La question des Îles dans les politiques européennes est posée depuis de nombreuses années, mais les démarches menées pour obtenir des avancées avaient jusqu’à présent échoué. Cependant la mandature commencée en juillet 2019 ouvre semble-t-il de nouvelles perspectives.
Le lobbying organisé en faveur des Iles au sein de l’Union Européenne est ancien et il avait débouché lors de l’adoption du Traité de Lisbonne en 2009 par la formulation, dans son article 174, « d’une attention particulière » à accorder « aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne ».
Depuis 2009, les Iles de l’Union s’efforcent d’activer cette disposition du Traité par des politiques spécifiques. Deux instruments pour ce lobbying :
– Celui actionné par les Exécutifs des autorités insulaires à travers la Commission des Iles de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes, Commission présidée par Gilles Simeoni depuis 2015.
– L’Intergroupe SEARICA (SEA, Rivers, Islands and Coastal Areas) qui au Parlement Européen regroupe 104 députés, François Alfonsi en étant le Vice-Président en charge des Iles.
La nouvelle Commission présidée par Ursula von der Leyen, confrontée à la crise du Covid-19, pourrait ouvrir des perspectives nouvelles, sous l’impulsion de l’intergroupe SEARICA du Parlement Européen, en lien avec la CRPM et sa Commission des Iles.
Dès avril, les députés insulaires de SEARICA adressaient un message d’alarme à la Présidente von der Leyen sur les « impacts dévastateurs du Covid-19 sur les économies insulaires », à laquelle elle répondait en juillet « partager pleinement l’évaluation de l’impact asymétrique de l’épidémie de Covid-19 dans les différents États-membres et régions de l’Union Européenne, et en particulier sur les régions insulaires ».
Suite à cette réponse favorable, les onze députés ont sollicité un rendez-vous qui s’est tenu avec le Commissaire Gentiloni, en charge du plan de relance de 750 milliards d’euros qui a été décidé en juillet dernier. La réunion a eu lieu via internet ce 22 octobre, durant laquelle les réponses du Commissaire Gentiloni ont largement satisfait les députés présents de Croatie, Baléares, Malte, Réunion, Corse et Sicile. Le Commissaire a en effet fait part « qu’il a conscience des priorités et requêtes des Iles » ; il s’est engagé à « cibler les zones particulièrement affectées par la crise, dont les îles » dans la définition des plans de relance qui seront négociés par la Commission avec chacun des États-membres. Il a aussi fait part de son souhait « d’associer les autorités locales et régionales à l’élaboration de ces plans » à travers le règlement qui sera proposé par la Commission.
Cette prise en compte par la Commission Européenne de la démarche des députés insulaires est tout à fait nouvelle. Un premier dossier va très prochainement l’illustrer. Le Parlement Européen, à l’initiative des députés insulaires et du Président de la Commission du Développement régional du Parlement Européen, Younous Omarjee, a voté pour que 1 % du Fonds Européen de Transition énergétique soit réservé aux Iles, ce qui serait la première fois dans une politique européenne. Le Commissaire a donné son accord, et il reste désormais à convaincre la troisième composante de la décision, dans le cadre des « trilogues » entre le Parlement, la Commission et le Conseil Européen qui regroupe les 27 gouvernements nationaux. Ces trilogues ont commencé.
Parmi les points cruciaux soulevés par les députés européens insulaires figure aussi la question des Aides d’État qui sont interdites par les règles européennes, mais dont le régime devra être assoupli dans le cas des Iles où la crise pourrait frapper demain des activités vitales comme les transports entre les îles et le continent. Les députés de Searica rencontreront la Commissaire à la concurrence Margarethe Vestager pour en discuter dans le cadre de la réforme globale de ce règlement qui est en cours pour répondre à la crise du Covid-19.
Le lobbying en faveur des économies insulaires est donc en passe d’obtenir de substantielles avancées dans le cadre des nouvelles politiques européennes. La période de six mois qui s’ouvre, durant laquelle tous ces plans de relance économique seront négociés et votés, engagera des sommes considérables pour les sept années à venir.
L’importance d’avoir une représentation de la Corse au sein du Parlement Européen à Bruxelles apparaît capitale dans ce contexte. •