Polynésie

La victoire du mouvement indépendantiste

Moetaï Brotherson en tribune, lors du congrès d’EH Bai, parti nationaliste basque.
Moetai Brotherson est le nouveau Président du « Pays d’Outremer de la Polynésie française ». Député depuis 2017, ayant succédé à Oscar Temaru à la tête du mouvement indépendantiste polynésien Tavini Huiraatira, il a conduit son mouvement à une première victoire éclatante lors des élections législatives de 2022 en remportant les trois sièges de députés de ce territoire. Fort logiquement Moetai Brotherson a remporté un an après son succès aux législatives les élections territoriales, emportant 38 sièges sur 57. Il a été élu Président du Territoire, Antony Geros, son colistier, ayant été élu une semaine auparavant Président de l’Assemblée.

 

 

Au premier tour : 34,9 %, au second : 44,3 %, Tavini Huiraatira a largement devancé Tapura Huiraatira, la liste du Président sortant Edouard Fritch, proche d’Emmanuel Macron, resté 6 points derrière au second tour après avoir été largement devancé au premier.

L’élection polynésienne des 16 et 30 avril 2023 marquera une rupture historique pour cet archipel. La domination politique du camp français, marqué par les scandales de la dynastie de Gaston Flosse, a pris fin, minée par les divisions et les règlements de comptes, alors que le parti indépendantiste, longtemps incarné par Oscar Temaru qui était encore tête de liste, mais de façon symbolique, a fini par l’emporter après des décennies de combat patient et déterminé.

 

La campagne de Tavini Huiraatira a été centrée sur la crise sociale et politique traversée par l’archipel, et elle a tiré parti des dissensions entre ses opposants. La prime majoritaire leur est ainsi revenue qui leur assure, pour cinq ans, une large majorité absolue d’élus avec 44 % des voix.

Leader de son courant politique, Moetai Brotherson a prononcé un discours d’investiture modéré, appelant ses concitoyens « à ne pas craindre l’indépendance qui ne sera jamais imposée aux Polynésiens » et il a fixé la perspective d’un référendum d’autodétermination « dans dix à quinze ans », c’est-à-dire bien après l’achèvement de la mandature qui commence. Il propose « une transition douce » pour le territoire et une phase de négociation à ouvrir.

Réputé plus radicale, la tendance regroupée autour du nouveau Président de l’Assemblée territoriale, Antony Geros, aborde de façon plus volontariste la revendication d’autodétermination.

 

La Polynésie figure toujours sur la liste de l’ONU des « territoires à décoloniser » encore sous souveraineté française, comme la Nouvelle Calédonie et Mayotte. Le représentant du FLNKS kanak, Roch Wamytan, désormais Président du Congrès calédonien après avoir remporté les dernières élections, était présent à la cérémonie d’investiture de Moetai Brotherson. Leur agenda est désormais commun pour un nouvel avenir dans l’océan Pacifique qui passera par une négociation avec l’État français à laquelle les instances internationales seront convoquées par les interlocuteurs kanak et polynésiens.  En joignant les deux dossiers, les nouveaux dirigeants feront front commun.

Quelle que soit le rythme et le climat de ces négociations sur l’avenir de ces deux territoires, une page a été indubitablement tournée. Les peuples kanak et polynésien n’accepteront jamais d’être niés comme peuples comme c’est le cas dans le cadre de la Constitution française. •

F.A