Israël

Succès militaire, échec politique

En alignant les scalps de l’essentiel des dirigeants du Hezbollah, dont la figure emblématique d’Hassan Nasrallah, après avoir atteint un très grand nombre de ses cadres intermédiaires par un ingénieux stratagème de piégeage de leurs moyens de communication interne, la supériorité militaire d’Israël a manifestement remporté la bataille du Sud Liban avant même qu’elle ne soit véritablement déclenchée.

 

La supériorité des services de renseignements israéliens est apparue décisive dans cette offensive. Alors que tous les dirigeants du parti chiite se savaient menacés, et donc utilisaient des procédures sécurisées pour se protéger, Israël les a toutes déjouées, jusqu’au plus haut niveau.

C’est dire si ses agents sont puissamment infiltrés dans la direction sortante du Hezbollah, plus encore que dans les rangs du Hamas puisque Yahya Sinouar, leur ennemi juré, court encore un an après le déclenchement de la guerre suite aux massacres du 7 octobre.

 

Face à cette intrusion massive au cœur de ses systèmes de sécurité au plus haut niveau, le Hezbollah est obligé de se remettre en cause et de se réorganiser de fond en comble. Car il y a fort à parier que la capacité d’espionnage qu’Israël a mis en place dans ses rangs ne va pas disparaitre comme par enchantement, et que toute velléité de riposte sera aussitôt connue de l’armée israélienne qui pourra alors l’étouffer dans l’œuf. Pour le court et moyen terme Israël est maître du jeu militaire au Sud Liban.

Pour le long terme, la purge radicale opérée au sommet du Hezbollah lors de cette bataille secrète va générer une nouvelle direction de l’organisation dont l’ADN sera de cloisonner à tout va pour essayer de garantir sa sécurité. De toutes façons la direction issue de la guerre gagnée par le Hezbollah en 2006 était tellement pistée par les services d’espionnage d’Israël que la seule option possible pour l’organisation armée était de la remplacer de fond en comble. Ce qui aurait pris des années en temps normal, au prix d’une guerre interne potentiellement fratricide, Israël l’a accompli en trois semaines. La réorganisation du Hezbollah se fera donc à partir d’une place nette, et, à moyen terme, cette force armée, qui peut compter sur l’appui de l’Iran pour se reconstituer, resurgira aux frontières du Liban.

Car le talon d’Achille de l’armée israélienne est la politique menée par son gouvernement, incapable de trouver le chemin d’une solution politique à la question palestinienne.

À ce jour, de « la rivière à la mer », du Jourdain à la Méditerranée, vivent 15 millions de citoyens, pour moitié palestiniens et pour moitié israéliens. Les Israéliens vivent pour 90 % dans les frontières d’Israël, et 700.000 d’entre eux sont des colons établis par la force en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Les Palestiniens sont éclatés entre Gaza (2,2 millions), Israël (1,5 million), Jerusalem-Est et CisJordanie (3,5 millions) Jamais les gouvernements d’Israël n’ont nié l’existence d’un peuple palestinien ; comment peuvent-ils alors refuser son droit à l’autodétermination ? Car ces deux peuples ont indéniablement droit à un État dans le respect de leur droit à l’autodétermination.

Tant que ce droit sera refusé aux Palestiniens, quelle que soit la supériorité militaire d’Israël, les tensions persisteront et elles seront au cœur de la situation sécuritaire que l’État juif aura à affronter ad vitam aeternam.

 

La victoire militaire de Benyamin Netanyahu, qui, pour être complète, doit encore parachever l’écrasement de la bande de Gaza, porte en germe le risque de la défaite politique de l’État d’Israël. Les forces qui soutiennent son gouvernement jusqu’au-boutiste, dont le zèle militant des colonies implantées en Cisjordanie est la force motrice, vont s’enhardir encore et s’imposer comme les maîtres de la classe politique à Tel Aviv.

Mais, on le sait, les mêmes services secrets qui ont mis à terre le Hezbollah avaient été incapables de prévenir l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Nul n’est infaillible, la preuve en a été faite.

Sans solution politique à la question palestinienne, la population d’Israël n’aura pas de garantie d’avenir pour la paix à laquelle son peuple aspire. •

François Alfonsi.