De l’avis de la plupart des observateurs, le déséquilibre des rapports de forces était tel au début de ce conflit que la défaite arménienne était inéluctable. Le traité de paix finalement négocié a évité une débâcle totale et le développement d’une « épuration ethnique » que l’on peut encore éviter.
Les premières images du conflit, celles d’une colonne de tanks azerbaïdjanais détruits par des bombardements arméniens, puis celles d’un chasseur arménien aussitôt abattu par l’aviation turque, alliée de l’Azerbaïdjan, sans que la Russie, alliée officielle de l’Arménie, ne réagisse, ont montré que l’Azerbaïdjan avait gagné, grâce au soutien d’Erdogan, la maîtrise du ciel.
Doublée par un suréquipement en drones eux aussi fournis par Erdogan, cette supériorité en équipements militaires a permis à l’Azerbaïdjan de bousculer l’armée des volontaires du Haut Karabakh, notamment dans les territoires moins montagneux du sud, le long de la frontière iranienne.
Puis l’offensive s’est poursuivie vers le nord avec deux objectifs : couper la route stratégique de Latchine, seul moyen de communication entre l’Arménie et le Nagorno-Karabakh, et s’emparer de la ville de Chouchi qui domine le plateau habité par les Arméniens qui vivent, depuis des siècles, sur un territoire qui a été ensuite enclavé dans les frontières internationales de l’Azerbaïdjan.
Les militaires azéris ont fini par conquérir Chouchi, mais ils n’ont pu couper le corridor de Latchine. L’armée azéri a même commis un acte de guerre irréparable en abattant un hélicoptère russe durant ses assauts, ce qui a précipité l’intervention russe et ce qui a obligé l’Azerbaïdjan à cesser sa progression.
L’accord de paix alors négocié a sanctuarisé ce corridor vital d’approvisionnement entre l’Arménie et l’Artzakh, nom historique des territoires peuplés d’Arméniens de l’au-delà des monts du Caucase, et il gèle les conquêtes militaires azéris principalement constituées par des territoires rattachés au Karabakh après le conflit des années 90, et ensuite peuplés par des Arméniens venus d’autres contrées. Beaucoup d’entre eux venaient des minorités arméniennes qui, persécutées par Daech en Irak et en Syrie, avaient trouvé refuge au Nagorno-Karabakh. Les colonnes de ces réfugiés arméniens quittent ces territoires perdus, non sans avoir auparavant incendié maisons et hangars pour ne rien laisser à ceux que l’État azerbaïdjanais enverra occuper ces territoires à leur place.
L’interposition russe s’est faite en écartant Erdogan de la négociation officielle qui n’a regroupé que Russie, Arménie et Azerbaïdjan. Elle laisse la partie arménienne en situation inférieure, celle du vaincu, comme dans toute guerre perdue.
Les Arméniens du Karabakh conservent la partie de leur territoire non conquis par leurs ennemis, et le lien vital avec l’Arménie pour pouvoir continuer à y vivre. Le premier enjeu pour y parvenir est celui de leur reconnaissance officielle, par exemple sous la forme d’une Haute Autorité comme c’est le cas pour les Palestiniens.
Et il faudra une mobilisation internationale importante pour éviter le drame d’une épuration ethnique étendue à tout le Nagorno-Karabakh, ce qui est dans les intentions proclamées de l’Azerbaïdjan qui veut la maîtrise de la totalité du territoire situé à l’intérieur de ses frontières.
La situation héritée de cette nouvelle guerre est terrible pour les Arméniens. Ils ne peuvent compter que sur l’armée russe pour éviter une débâcle encore plus grande à court terme, et espérer qu’une mobilisation internationale finisse par protéger leurs droits dans l’avenir. •