Mercredi 29 mars, soit 9 mois après le référendum du 23 juin, Theresa May, la Première Ministre Britannique, a (enfin) notifié à l’Union Européenne qu’elle activait le fameux article 50 du Traité de Lisbonne qui lance la procédure du Brexit. C’est un processus long qui commence, nul ne sait quand et comment il finira.
Que dit l’article 50 du Traité de Lisbonne ? Il donne la possibilité à un État membre de quitter l’UE. En fait, jusqu’au Traité de Lisbonne (2009), il n’était même pas prévu qu’un pays puisse quitter l’Union!
C’est donc le Royaume-Uni qui aura « l’honneur » d’inaugurer cette procédure inédite et qui manque un peu de clarté, avouons-le.
L’article 50 stipule que « tout État membre peut décider, […] de se retirer de l’Union». Cet État membre, doit «notifier » son retrait au Conseil Européen, réunion des chefs d’État et de gouvernement, ce que vient de faire Theresa May en envoyant une lettre officielle à Donald Tusk, le Président du Conseil Européen. Ensuite, « l’Union négocie et conclut avec cet État les modalités de son départ ». L’accord est conclu par « le Conseil, les ministres des États membres, à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement Européen ». « Les Traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord ou, à défaut, deux ans après la notification, sauf si le Conseil Européen, les chefs d’État et de gouvernement, en accord avec l’État membre concerné, décident à l’unani mité de prolonger ce délai ».
Autrement dit, désormais une négociation de 2 ans va s’ouvrir entre d’un côté le Royaume-Uni et de l’autre l’UE. Mais il est impensable, voire impossible, de négocier des milliers de textes européens en un si court laps de temps.
C’est pourquoi, il est vraisemblable que l’UE et le Royaume-Uni se mettront d’accord sur des principes de base qui permettront de mettre en place un accord transitoire de quelques années qui s’appliquera dans 2 ans. Ainsi, les négociations des deux prochaines années se concentreront sur les principes et les négociations, pendant la période transitoire, iront dans les détails de l’accord que l’UE et le Royaume-Uni auront signé, si accord il y a ! C’est pourquoi on n’a pas fini de parler du Brexit !
Vers un hard Brexit ?
Si la Première Ministre a un mandat clair pour négocier la sortie de l’UE, elle n’en a aucun sur le type d’accord que le Royaume- Uni souhaite avoir avec l’Union. En 9 mois, le Royaume-Uni a été incapable de présenter une vision claire de sa sortie de l’Union. En effet, il existe plusieurs scénarii.
Le Royaume-Uni peut très bien accepter un scénario à la «norvégienne ». Ce scénario serait le plus avantageux d’un point de vue économique sachant que l’UE représente 50% du commerce extérieur du Royaume-Uni. Ce scénario peut s’apparenter à un « soft Brexit » (« une sortie en douceur »). Dans ce cas, il aurait accès au Marché intérieur européen sans droits de douanes mais serait alors soumis à la législation européenne sans avoir son mot à dire ! Ce scénario serait quelque peu absurde puisque le principal argument des brexiters, ceux en faveur du Brexit, était justement de « retrouver le contrôle », de « reprendre leur souveraineté ». Or, aujourd’hui, les députés européens élus au Royaume- Uni et les ministres britanniques votent les textes européens. L’absurdité vient du fait que, dans ce scénario, les Britanniques seraient soumis aux mêmes règles sans avoir le droit d’influencer les règles européennes !
Le Royaume-Uni peut choisir le « hard Brexit » (« la sortie violente ») qui se traduirait par une rupture totale avec le Marché intérieur européen. Dans ce cas, les seules relations commerciales entre l’UE et le Royaume-Uni auraient lieu… à Genève au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Avec ce scenario, chaque produit britannique importé sur le sol communautaire serait taxé comme un produit d’un pays tiers.
Les conséquences pourraient être, au moins à court terme, d’une violence inouïe avec des prix qui exploseraient et un pouvoir d’achat qui s’effondrerait.
Enfin, et c’est certainement le scenario le plus probable, le Royaume-Uni et l’UE négocient un accord d’association qui pourrait inclure un accord de commerce comme l’UE en a tant avec d’autres États tiers. Dans ce scénario, le Royaume-Uni pourrait participer à certains programmes européens comme Erasmus (échange d’étudiants) ou Horizon 2020 (programme de recherche dont les universités britanniques sont friandes). Mais un tel accord nécessiterait, de la part de Londres, de payer sa quote-part au budget européen et cette fois sans rabais possible comme c’est actuellement le cas depuis 1984 !
Bien que le coeur des négociations sera très probablement commercial et financier, il ne faut pas oublier que des millions de Britanniques, et notamment ceux et celles qui vivent en Europe, vont perdre des droits car ils risquent de perdre leur citoyenneté européenne.
De même, des millions de citoyens européens vivant actuellement outre- Manche pourraient être privés eux aussi de droits car ils ne seraient plus reconnus comme des communautaires puisque le Royaume-Uni ne fera plus partie de la Communauté européenne.
La fin du Royaume-Uni !
Le fait que Londres ait refusé de tenir compte du vote écossais et nord-irlandais (vote largement en faveur du maintien dans l’UE à respectivement 62 et 56%) et parce que le gouvernement britannique n’a pas écouté les demandes venant des gouvernements écossais, gallois et nordirlandais qui souhaitaient un « soft Brexit » en restant dans le Marché unique, le Royaume-Uni va s’en aucun doute s’évaporer.
Le Parlement écossais par 69 voix (SNP et Verts écossais) contre 59 (conservateurs, libéraux et travaillistes) a voté la proposition de Nicola Sturgeon, la Première Ministre écossaise, d’organiser un référendum sur l’indépendance de l’Ecosse une fois les termes de l’accord entre le Royaume-Uni et l’UE connus.
Selon le gouvernement écossais, il devrait se tenir entre l’automne 2018 et le printemps 2019, soit avant que la période de 2 ans ne s’achève et que le Royaume-Uni ne sorte définitivement de l’UE.
Il est à noter que Theresa May n’a pas rejeté l’idée d’autoriser un référendum car elle est en incapacité politique de le faire. Mais il est évident qu’elle fera tout pour que cela ne se fasse pas ou que ça ne se produise pas avant le Brexit ou encore que le NO l’emporte.
En Irlande du Nord, les unionistes pro- Londres ont récemment perdu les élections et leur majorité absolue. Ainsi, pour la première fois, les accords du Vendredi Saint, qui incluent la possibilité d’avoir un référendum sur la réunification de l’Irlande, pourraient pleinement s’appliquer.
Le fait que l’Irlande puisse être divisée par une frontière terrestre entre la République irlandaise dans l’UE et une région irlandaise au Royaume-Uni est impensable pour le peuple irlandais, et devrait l’être tout autant pour chacun d’entre nous !
Avec l’activation de l’article 50, le Brexit est (enfin) lancé mais on est loin d’en avoir fini avec le sujet. Les conséquences sont multiples et immenses pour les Britanniques, pour les Écossais et les Irlandais mais aussi pour les autres peuples de l’UE. En attendant le retour des Écossais et la réunification de l’Irlande, «Messieurs les Anglais, partez les premiers ! »
Roccu Garoby
Vice-Président de l’ALE jeune.