Internaziunale

Courageuses Afghanes

En politique, on a parfois envie d’entendre ce que l’on veut entendre… c’est ce que nous apprend l’Afghanistan. Au moment du départ de l’armée américaine du pays, la « promesse » de respecter les droits des femmes acquis durant 20 ans après le départ des Talibans, a été faite par ceux-là mêmes revenus au pouvoir en mai 2021… Il n’en est rien hélas, ou bien c’est la fin de phrase « …dans le cadre de la charia » que les États Unis et l’OTAN ont feint de ne pas entendre. Seules les femmes n’étaient pas dupes. Et il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que ces droits soient remis en cause de diktats en diktats par le nouveau pouvoir taliban…

 

Dès les premières heures de leur retour à Kaboul, les portraits de femmes sur les panneaux publicitaires ont été effacés… Journalistes, artistes, médecins, professeurs, s’étaient vues contraintes de quitter leur pays sous peine de persécutions vengeresses. On se souvient de ces témoignages de femmes, parties ou restées cachées, en pleurs et en détresse… Leurs suppliques n’ont pas été entendues. Elles ont été abandonnées par le monde, et aujourd’hui que la pression internationale s’est détournée de leur malheur, elles sont de plus en plus la proie de toutes les haines de ce régime dictatorial et de son interprétation archaïque de l’Islam.

 

Mais elles restent courageuses.

Beaucoup manifestent, bravent les interdits, à visage découvert, vêtues de voiles colorés, pour s’opposer aux burqas et autres voiles noirs qui leur sont imposés de la tête au pied, avec pour seul espoir de voir peser de nouveau le soutien de la communauté internationale pour les libérer du joug obscurantiste.

Les petites filles d’abord séparées des garçons en classe, puis privées d’école si elles ne portent pas le hijab, puis interdites de collèges, et désormais d’universités, les femmes bannies également des jardins publics, empêchées de se distraire, de faire du sport, de se rendre dans les bains publics, invitées à rester chez elles en toutes circonstances hors l’accompagnement d’un homme de la famille. Le salaire des fonctionnaires qui ont encore difficilement conservé leur poste a été divisé par quatre voire cinq, leurs déplacements sont contraints, elles ont perdu leur mandat politique, les assemblées sont désormais totalement masculines. La télévision est interdite de diffuser des séries avec des femmes… Et, désormais, elles n’ont plus le droit de travailler pour des ONG, autant dire qu’elles sont privées de droit à la santé, car les femmes qui travaillent pour les associations humanitaires sont souvent le seul moyen de venir en aide aux femmes enceintes, aux petites filles, aux femmes battues, pour accéder à la santé, dans un pays plongé dans une grave crise économique. 20 millions d’habitants (sur 39 millions d’Afghans), principalement des femmes, sont menacés de famine. Dans les hôpitaux aussi, renoncer aux femmes c’est renoncer à les soigner, et à soigner. Plusieurs ONG sont contraintes de suspendre leur action humanitaire. Des appels sont lancés pour revoir ce décret qui ne se retourne pas seulement contre les femmes mais contre tout le peuple afghan, rien n’y fait.

Les flagellations, amputations punitives et exécutions publiques d’hommes et de femmes qui bravent les interdits se généralisent. Le régime a démantelé le système de protection des femmes contre les violences conjugales. Les mariages forcés ont repris, notamment pour les petites filles. Le ministère chargé de la condition féminine a été rebaptisé « de la promotion de la vertu et de la prévention du vice » et il est chargé d’épier et de sévir les moindres écarts.

 

Un travail dans l’ombre

Alors dans l’ombre, elles s’organisent, bâtissent des réseaux de résistance pour étudier, se soigner, se retrouver, parler, se maquiller sous leur voile, s’entraider et puis surtout informer par les médias et les réseaux sociaux de ce qui leur arrive… Elles se regroupent, créent et animent des écoles clandestines, avec les cours retransmis sur des radios privés… Elles manifestent aussi dans des lieux tenus secret, pancartes à la main, et diffusent ensuite les images… pour se donner du courage et pour former le peuple à une conscience politique. Des hommes prennent des risques aussi pour les soutenir, des professeurs démissionnent, des étudiants font grève. Le courage s’appelle « femme » en Afghanistan.

Tous leurs regards, tous leurs espoirs, sont tournés vers la communauté internationale. Ne les abandonnons pas. •

Fabiana Giovannini.