UNION EUROPÉENNE

Mais où est vraiment le déficit démocratique ?

L’Union Européenne est souvent, et à juste titre, critiquée car il y a un déficit démocratique à Bruxelles.

C’est vrai ! Mais il n’est pas forcément là où on s’y attend le plus ! Explications !

 

À Bruxelles, l’Exécutif européen, l’embryon de Gouvernement, c’est la Commission européenne actuellement présidée par Jean Claude Juncker.

Elle est composée de 28 Commissaires européens, un par État membre.

Absurde ! Imaginez le Gouvernement français composé d’un ministre par région ! En quoi cela rend-il l’Exécutif plus performant et plus efficace ? En rien ! Mais les États ont voulu infiltrer la Commission, la garder sous contrôle en ayant leur « propre espion » dans le Gouvernement européen. Pire, avec le Traité de Lisbonne, il y avait la possibilité de déconnecter la taille de la Commission et le nombre d’États membres. Mais encore une fois, ce sont les États qui l’ont refusé car ils avaient « peur » de perdre le(ur) contrôle sur l’Exécutif européen.

 

La Commission européenne ou le gouvernement européen

En dehors de ce point non négligeable, la Commission européenne est bien plus démocratiquement élue et contrôlée que le Gouvernement français ! Le Président de la Commission européenne fait un discours de politique générale et est, ensuite, élu par le Parlement européen (PE). Puis, chaque Commissaire désigné doit répondre publiquement à des questions écrites déposées par les députés européens avant de passer une audition publique de plus de 3 heures afin de savoir s’il est compétent sur dossier et s’il est intègre. C’est seulement après cet exercice que le Collège des Commissaires, dans son ensemble, est élu définitivement par le PE. Mais, à chaque fois, le Parlement a menacé de rejeter le Collège dans son ensemble si certains candidats au poste de Commissaire n’étaient pas changés. En 2004, le Parlement européen a eu la peau du candidat italien pour propos homophobes ; en 2009, il a eu celle de la candidate bulgare qui trempait dans des affaires de corruption, enfin en 2014, le Parlement a évincé l’incompétente candidate slovène.

Peut-on imaginer, un instant, le Palais Bourbon auditionner, puis rejeter un ministre proposé par le Président de la République pour incompétence ou manque d’intégrité ? Non ! Le fait du Prince s’impose à Paris.

 

Le Parlement européen ou la représentation des peuples

Le Parlement européen, qui représente les peuples d’Europe, est élu à la proportionnelle, c’est la réglementation européenne qui l’impose. Ainsi, le Parlement européen reflète réellement la diversité politique, géographique et démocratique de l’Europe.

Malheureusement, la proportionnelle est laissée à l’appréciation des États membres. Ainsi, certains pays ont une liste étatique unique (Allemagne, Espagne, Pays-Bas), d’autres ont des circonscriptions qui recoupent les nations sans États : (l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du nord ont leur propre circonscription au Royaume-Uni et en Belgique, les néerlandophones, les francophones et les germanophones ont eux aussi leur propre circonscription).

Enfin, d’autres comme la France, ont des circonscriptions qui ne correspondent à rien. En quoi la circonscription Rhône- Alpes-PACA-Corse a-t-elle une cohérence démocratique, sociale ou territoriale ? Le Jacobinisme dans toute sa splendeur !

Rappelons que sur 28 États de l’Union Européenne, seuls deux, la France et le Royaume-Uni, (les deux anciens empires coloniaux comme par hasard!) refusent toujours d’introduire, ne serait-ce qu’une dose de proportionnelle. Ainsi, un parti comme LREM par exemple, qui représente difficilement 1/4 des voix exprimées (!), peut avoir la majorité absolue des sièges au Palais Bourbon. En cela, la France démontre, une fois de plus, qu’au pays autoproclamé des droits de l’Homme, la démocratie n’a pas vraiment sa place.

Autre preuve qu’il vaut mieux le Parlement européen que le Palais Bourbon : les langues officielles. 24 à Strasbourg, 1 à Paris ! Tous les documents publics sont traduits en 24 langues. Impensable que le Parlement français traduise les lois en basque, en corse, en breton ou en kanak !

Malheureusement, aujourd’hui, ce sont les États qui choisissent les langues officielles de l’UE. Ainsi, une discrimination linguistique est opérée par les États.

Comment peut-on justifier que le gaélique ou le maltais, à juste titre d’ailleurs, soient langues officielles mais pas le basque ou le catalan, pourtant parler par beaucoup plus de locuteurs ?

Dans le reste de son fonctionnement, le Parlement européen est très comparable au fonctionnement du Palais Bourbon. Les débats, les textes, les amendements et les votes sont publics.

Normal ! Sauf que ce qui est vrai pour les députés, les États ont refusé de se l’appliquer.

 

Le Conseil ou le trou noir de la démocratie

Le Conseil de l’UE, ou Conseil des ministres, ou « Conseil » tout court, regroupe les ministres des 28 États membres qui siègent en formation différente selon le sujet traité. Les 28 ministres des finances siègent quand il s’agit d’économie, les 28 en charge du transport sont là quand on parle mobilité, etc.

Ce « Sénat des États » qui représente les entités fédérées, (comme le Sénat est censé représenter les collectivités locales en France), est la seconde chambre de l’UE. Sauf que…

Premièrement, la transparence n’existe pas. Les débats ne sont pas tous publics.

Les amendements sont inexistants car, à chaque fin de débat, la présidence tournante du Conseil, propose un nouveau texte dans un mélange d’entre soi obscur et de diplomatie totalement opaque. Pire, les votes ne sont pas publics. Ainsi, nul ne sait quel ministre a voté quoi, ni le citoyen lambda, ni le parlementaire qui, dans son pays, doit contrôler son Exécutif ! Mais où est la démocratie ?

Deuxièmement, la démocratie, c’est le fait majoritaire! Il y a un débat, des arguments puis un vote avec une majorité et une opposition. Il existe différente majorité possible (simple, absolue, 3/5…) selon l’importance du texte mais il y a un fait majoritaire. Or, au Conseil, de nombreux domaines, et pas des moindres comme les questions sociales ou fiscales par exemple, sont réglés à l’unanimité. Or, l’unanimité, c’est donner le pouvoir au moins disant, à celui qui refuse de faire des compromis, à celui qui refuse de coopérer, d’avancer. Mais les États sont contents car un jour ou l’autre ils voudront/pourront tout bloquer dans leur intérêt propre. Il ne peut y avoir de démocratie fondée sur l’unanimité.

Soit l’UE est compétente pour agir et alors il doit y avoir un vote majoritaire soit elle ne l’est pas et elle ne doit pas intervenir.

Troisièmement, Montesquieu doit se retourner dans sa tombe mais à Bruxelles, le Conseil est à la fois (co) législateur, avec le Parlement, et Exécutif sur certains domaines comme les affaires étrangères. Il n’y a pas de séparation des pouvoirs au Conseil. De fait, le Conseil n’est pas démocratique.

Quatrièmement, le Conseil européen, qui regroupe les chefs d’État et de gouvernement, les supérieurs hiérarchiques directs des ministres siégeant au Conseil (des ministres), n’a selon les traités, ni pouvoir exécutif ni pouvoir législatif. Il se réunit à huis clos sans jamais un débat ou un vote public ! Son seul pouvoir légal est de lancer des initiatives politiques qui doivent être traduites en textes législatifs que seule la Commission, composée d’un membre par État, peut proposer et faire voter par les députés, souvent mis sur les listes par les mêmes chefs d’État et de gouvernement, et les ministres, qui sont leurs subalternes ! La boucle est bouclée.

Les États contrôlent et verrouillent le processus politique et démocratique.

Si, à cela, on ajoute que les médias des États membres se ruent à Bruxelles à chaque Conseil européen, (en moyenne, un millier de journalistes), alors que ce dernier n’a pas de pouvoir mais qu’il n’y a plus qu’une poignée de journalistes au sortir des réunions du Collège des Commissaires, véritable Exécutif européen.

On marche sur la tête ! C’est comme si en France on couvrait les réunions de l’ARF plus que celles du Conseil des Ministres à l’Élysée !

Pire, le Président de la République française est irresponsable puisqu’il ne peut aller devant le Palais Bourbon, ni subir de censure. Autrement dit, il se rend au Conseil européen sans aucun mandat démocratique et sans rendre de compte à la représentation parlementaire ! Mais où est la démocratie ?

Répétons-le, encore et encore, les chefs d’État et de gouvernement n’ont aucun pouvoir à Bruxelles, ils sont peut-être tout puissants dans leur pays, mais ils ne sont rien à Bruxelles. De ce fait, le Conseil européen, qui de plus, fait doublon avec le Conseil des ministres, devrait être supprimé !

 

L’Europe des peuples, une Europe démocratique !

Une autre Europe est possible, souhaitable et nécessaire ! Elle doit être plus démocratique. Cette Europe des peuples nécessite une refonte des institutions.

La Commission doit être réformée. On ne devrait plus compter un Commissaire par État et on devrait bien davantage lutter contre les lobbies, par exemple. Le Parlement Européen devrait reconnaître toutes les langues, y compris celles qui ne sont pas officielles, comme le fait d’ailleurs le Comité des Régions qui traduit, sur ses fonds propres, les débats en basque. Le Parlement Européen devrait être élu sur des bases territoriales avec des circonscriptions pour les nations sans État. Mais globalement, il vaut mieux la Commission européenne et le Parlement européen que l’Élysée, Matignon et le Palais Bourbon !

Si déficit démocratique il y a, à Bruxelles, il est d’abord et avant tout au Conseil et au Conseil européen ! C’est-à-dire que le déficit démocratique, ce sont les États qui en sont les premiers responsables et les premiers à en abuser. On ne le dira jamais assez.

Roccu Garoby,

Vice-Président de l’ALE Jeune