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L’idéal démocratique

par François Joseph Negroni

 

J’aimerais revenir cette semaine sur la notion de démocratie, qui, ces derniers temps, est mise à mal, tourmentée, et retournée dans tous les sens. L’objectif est de réfléchir à cette notion et à son application la plus proche de l’idéal dans une Corse autonome.

Tout d’abord, en observant l’évolution du monde et le fonctionnement actuel des démocraties occidentales, notamment en France et aux États-Unis, que pouvons-nous en retenir ? Par exemple, un milliardaire qui rachète un réseau social utilisé par des dizaines de millions de personnes et modifie l’algorithme de diffusion de l’information pour mettre en avant ses propres publications, souvent empreintes de fake news : est-ce que cela contribue à l’idéal démocratique ? Bien que les Américains votent librement et selon leur conscience, peut-on réellement parler d’un processus sain dans un tel contexte ?

Autre exemple : un président de la République élu avec seulement 20 % des voix au premier tour a-t-il une légitimité démocratique suffisante pour appliquer son programme, et seulement son programme ? À l’inverse, peut-on demander à une personne élue sur un programme de n’en appliquer qu’une partie ou d’établir des compromis, lorsque la logique budgétaire, sociale ou sociétale de ce programme repose sur une cohérence globale ? Tant de questions restent sans réponse, ce qui montre bien que l’idéal démocratique est une utopie absolue. L’objectif final est donc de doter l’État d’institutions capables de s’en approcher. Faut-il changer de paradigme ? Très certainement. Mais pour quel type de démocratie ?

Certains évoquent la démocratie participative, arguant que le peuple, souverain, doit être au cœur des décisions. Cependant, peut-on réellement consulter le peuple sur des sujets dont la subtilité, la complexité d’analyse et le temps de compréhension nécessitent un investissement citoyen extrême ? Sinon, nous risquons d’obtenir une « démocratie du ressenti », guidée par des émotions et des réactions superficielles, où le vote pourrait être influencé par un débat animé par Pascal Praud ou une conviction dictée par Cyril Hanouna.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’information qui nous submerge au quotidien est sélectionnée par des algorithmes. Ces algorithmes déterminent ce que nous lisons chaque jour et façonnent ainsi notre vision du monde. Autrement dit, la fonction de rédacteur en chef de notre savoir est déléguée à un code conçu pour générer du buzz et maximiser le temps d’écran.

Collectivement, nous devons rester vigilants et préserver notre esprit critique. En faisant cela, la Corse pourrait véritablement s’approcher de son idéal démocratique. •