Inigo Urkullu, Lehendakari de la Communauté Autonome Basque, qui regroupe trois des provinces basques (Biscaye, Gipuzkoa et Arava), et le Président de l’Exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, se sont rencontrés deux heures durant le samedi 28 septembre dernier. Les contacts se sont poursuivis le lendemain, lors de l’Alderdi Eguna, la grande fête annuelle du Parti nationaliste basque au pouvoir à Gasteiz, siège du gouvernement autonome que le PNV a dirigé quasiment sans discontinuer depuis la fin du franquisme et la reconnaissance par l’État espagnol du peuple basque il y a quarante ans.
La Communauté Autonome Basque dispose d’une autonomie pleine et entière, qui est fondée notamment sur un statut fiscal unique en Europe. En effet, les impôts collectés au Pays Basque en Espagne le sont par les entités locales, les provinces de Biscaye, Gipuzkoa et Arava, qui en cèdent une part à la Communauté sutonome basque, puis à l’État espagnol selon un accord pluriannuel, «el concierto econòmico » régulièrement renégocié tous les cinq ans entre les Basques et le gouvernement espagnol.
Une fiscalité autonome
Partout ailleurs en Europe, c’est l’État qui collecte l’impôt et qui ensuite maîtrise la part qui est rétrocédée à la collectivité autonome où l’impôt a été prélevé. Cette maîtrise totale de la fiscalité par les autorités autonomes a permis au Pays basque d’assurer un développement économique qui en a fait une des régions les plus développées d’Europe, notamment au plan industriel.
C’est l’accès à ce statut d’une «autonomie de plein droit et de plein exercice » qui était au coeur de la réforme constitutionnelle adoptée par référendum en Catalogne en 2011. La Cour constitutionnelle, saisie par Mariano Rajoy alors dans l’opposition à Zapatero qui l’avait accepté, a fini après de longues années par invalider cette réforme essentielle par laquelle les dirigeants catalans voulaient échapper à la pression fiscale d’un État espagnol dévoré par la corruption institutionnelle.
En faveur de l’indépendance
Cette décision a provoqué le processus qui a suivi jusqu’au referendum d’autodétermination qui a débouché le 1er octobre 2017 par le vote en faveur de l’indépendance de la Catalogne.
Deux ans plus tard, l’impasse politique de la «déclaration unilatérale d’indépendance » proclamée par Karles Puigdemont, Oriol Junqueras , Carmè Forcadell et l’ensemble de la majorité indépendantiste alors au pouvoir à Barcelona, amène à réfléchir aux projets institutionnels à envisager pour les peuples sans État dans l’Union européenne. Les situations sont diverses et l’autonomie basque sans comparaison par rapport au statut de la Corse sous tutelle d’un État français en plein repli jacobin.
Mais cette régression centraliste des États est un phénomène répandu en Europe, en France comme en Espagne, où le gouvernement basque en est encore, quarante ans après, à négocier des transferts de compétences pourtant prévus dans l’accord de Guernica.
Dernière en date, la compétence sur la politique pénitentiaire vient d’être transférée à la Communauté autonome basque.
Sentiment d’appartenance
Cette « stratégie progressive de construction » de la souveraineté basque par le renforcement progressif et continu de l’autogouvernement de la Communauté autonome basque a obtenu des résultats probants en Euskadi : réappropriation de la langue basque (66% de la population bilingue, taux qui est même de 75% chez les moins de 25 ans grâce à la politique scolaire), renforcement des sentiments d’appartenance à une communauté nationale basque à travers une police basque, une politique forte en direction de la diaspora, des médias basques, notamment audiovisuels, dans une démarche inclusive vis à vis de la très nombreuse immigration présente sur le territoire depuis l’industrialisation des années cinquante.
Les résultats sont probants, mais ils doivent être défendus face à la volonté recentralisatrice qui se manifeste au sein de l’État espagnol où les plus réactionnaires veulent appliquer au Pays Basque le fameux « article 155» qui a été l’instrument de l’action répressive de l’État en Catalogne sans que cela ne provoque de réactions de condamnation des autres membres de l’Union européenne.
Corsica / Euskadi, le point commun
En Europe, il convient donc de se rassembler et de rechercher une politique apte à consolider les acquis et à aller toujours vers davantage d’autogouvernement, même en restant à un niveau sub-étatique, en obtenant de l’Europe qu’elle accorde un statut à part aux « régions constitutionnelles » quand elles sont le fait d’un peuple qui aspire à faire reconnaître ses droits historiques.
C’est là le point commun entre Euskadi et Corsica, et les députés européens François Alfonsi pour Femu a Corsica, et Isaskun Bilbao Barandica pour le PNV, ont prévu de travailler ensemble pour faire avancer cette proposition dans le cadre des travaux à venir sur une réforme de l’Union européenne.
Le président Urkullu a été chaleureusement invité par Gilles Simeoni pour une visite officielle en Corse qui pourrait avoir lieu lors du premier semestre 2020. S’inspirer de l’autonomie basque et faire converger nos politiques, notamment sur le plan européen, pour renforcer toutes les formes d’autogouvernement dans les nations sans État, tel est le projet commun que Corses et Basques, avec les autres peuples sans État d’Europe, développeront ensemble dans les prochaines années.
Arritti