Peio Dufau est le premier militant de la gauche abertzale a être élu à l’Assemblée nationale depuis la création de Régions & Peuples Solidaires à laquelle adhère son parti, EH Bai (Territoire basque oui). Ce nationaliste basque et cheminot de quarante-cinq ans a été élu député de la sixième circonscription des Pyrénées-Atlantiques lors des élections législatives de 2024 sous la bannière du Nouveau front populaire avec 36,28 % des suffrages exprimés suite à un accord intervenu sur le territoire d’Iparralde avec EH Bai, et le soutien de R&PS.
Vous avez été candidat avec le Nouveau front populaire. En quoi le NFP rejoint les orientations d’EH Bai ?
EH Bai est un parti de abertzale de gauche, écologiste et féministe. Ainsi, les mesures sociales proposées en termes de revalorisation des salaires, de rééquilibrage fiscal ou concernant les retraites sont pleinement dans le programme d’EH Bai. Mais il faut souligner qu’au-delà du nouveau front populaire, ici la discussion a porté pour les revendications propres au territoire. En effet, il a été validé que les candidats Front populaire du Pays Basque travaillent ensemble sur la protection de l’Euskara (langue Basque), l’avenir institutionnel du territoire et un ensemble de points qui nous semblent être importants pour nos habitants.
Vous étiez dans une triangulaire avec un député RN « parachuté ». Des régions comme le Pays Basque et la Corse ont vu des députés RN particulièrement non ancrés dans le territoire faire de très bons scores, avec une importante progression par rapport à 2022. Comment l’expliquer ?
Je maîtrise moins bien la situation et le vote Extrême droite en Corse, mais ici au Pays Basque, le vote RN est resté longtemps anecdotique. Ces dernières années, le résultat du parti d’extrême droite sont peu à peu montés mais il y a 2 ans sur notre circonscription, il représentait moins de 10 %. L’origine du phénomène n’est pas à chercher ici je pense, mais en 2 ans leur vote a bondi de 9 à 25 % sans aucun fait marquant sur le territoire. Il s’agit davantage d’un vote qui fait écho à l’actualité telle que relayée par les médias hexagonaux, un rejet des politiques considérés comme trop éloignés des enjeux de la population et complètement centrés sur une réalité Parisienne… Un travail de terrain pour le territoire mené par des élus profondément ancrés dans ce territoire doit permettre de lutter contre ce phénomène, c’est ce que j’espère en tout cas, et je ferai tout pour.
À Ciboure vous êtes adjoint à l’urbanisme, à l’Assemblée nationale vous siégez à la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Est-ce que les problématiques liées au logement feront partie de vos priorités ?
En effet, le logement est un souci majeur pour notre territoire, et l’ensemble des acteurs politiques institutionnels s’accordent sur l’urgence de la situation, au Pays Basque et bien au-delà. En quelques années, la conjonction des phénomènes Airbnb et effet confinement ont fini de retirer toute opportunité d’accès à un logement pour les locaux. Une politique volontariste et innovante est indispensable. Iñaki Echaniz élu du PS avec moi pour le Pays Basque a entamé ce travail, nous mènerons cette bataille ensemble, chacun dans sa commission, lui en commission Économie et moi en commission Développement durable et Aménagement du territoire.
Quelles sont les autres problématiques que vous voudriez défendre ?
Je veux au-delà du logement et de la défense du territoire et de ses habitants, trouver des solutions pour la préservation des terres agricoles et des agriculteurs. Au Pays Basque, la spéculation ne s’arrête pas aux habitations, elle s’étend à présent aux terres agricoles. Nous avons le devoir de trouver les outils pour freiner cette spéculation. C’est aussi une priorité, j’ai déjà commencé à travailler sur ce sujet également. De plus, les questions de transport, et en particulier le ferroviaire, me tiennent à cœur. Ancien cheminot, je connais bien ces enjeux, que ce soit pour le transport de voyageurs ou de marchandises. Au Pays Basque, nous sommes confrontés au projet de la LGV, que nous refusons, car dans le contexte actuel de crise budgétaire, un projet aussi coûteux semble absurde. Il serait plus pertinent de réinvestir dans les lignes locales, profitant directement aux habitants des territoires. Je serai également attentif à la question des langues, pour tenter d’obtenir des avancées à ce niveau.
Vous siégez avec les socialistes et apparentés. Comment comptez-vous travailler avec les députés du groupe LIOT ?
Je siège en effet dans le groupe PS et apparentés, car les deux autres députés du Pays Basque élus et issus du NFP sont socialistes et comme notre volonté est de travailler ensemble, cela semblait logique dans un premier temps. Je garde malgré tout ma liberté de vote. Par contre, nous avons l’habitude de travailler sur les consensus chez nous, et le travail à l’Assemblée nationale est à construire de manière transpartisane. Le groupe LIOT porte des valeurs de décentralisation et de défense du territoire que je porte évidemment, et en ce sens notre travail en commun sera essentiel. Mais il faudra pour avancer travailler même au-delà des clivages comme le montre le découpage de l’Assemblée. Je crois qu’il y aura obligatoirement une nouvelle manière de faire de la politique, au lieu d’exacerber les désaccords, il va falloir s’appuyer sur les points qui nous rassemblent pour avancer ensemble et pour améliorer la vie de la population. •