langue nous place dans le lot des langues en voie de disparition.
Aucun critère n’est favorable.
Entre autre, il est dit que « lorsqu’une seule langue est officielle cela équivaut à une politique d’assimilation forcée ».
La préservation de la terre contre les spéculations immobilières ? Même musique.
La Somivac : détournements des terres au détriment des insulaires (90% des lots à donner aux rapatriés, c’était l’ordre venu de Paris, a déclaré Michel Rocard). La Setco : développement rapide d’un tourisme de masse comme l’a confirmé par la suite la divulgation d’un document secret commandité par la Datar à L’Hudson Institut.
On nous allèche avec la possibilité d’un statut fiscal. S’il s’agit de dérogations octroyées par Paris, c’est pour nous rouler dans la farine. On a déjà eu la continuité territoriale pour alléger le panier de la ménagère. La « vie est plus chère » et la continuité territoriale sert à merveille les importations de la grande distribution au détriment de la production locale. La raréfaction sur les prix des carburants fait que l’essence est plus chère que sur le Continent. C’est le pouvoir fiscal qu’il nous faut et non un statut conçu par Bercy.
La continuité territoriale n’est que la version moderne des lois douanières qui ont étouffé l’économie productive de l’île de 1818 à 1913 ; la guerre de 1914, en éliminant 10.000 à 12.000 hommes de 18 à 45 ans, lui a donné le coup de grâce.
L’île a un intérêt stratégique de sécurité pour la France et aussi pour l’Europe d’où la base de Sulinzara et la présence de la légion étrangère. Mais elle a failli être une base d’essai atomique quand celle du Hoggar n’a pas été acceptée lors des accords d’Evian.
Les processus mortifères continuent.
Les terres changent de mains, et les lois ordinaires nous protégeront contre la spéculation ? Comme elles l’ont fait jusqu’à ce jour ? La coofficialité ?
Il faut changer la Constitution, « on n’a pas la majorité, le bilinguisme suffira »… et bien non, dit l’Unesco !
Devant ce déroulement des procédés jacobins constants, nos élus se font des illusions quant à l’efficacité de leur majorité composite électorale. Ce n’est plus du rêve éveillé, c’est tellement loin de la réalité dramatique historique, cela ressemble à un délire clinique caractérisé.
Faut-il croire qu’un Peuple peut accepter de mourir lentement, tranquillement au soleil avec quelques bonbons et des jeux électoralistes pour des mandats brassant des vents ?
Ou faut-il mobiliser toutes les forces qui lui restent pour gagner la guerre de sa survie contre le jacobinisme ? On n’a pas de temps à perdre. Une guerre démocratique ne peut se gagner qu’avec un Peuple conscient, instruit des dangers et déterminé.
Ceux qui revendiquent l’honneur de le faire monter au front, doivent être exemplaires.
Max Simeoni.