Le Bureau de liaison du Parlement Européen à Marseille est une des – trop rares – antennes qui relient les membres du Parlement Européen aux régions où sont utilisés les fonds alloués pour développer des projets innovants concourant au développement économique, à la protection de la nature, à l’amélioration des services publics, etc. Le programme concocté par cet organisme en Corse vendredi 8 octobre a permis ainsi de visiter, et valoriser, plusieurs réalisations exemplaires sur des programmes engagés lors de la dernière décennie. Nous étions deux députés à avoir répondu à l’invitation du bureau de Marseille, moi-même et Sandro Gozi, élu au sein du groupe Renew parmi les députés français de LREM, lui aussi membre de la Commission du Développement Régional. Cet ancien ministre italien des Affaires Européennes est un député expert de ces matières. L’un comme l’autre nous avons été marqués par la qualité des réalisations présentées.
La matinée a commencé à Furiani, au centre de secours qui abrite le commandement des pompiers du département de Haute Corse. Les responsables nous ont présenté plus de dix années de coopération avec l’Europe déclinées à travers plusieurs fonds européens.
Le premier est le fonds FEDER, fonds piloté par la Collectivité de Corse dans le cadre de contractualisations d’une durée de sept années. Il a permis de concevoir, réaliser, expérimenter puis valider un nouveau moyen de lutte contre les incendies de maquis qui apporte des résultats remarquables. Il s’agit d’un engin recyclé des usages militaires, à savoir un blindé entièrement converti pour devenir un outil d’attaque du feu en milieu hostile. Grâce à sa structure il résiste au feu et protège les pompiers spécialisés qui le conduisent. Avec leurs citernes de 3,5 m3, au plus près du front où il faut stopper la progression des flammes, ces deux engins conçus et expérimentés en Corse ont désormais fait leurs preuves, et pour le même coût qu’un seul camion, qui ne peut se positionner, avec ses pompiers, qu’en bord de route, il fait le travail de quatre ou cinq camions et il peut aller au-devant des départs de feux en zone accidentée avant que l’incendie ne prenne force et devienne inarrêtable. Chaque Engin Lourd Progression embarque la moitié d’une cargaison d’eau d’un canadair, mais chaque goutte d’eau est efficace quand l’aspersion par les airs est forcément beaucoup moins précise.
Les autres programmes du SDIS ont consisté à développer des moyens informatiques en lien avec l’Université de Corse qui permettent de mieux anticiper le parcours d’un incendie qui progresse, afin de mettre au point le meilleur plan pour contrer sa progression. Et aussi de mener des formations efficaces pour les officiers qui sont placés dans des conditions virtuelles d’incendie comme on forme des pilotes d’avion. L’informatique permet alors de simuler les effets de chacune de leurs décisions face à un incendie dont les données sont préalablement entrées en machine, et ainsi d’accroître leurs compétences le jour venu. D’autres programmes INTERREG ont permis de développer de nombreux échanges avec les pompiers et scientifiques d’Italie et d’Espagne et d’utiliser leur expérience dans tous les domaines, y compris le risque d’inondation qui devient de plus en plus fréquent. Le centre de Haute-Corse, en collaboration avec l’Université de Corti, est ainsi aux avant-postes des régions méditerranéennes et l’apport des fonds européens a été déterminant pour que ces évolutions puissent voir le jour.
La Corse a aussi des atouts naturels en termes de biodiversité, et l’Europe développe des programmes pour la conforter, ou encore pour profiter de la bonne santé de la biodiversité corse pour venir au secours d’autres régions européennes où elle est menacée. C’est ainsi le cas du milan royal (u filanciu), en bonne santé en Corse où la population de ces rapaces progresse bien alors qu’en Italie voisine ils sont menacés d’extinction. Le programme Life milvus (milvus est le nom latin du milan royal) unit Corse, Toscane, Calabre pour régénérer la population italienne de ce rapace à partir de poussins prélevés en Corse et transférés avec de grandes précautions et selon des protocoles à la fois rigoureux et imaginatifs dans leurs terres d’accueil de la région de Grossetto en Toscane ou de l’Aspromonte en Calabre. Les succès sont là avec des couples qui ont fait souche, ont nidifié et permis ainsi de repeupler ces contrées de ces rapaces quand leur survie y était gravement menacée. En Corse, c’est le Conservatoire d’Espaces Naturels présidé par Jean Marcel Vuillamier qui est la cheville ouvrière de ce programme, et qui veille depuis de nombreuses années à la bonne santé de cette espèce dont la Corse, grâce à leur travail, est un conservatoire désormais reconnu en Europe.
Toutes ces visites instructives nous permettront de signaler à la Commission Européenne l’intérêt des réalisations corses, et de leur diffusion aux autres territoires similaires en Europe. À l’heure où les incendies ravagent l’Europe comme jamais, ce qui a été pensé et expérimenté en Corse pourrait aider à développer une nouvelle efficacité de la lutte là où elle a été cruellement défaillante en cet été 2021. •