Un parti démocratique ?

Les natios ont une majorité « absolue », les clans évaporés en moins de dix ans, scénario impensable. Ils sont aux commandes d’une institution insuffisante pour mener le combat de sauvetage du Peuple Corse en voie de disparition sur sa terre.

Dans le cadre institutionnel actuel, la politique coloniale qui impose son tourisme de masse et de grands groupes financiers continue. Il y a une poursuite, plus déguisée mais dans le même objectif.

Un seul Peuple, une seule nation, un seul État ne peut pas faire bon ménage avec une reconnaissance des droits d’un Peuple Corse en son sein. L’État peut faire des concessions de régionalisation, de déconcentration qui commence avec le discours de De Gaulle en 1969 à la Foire de Lyon. On eût avec Mitterrand un statut Defferre puis Joxe, puis avec Jospin les Accords Matignon mais jamais la reconnaissance du Peuple Corse. Certaines fois, comme Hollande candidat, la promesse de ratifier la Charte des langues régionales du Conseil de l’Europe. Une fois élu, il consulte le Conseil d’État qui stipule que c’est inconstitutionnel et il s’en lave les mains.

Bien sûr qu’il faut modifier la Constitution qui avait été récemment modifiée pour instituer que la langue française était la langue de la République, modifiée pour faire barrage filtrant aux demandes des langues régionales et les traiter dans le cadre administratif de l’Éducation Nationale (création de postes, programmes, etc). Or, si on en croit le rapport des experts linguistes de l’Unesco de 2002- 2003 sur les langues régionales et minoritaires, une langue est menacée, en voie de disparition à terme sans une coofficialité. Le combat que mènent les culturels est essentiel pour freiner le déclin mais sans droit reconnu par la loi, il ne peut pas suffire. Pour la langue, pour un développement « durable », pour une maîtrise du tourisme, il n’y a pas d’issue sans une autonomie au service du Peuple Corse reconnu dans ses droits et disposant de moyens.

La mise en place de cette autonomie ne peut pas se faire du soir au lendemain, l’accompagnement de l’État français est nécessaire. La sortie en sifflet pour un nouveau rapport constructif demandera du temps et de la sincérité, sans naïveté dans le contexte général d’une Europe indispensable mais en difficulté d’élaboration.

 

La coalition des natios qui a eu la majorité « absolue » subit l’usure du pouvoir d’autant qu’elle n’a pas assez de moyens et qu’elle fait de plus une grave erreur historique en ne fondant pas un vrai parti à la hauteur du projet de sauvetage de son Peuple. Les péripéties qui l’éclairent sont connues.

L’électoralisme sévit dans tous les circuits. Les composantes natios sont dans l’impossibilité de se tenir debout avec des bases militantes que leurs élus réduisent à des agents de recrutement électoraux. Aucune n’a intérêt, ni le temps de fonder une base militante à la hauteur des exigences du Peuple historique en difficulté. Seule la composante des modérés auraient pu le faire mais elle-même ballottée par les coliques internes des candidatures. Il en résulte une grande agitation doublée d’autant d’incertitude.

Un sacré coup de frein et une perte du potentiel énorme.

Les acteurs, les élus comme ceux qui aspirent à l’être cherchent, faute de pouvoir percer, à se neutraliser. Faute de mieux ils finissent par avoir malgré tout intérêt à maintenir une coalition qui aurait dû vite se transformer en un front patriotique de convergence au service de la même cause d’un Peuple en danger d’effacement de l’Histoire des Peuples.

Cette lutte pour la survie ne peut employer que les moyens démocratiques, l’expérience de la lutte armée genre LLN a montré son impossibilité sauf bouleversement extérieur français, européen ou mondial, même si l’avenir de la planète n’offre aucune garantie de stabilité de nos jours.

La nécessité d’un mouvement démocratique d’émancipation du Peuple Corse s’impose de raison.

Qu’est donc une telle organisation?

C’est simple mais difficile à faire avec les boulets qui nous entravent.

 

Imaginez un autre scénario à la suite du vote de fusion de 2017. Six mois après le délai pour créer une AG constitutive et confirmer les statuts, la commission créée à cet effet réunit l’AG pour dire son impuissance et s’en remet aux militants. La crise est ouverte mais l’abcès aurait pu être crevé et les 14 mois perdus en palabres auraient pu servir dans la clarté et dans la responsabilité de tous les militants à dégager une organisation meilleure, plus performante.

Ces militants auraient constitué une base d’abord régionale pour s’impliquer directement sur leurs terrains, pour désigner leurs responsables aux instances supérieures et pour décider de la participation aux élections et à la désignation des candidats.

Bref les mandats appartiendraient ainsi au mouvement, les élus seraient tenus d’informer de leurs actions institutionnelles selon la ligne choisie par les AG statutaires, ils pourraient participer de droit à tous les niveaux (sections, commissions…) de l’organisation mais sans droit de vote.

La priorité serait donnée à la force organisée pour un combat de terrain au sein du Peuple Corse, pour soutenir tout ce qui est légitime, pour faire comprendre qu’il n’y a guère de victoire sans une force populaire voulant ne plus subir l’aliénation, la dépendance et donc voulant avoir les moyens de maîtrise de son destin en toute solidarité. Si les derniers ne pourront pas toujours être les premiers, personne ne serait laissé pour compte.

 

Être militants ou leaders démocratiques cela peut exister en toute rigueur. Cela doit être par nécessité si on veut être efficace dans notre projet historique.

Un petit Peuple, pour survivre, ne peut lutter qu’avec les armes dont il dispose, la lucidité dans les rapports de force, la volonté de ne pas subir, la justice universelle du droit à vivre comme Peuple, la force de s’opposer à toute domination ouverte ou camouflée, en un mot la prise de conscience complète qu’on ne sauve pas un Peuple par procuration.

Où en sommes nous après la victoire de notre coalition électorale ? Où en sommes nous dans la mise en place d’un parti démocratique au sein du Peuple, contrôlant l’électoralisme déviationniste?

Chacun peut avoir son opinion mais elle est sans intérêt s’il la garde pour lui.

Max Simeoni.