Le 20 octobre 2011, participant à l’émission « Palisà » de notre confrère de la radio Alta Frequenza, Edmond Simeoni répondait à une question sur « les démons qui agitent la Corse » et la condamnent au mal-développement et à « la médiocrité ». L’occasion encore de rappeler des fondamentaux pour accéder à son rêve, qui était aussi sa conviction profonde de notre avenir : une « inéluctable liberté ». C’est parce que, tout en analysant les causes du mal qui ronge notre île, il balisait le chemin de la seule voie possible pour parvenir à cette liberté : la démocratie.
«Les démons qui agitent la Corse se sont surtout des démons – si on peut employer le mot de démons –, qui sont inhérents au sous et au mal-développement, à l’enfermement insulaire, aux sociétés qui n’ont pas été suffisamment ouvertes et aux sociétés aussi qui ont vu partir ailleurs trop nombreux de leurs enfants avec des talents. Les démons ils sont eux aussi nés de la sociologie et de la politique. C’est-à-dire que quand dans une société – même avant les Français, avec les Génois – la progression de la société ne se fait pas sur la base du mérite, – je sais bien que partout où il y a des hommes il y a des passe-droits, mais ici c’est institutionnalisé – quand une société se construit sur les passe-droits, sur le népotisme, sur les préférences familiales, sur la fraude électorale, progressivement vous avez un nivellement par le bas, cela fait qu’un jour, même quand vous accédez aux responsabilités, vous avez beaucoup de gens qui ont été écartés des postes de responsabilités ou qui sont partis. Ça génère beaucoup de médiocrité. Vous avez ensuite le problème de la violence. Quand on commence à me dire « vous comprenez, la violence c’est celle du FLN », je conseille vivement à tous les auditeurs d’Alta Frequenza de lire le dernier ouvrage d’Antoine Marie Graziani sur les violences villageoises et aussi d’autres ouvrages, pour comprendre que malheureusement la violence est une endémie en Corse depuis que la Corse existe. Voilà, ce sont un certain nombre de fléaux qui après génèrent une absence de projets, et puis dans tous les secteurs, un absentéisme, une absence de civisme. Mais comment voulez-vous donner aux jeunes gens, aux garçons et aux filles, quand il n’y a pas suffisamment d’espérance sur les emplois, sur la promotion, sur un projet de société, sur un avenir qui soit autre que celui d’un tourisme qui demain ne sera absolument pas maîtrisé, de l’argent facile, et demain aussi de tout ce qui se greffe là-dessus, on le sait ce que génère l’argent facile ! Comment voulez-vous réconcilier la jeunesse avec la démocratie et avec la responsabilité ? Moi ça me semble très difficile.
(…) Il y a aussi beaucoup d’autres causes, quand par exemple dans le Niolu vous avez 30 ou 40 types pour des histoires de troupeaux ou autres qui se liquident dans des familles, divisées à jamais, c’est tout simplement l’extrême proximité, le voisinage, les parentés, les rancœurs, etc. Mais il est certain à mon avis que dans les révoltes contemporaines, comme d’ailleurs au-delà de la Corse, toutes les révoltes qui sont des révoltes politiques – et vous le voyez avec le printemps arabe – ne trouvent leur fondement que dans des régimes qui ne sont pas conformes à leurs intérêts collectifs et qui utilisent toutes les armes sauf la démocratie. » •