La semaine prochaine s’ouvrira à Madrid le procès des dirigeants catalans emprisonnés pour leur rôle dans l’organisation du referendum du 1er octobre 2017 qui a décidé la déclaration d’indépendance de la Catalogne. Il ne concernera pas Carles Puigdemont et les dirigeants en exil car la justice espagnole ne prévoit pas de jugement en l’absence des accusés.
Ce procès sera en fait celui de la démocratie et celui d’un peuple.
Oriol Junqueras, Joaquim Forn, Jordi Cuixart, Jordi Sanchez, Carmè Forcadell, Dolors Bassa, Raul Romeva, Josep Rull, Jordi Turull :
Cela fait déjà 15 mois (pour quatre d’entre eux) et 12 mois (pour les cinq autres) que les « presos politicos » catalans sont emprisonnés pour avoir simplement défendu le droit du peuple catalan de choisir son destin, dans la démocratie, par le vote, sans pression ni violence.
Il est demandé à leur encontre une peine de 25 ans de prison et de privation de droits civiques pour Oriol Junqueras, ex-n°2 du gouvernement catalan, 17 ans pour Carmè Forcadell ex-Présidente de l’Assemblée, Jordi Sanchez, ex-Président de l’Assemblée Nationale Catalane, et Jordi Cuixart, ex- Président de l’association Omnium Cultural, tous les quatre présentés comme les principaux dirigeants impliqués dans l’organisation du referendum.
217 années au total sont requises contre les 18 accusés qui auront à comparaître durant un procès qui durera tout le mois de février.
Délit « d’intention cachée de recours à la violence »
L’inculpation qui leur est faite de « rébellion » est disqualifiée par le fait qu’aucune violence ne leur est imputable. Ainsi en ont décidé plusieurs Cours de justice européennes, en Allemagne, en Belgique et au Royaume Uni, qui ont refusé d’extrader vers l’Espagne Carles Puigdemont et les autres dirigeants en exil car le dossier présenté par les autorités espagnoles est totalement vide à cet égard.
Il faut d’ailleurs lire la motivation du renvoi devant le tribunal par le juge d’instruction qui réclame les peines maximums : « le plan sécessionniste envisageait l’utilisation de tous les moyens nécessaires pour atteindre leur objectif, y compris – puisqu’ils avaient la certitude que l’État n’allait pas accepter la situation – la violence nécessaire pour s’assurer du résultat criminel visé ». Pour appuyer son argumentation il évoque aussi « une force d’intimidation » représentée par « l’action tumultueuse » des grandes manifestations indépendantistes, dont il est pourtant notoire qu’elles n’ont jamais dégénéré, contrairement par exemple à ce que la France connaît aujourd’hui avec les « gilets jaunes ».
Leur condamnation est donc demandée non pas pour des faits de violence, ni même pour des appels à la violence. La justice espagnole est en train d’inventer le délit « d’intention cachée de recours à la violence » : même Nicolas Maduro au Venezuela n’y avait pas pensé !
Cette accusation est tellement bancale que les réquisitions de l’État, délivrées par le parquet sur instruction du gouvernement, écartent ce chef d’inculpation de rébellion, pour ne retenir que celui de « sédition » qui limite les condamnations possibles à un maximum de 12 années. Aussitôt cette position prise par le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez, la droite espagnole s’est déchaînée, dénonçant la traitrise d’un premier ministre « otage des voix des députés catalans pour faire voter son budget ». Le Partido Popular et Ciutadanos, les deux formations de la droite espagnole, sont même débordées par une formation d’extrême droite, Vox, qui vient de faire sa percée électorale en Andalousie, et qui s’impose de plus en plus dans les alliances électorales à droite.
Le franquisme est bel et bien de retour en Espagne, et l’Europe laisse faire. Ce sera tout l’enjeu des mobilisations à venir de briser cette conspiration du silence durant le déroulement du procès.
En Corse, il nous faudra prendre notre part dans la mobilisation.
François Alfonsi.