Nouvelle édition, nouveau succès. Les organisateurs de la Gouael Broadel ar Brezhoneg (la GBB) ont à nouveau rassemblé 3.000 personnes venues défendre et pratiquer la langue bretonne sur la place de ce petit village du centre Bretagne, avec l’objectif de donner visibilité, et de faire entendre, la langue bretonne.
Dès le lancement, lors des discours inauguraux, les officiels font l’effort de la langue et une traduction simultanée par de jeunes interprètes permet à tous de suivre les interventions.
Parmi les officiels, certains sont rodés, d’autres sont plus hésitants comme la mairesse qui, pour la première fois a franchi le pas. Le conseiller général n’a pas voulu le faire, mais pourtant il évoque sa jeunesse et la répression linguistique qui s’est exercée dans sa propre école. Et, en conclusion, son breton enfoui ressort quand même. Il m’a été demandé d’intervenir en corse, et mon propos traduit en simultané à partir du texte remis à l’interprète.
La langue s’entend sur le champ de foire tout au long de la journée par de nombreuses conversations que chacun s’efforce de tenir en breton, les locuteurs confirmés entraînant les plus hésitants.
Elle est aussi langue principale du débat qui cette année portait sur les diverses actions menées pour que nous puissions relever le défi du numérique, qui, après le collectage, l’officialisation et la normalisation (grammaire, orthographe), l’enseignement, la présence dans l’audiovisuel, est le nouveau défi lancé à ceux qui sont engagés dans le sauvetage des langues régionales.
L’intelligence artificielle permet d’apporter des outils de transmission remarquables. Ainsi l’Office de la langue bretonne est-il en train de mettre au point un logiciel qui permettra non seulement de traduire, mais aussi de donner à entendre par des locuteurs natifs, la traduction recherchée sur notre ordinateur.
Mais dans le même temps, le numérique va envahir la vie quotidienne de nos enfants, qui pourront s’adresser aux objets par la voix, pour allumer la télé, changer de chaîne, jouer avec des jouets connectés, etc. Si ceux-ci ne reconnaissent pas la langue bretonne, même l’enseignement par immersion sera menacé !
C’est donc là un chantier dont les universitaires présents se sont emparés et qui nécessitera une mobilisation générale, y compris au niveau de l’Union européenne pour que les normes du multilinguisme s’appliquent, en associant les langues les moins répandues au moment de la mise sur le marché.
Puis, là où la langue bretonne explose littéralement, c’est sur la scène survoltée où des groupes de jeunes, beaucoup de femmes, font entendre et partager avec enthousiasme leur passion pour leur langue. Pas de hasard : ces jeunes artistes sont tous ou presque des « enfants Diwan », le réseau d’enseignement du breton en immersion totale.
Alvan & Ahez, le plus connu, qui propose des musiques qui allient le traditionnel et le disco, a même été retenu pour représenter la France au concours de l’Eurovision 2022. La qualité est là, et aussi chez d’autres groupes de la même génération, très jeune, très engagée et très sûre de son affirmation culturelle dans une langue bretonne ancrée dans la modernité. Leurs rythmes et leurs textes parlent à tous.
Tous les deux ans, cette manifestation populaire accompagne le mouvement général des bretons pour la reconquête de leur langue. Chacun en repart avec le sentiment que le combat sera long et difficile, mais qu’il reste ancré dans une base sociale solide, et porté par une jeunesse enthousiaste qui est en train de lui donner un second souffle. •