Artús Varenne est un petit garçon né le 15 décembre 2022 à Mende, en Lozère. Ses parents vivent leur identité normalement, en y étant attachés parce que c’est leur identité, celle de la région où ils vivent, tout en baignant normalement dans la société française. Ils ont donc souhaité donner un prénom occitan à leur enfant, parce qu’il est original et s’inscrit dans la continuité d’un peuple qui a combattu pour garder ses racines…
Jamais ils ne se doutaient que cet enfant serait alors renié, déjà tout petit, et deviendrait ainsi le centre de débats politico-judiciaires à n’en plus finir…
Les autorités à Chateauneuf-de-Randon ont refusé d’inscrire le prénom d’Artús au prétexte que l’accent aigu sur le ú n’existe pas en langue française. Et que la langue française est la langue de la République ! Ùn averanu nunda à fà ? Ùn averanu chè què da scumbatte ?
Arritti a déjà rendu compte de la détresse de ces parents qui ont fait appel à la justice.
« Artús est un prénom occitan, langue autochtone et minoritaire. Ses locuteurs font historiquement l’objet, dans notre pays, d’atteintes significatives à leurs droits fondamentaux, résultante d’une politique assimilationniste et linguicide, raison pour laquelle ce dossier a d’ores et déjà suscité un certain émoi médiatique, en France et à l’étranger ». Ainsi s’exprime leur avocat, Stéphane Pagès, dans une lettre au président de la République. En quoi la République est-elle menacée par le prénom d’un petit enfant ? C’est d’autant plus insupportable que ces questions des accents diacritiques, ont déjà fait l’objet de débats parlementaires dans le cadre de la loi Molac, du nom du député breton de la Fédération Région & Peuples Solidaires, Paul Molac, qui a été votée à une très large majorité par l’Assemblée nationale, puis le Sénat. Mais la loi Molac, qui défendait aussi l’enseignement immersif, a été déclarée anti-constitutionnelle par le Conseil constitutionnel ! Aussi, vent debout, l’ensemble des régions de France à forte identité où existent des signes diacritiques et un enseignement associatif immersif, avaient manifesté rassemblant plusieurs milliers de personnes.
Emmanuel Macron s’était alors exprimé dans un communiqué pour calmer les esprits : « le droit doit libérer, jamais étouffer. Ouvrir, jamais réduire. La même couleur, les mêmes accents, les mêmes mots : ce n’est pas cela, notre nation. Braudel l’écrit : la France se nomme diversité ».
Le 30 octobre 2023, il avait réitéré ses propos à l’occasion de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, tout un symbole, en disant que la langue française « doit cohabiter harmonieusement avec nos 72 langues régionales dont (…) tous les occitans », rappelle encore au président Stéphane Pagès.
140 parlementaires avaient ensuite signé un appel pour réclamer une révision constitutionnelle. Fernand de Varennes, rapporteur spécial des Nations Unies sur les questions des minorités, Alexandra Xanthaki, rapporteuse spéciale pour les droits culturels et Koumbou Boly Barry, rapporteuse spéciale pour le droit à l’éducation, cosignaient même un courrier au gouvernement français le 31 mai 2023 disant : « Cette décision peut porter atteinte à la dignité, à la liberté, à l’égalité et à la non-discrimination ainsi qu’à l’identité des personnes de langues et de cultures historiques minoritaires de France. Ces langues, recensées au nombre de 75 selon le rapport officiel Cerquiglini en 1999, sont pour la plupart classées par l’Unesco en danger de disparition »
Le gouvernement avait répondu en pondant des circulaires en faveur de l’enseignement immersif et le droit à l’expression de ces langues, corse compris…
Rien à faire ! Les autorités de l’état civil continuent de s’appuyer sur le fameux article 2 dévastateur pour les langues régionales et refusent de rectifier l’état civil du petit garçon, violant tout droit international et la dignité de cet enfant !
« Une fois de plus la France montre son incapacité à respecter la moindre diversité et ne peut accepter le respect des droits culturels de ses citoyens » dénonce le Partit Occitan.
En Catalogne, en Bretagne, en Alsace… les mêmes discriminations sont dénoncés, on se rappelle notamment du cas du petit Fañch (François en breton) né à Quimper. « Admettre un ñ reviendrait à rompre la volonté de notre État de droit de maintenir l’unité du pays et l’égalité sans distinction d’origine » avait déclaré le Tribunal en première instance. « L’État de droit »… Chjìbba !
Heureusement les parents ont pu conserver ce prénom grâce à une Cour d’Appel plus censée et compréhensive qui déclarait que le ñ n’était pas inconnu de la langue française. Le Parquet s’était pourvu en Cassation – accanitu ! – mais un vice de forme avait confirmé le jugement de Cour d’Appel. Ouf ! Depuis, un autre petit Fañch est né à Morlaix et est toujours poursuivi par les autorités…
Le papa de Artús se désespère : « On ne peut même pas appeler notre enfant par un prénom historique du territoire dans lequel on habite ! On le vit comme une discrimination culturelle… Artus sans accent correspond à une faute d’orthographe en occitan… la devise de la France est vide de sens. Se battre pour qu’une culture soit respectée, que notre langue soit respectée, c’est qu’on n’est ni libres, ni égaux, ni frères. »
Seule une révision constitutionnelle pourra enfin faire respecter le droit à la liberté, l’égalité et la fraternité que réclame tous ces parents et leurs enfants niés dans leur identité.
Stéphane Pagès fustige « la patrie des droits humains, qui, d’un côté, s’érige contre les violations, par d’autres États, du droit international et qui, de l’autre, enfreint ses propres engagements internationaux, singulièrement au titre des dispositions de l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des constatations émanant, sur ce fondement, du Comité des droits de l’homme des Nations unies. En conséquence, nous vous saurions gré de bien vouloir nous préciser quelles mesures les autorités françaises entendent mettre en œuvre in concreto, afin que soit rectifié l’acte d’état civil d’Artús Varenne et qu’il soit mis fin aux atteintes portées à ses droits fondamentaux, ainsi qu’à son identité même. »
À défaut, un recours serait introduit devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. On attend la suite. •