Le Collectif regroupant les syndicats et associations de défense de la langue et de la culture corse s’est à nouveau réunit ce 24 septembre à Aiacciu pour dénoncer la politique de démantèlement de l’enseignement des langues régionales. Baisse des effectifs, baisse des heures d’enseignement, suppression de postes, coefficients dérisoires, non-valorisation des filières bilingues, « le cercle vicieux est enclenché » alertent les enseignants très inquiets d’une situation programmée depuis trois ans au moins. Tous – par ailleurs membres du Collectif « Pour Que Vivent Nos Langues » – appellent à une manifestation le 10 octobre prochain devant le Rectorat d’Aiacciu.
«Ainsi que nous l’avions prédit l’an dernier, dès décembre 2019, les effets régressifs de la réforme des lycées (elle-même venant se rajouter à celle des collèges trois ans plus tôt) n’ont pas tardé à se manifester. La tendance générale se confirme de plus en plus avec la remontée des chiffres des établissements de l’académie depuis la rentrée :
– En collège : diminution des effectifs en 5e du fait de l’introduction de la LV2, répercussion sur tout le cycle 4 (4e et 3e)
– En lycée : diminution des effectifs en enseignement d’option du fait de la chute drastique du coefficient (0,3 % de la note du Bac)
Le corollaire de cet effritement est donc mécanique : la disparition d’heures de services qui avaient déjà touché les collèges (de 3 à 12h, en moyenne, pour chaque collège de l’île) commence à se traduire par des suppressions de demi-postes dans certains lycées (Lycée Giocante de Casabianca, Lycée de Portivechju), ou d’heures d’enseignement dans d’autres (3 à Jeanne d’Arc, 3 à Ile-Rousse, 4 à Vincensini, 4 à Scamaroni) et prend une tournure inquiétante. Le cercle vicieux est enclenché et ira en s’aggravant.
Chronique d’un recul annoncé donc. Point n’était besoin d’être devin pour l’anticiper. Le principe d’obsolescence programmée vient d’être appliqué aux enseignements dits « secondaires » par ce gouvernement. Les langues régionales sont une des variables d’ajustement de ses économies d’échelle. Leur mise à mort a commencé.
Coefficients de la discipline dérisoires, mise en concurrence avec d’autres matières, non valorisation des filières bilingues provoquent l’inévitable recul. Dans les faits, entre regroupements de classes intempestifs sous prétexte d’économie budgétaire, effectifs d’option en chute libre et aspect confidentiel de l’enseignement de spécialité, c’est à une véritable mise en coupe réglée de l’enseignement des langues régionales à laquelle nous assistons.
Pour le collectif, il est hors de question de demeurer passif face à ce que nous considérons être le début d’un véritable démantèlement de l’enseignement LCC, général ou bilingue, surtout à un moment où des résultats prometteurs commençaient à être enregistrés avant la réforme. La volonté délibérément linguicide du gouvernement doit rencontrer la plus ferme opposition de tous.
Nos collègues du Continent tirent la même sonnette d’alarme et sont farouchement opposés à la réforme qui, mêmes causes mêmes effets, produit ses funestes effets outre-Méditerranée (suppressions de postes, réduction massive d’heures d’enseignement, chute des effectifs.) Le collectif « Pour que vivent nos langues », suite à une lettre adressée au Président de la République et signée par 105 parlementaires, va être reçu par le Ministre de l’EN. Partout en France se dérouleront des manifestations lors d’une journée d’action prévue pour le samedi 10 octobre.
Le collectif STC, AILCC, APC, SNALC, « Parlemu corsu ! » appelle à soutenir cet élan salutaire ce jour-là, devant le Rectorat d’Aiacciu. Il va demander, par ailleurs à être reçu par les autorités de tutelle et les représentants politiques de l’île dans le droit fil de son action menée lors de ces derniers mois.
Illustration par la situation de quelques lycées
Jeanne d’Arc, Bastia. La régression progressive des effectifs de cinquième, depuis la réforme du collège de 2015, avec l’introduction de la LV2 fait que l’établissement est passé de 50 élèves en LCC (deux classes de 25) à 40, puis 30… Pour la première fois depuis vingt ans les effectifs passent sous la barre des 25 et seule demeure une cinquième de 21 élèves. Le corollaire de cette situation est la diminution en aval des cohortes de 4e et 3e et bien sûr de celles des lycées. Les effectifs du lycée sont déjà maigres. L’avenir s’assombrit singulièrement.
Lycée Giucante de Casabianca, Bastia. L’enseignement LCC en LVC passe de 30 à 6 élèves avec les nouvelles règles (0,3 % de la note au Bac pour 3h hebdo.) Six heures LCC sont supprimées sur l’établissement soit pratiquement un demi-poste. L’enseignante est nommée, en complément de service, au lycée professionnel Jean Nicoli pour y effectuer ces 6h. La direction du lycée a donné, au printemps dernier, son accord de principe sur la réalisation de projets pédagogiques qui permettrait de maintenir à temps complet l’enseignante sur place, avant d’opérer un brusque changement de position à la rentrée.
Ce projet pédagogique prévu doit être rétabli. Nous demandons la réintégration complète de l’enseignante dans son poste d’origine. Par ailleurs, la création d’une seconde bilingue doit impérativement avoir lieu et être matérialisée dès la prochaine rentrée. Enfin, il s’agira de pourvoir au plus tôt aux besoins exprimés par le lycée Jean Nicoli.
Lycée Paul Vincensini, Bastia. 4h supprimées par rapport à l’année dernière et ce malgré la montée en puissance des effectifs du bilingue (deux secondes (31 + 17 élèves), une première (15 élèves) et une terminale (12 élèves.) De plus, les trois heures de dédoublement de la seconde 4 (17 élèves bilingues) n’ont pas été accordées. Ce sont donc 7h qui manquent dans le montage DHG de l’établissement. Plusieurs classes n’ont pourtant pas de corse dans leur emploi du temps (CSS, BTS…)
Ce budget de sanction obère l’avenir de la LCC sur l’établissement.
Lycée Fred Scamaroni, Bastia. 4h supprimées par rapport à l’année dernière. Les sections hôtellerie de l’établissement n’ont plus qu’une heure hebdomadaire à leur emploi du temps ! Nous demandons, a minima, le rétablissement de ces heures.
Lycée JP de Rocca Serra de Purtivechju. L’enseignant titulaire est envoyé au collège à raison de 12h par semaine. Comment justifier une telle chute des effectifs et une décision si brutale ? C’est la négation même d’une bonne planification administrative. La situation est d’autant plus incompréhensible que les collèges de la ville fournissent des cohortes conséquentes aussi bien en général qu’en bilingue.
Sur l’ensemble des lycées, la situation s’est brusquement dégradée lors de cette rentrée. Les directions des établissements concernés auraient-elles reçu des consignes afin de réaliser des coupes sombres dans les DHG ? La LCC ne doit pas être la victime expiatoire budgétaire de la réforme Blanquer. Il faut rapidement inverser la tendance.