« Le déploiement de la 5G soulève des enjeux essentiels en Corse : choix de société, modèle économique, impacts sur la santé et sur l’environnement… Le 31 juillet 2020 l’Assemblée de Corse votait un moratoire sur ce sujet afin que les élus et les Corses dans leur ensemble puissent se forger un avis éclairé et s’orienter vers un développement responsable et réfléchi de cette technologie sur l’île » : sur un site dédié (consultazione5g.corsica) la Collectivité de Corse interroge les Corses sur le déploiement de la 5G dans l’île et lance une concertation citoyenne. Chacun peut (doit) y participer.
Ouverte depuis le 1er février 2022, cette consultation « vise à informer l’ensemble des participants et à alimenter le débat démocratique sur la question de la 5G et, au-delà, elle questionne l’avenir numérique de l’île » explique ce site de la Collectivité. « Elle a également pour but de solliciter les contributions des parties prenantes, citoyens, élus, opérateurs, associations ou acteurs économiques sur un sujet clé, celui d’une technologie de communication qui interroge autant l’économie que la société, la santé ou l’environnement ».
La consultation prendra fin au mois de mars, ses résultats, une fois analysés nourriront la réflexion de la Collectivité de Corse « pour élaborer la feuille de route de la 5G en Corse ».
Qu’est-ce que la 5G ? 5G pour « cinquième génération » de téléphonie mobile. La 5G a pour but de répondre à l’accroissement des besoins des usages numériques. Elle sous-tend des enjeux financiers colossaux. L’État français plaide pour la démocratisation de l’accès aux nouvelles technologies comme les réalités virtuelles ou augmentées, l’amélioration des communications électroniques (augmentation du débit, de la rapidité, de la disponibilité). La 5G vise à un saut de performance du débit (multiplié par 10), du délai de transmission (divisé par 10), et de la numérisation de la société (voitures autonomes, télémédecine, réseaux intelligents, etc.)
Quatre opérateurs se disputent ces enjeux en France : Bouygues Télécom, Free, Orange, SFR.
Quid du réchauffement climatique ? À l’heure de la lutte contre les dérèglements climatiques et de l’appel à maîtriser notre consommation énergétique, la 5G va tripler la consommation d’énergie des opérateurs mobiles, ce qui entraîne une augmentation d’au moins 2 % de la consommation électrique en France. Ce triplement de la consommation entraînera entre +2,7 M et +6,7 M tonnes d’émissions de CO2 d’ici 2030 dans le pays, faisant fi des engagements pris pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Pourquoi est-ce un danger pour la santé ? La téléphonie mobile est nocive pour la santé. Le passage de la 4G à la 5G aura inévitablement un effet encore plus nocif. Jusqu’à quel point ? Il n’y a malheureusement pas eu d’études d’impacts approfondies ni sur la santé, ni sur l’environnement.
C’est pourquoi, la Convention citoyenne pour le Climat a demandé un moratoire. C’est pourquoi aussi 170 scientifiques internationaux ont demandé ce moratoire, de même que 70 responsables politiques en France. Mais le déploiement avance à marche forcée dans tous les pays.
Pour l’Organisation Mondiale de la Santé et le monde scientifique, le risque cancérigène est avéré face à l’exposition aux ondes électromagnétiques. D’autres effets sont également listés : anxiété, céphalées, dépression, tendances suicidaires, fatigue, lésions diverses, effets sur la libido et la fertilité… La 5G fait appel aux ondes millimétriques de basses et de hautes fréquences. Quel sera son impact supplémentaire ? Notamment concernant les hautes fréquences non encore utilisées à ce jour ? Cet effet sur la santé des êtres humains et des animaux doit être étudiés avant tout déploiement de grande ampleur. Il est déjà établi pour les personnes « électro-sensibles ». L’ANSES déclare dans un rapport : « les plaintes (douleurs, souffrance) formulées par les personnes se déclarant EHS correspondent à une réalité vécue ». L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire reconnait aussi le manque de recul quant aux effets à long terme et signale : « un manque important, voire une absence, de données relatives aux effets biologiques et sanitaires » des réseaux sans fil de cinquième génération. Le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD), le Conseil général de l’économie (CGE), l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), l’Inspection générale des Finances (IGF), ont rendu un rapport le 1er septembre 2020 où, ils appellent à « une vigilance particulière ». S’il n’y a pas d’effets à court terme selon ce rapport, « des débats persistent toutefois, notamment pour ces effets de long terme, au sein de la communauté scientifique. »
Un déploiement à l’aveugle est-il bien raisonnable à ce stade ?
Inquiétudes sur la sécurité numérique. Plus de débit, plus de rapidité, c’est aussi plus de facilité à exfiltrer des données. La 5G inquiète également d’un point de vue de la cybersécurité et de l’espionnage numérique.
Ce n’est pas pour rien que des pays comme les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie ou le Japon ont retardé le déploiement de la 5G… En ligne de mire l’espionnage chinois, notamment de l’entreprise Huawei, dont le matériel est banni aux États Unis. En Hollande, les services secrets se sont dits défavorables à l’ouverture du marché hollandais à la multinationale Huawei après avoir découvert avoir été espionnée sur son réseau interne. L’Europe réfléchit comment mieux contrôler les matériels 5G pouvant porter atteinte à la sécurité nationale des pays.
Autre problème, si le déploiement de la 5G a commencé aux États-Unis, la FAA, autorité américaine de l’aviation et les grandes compagnies craignent « un chaos aérien » avec les interférences et perturbations que cela peut créer, et ont obtenu un évitement des principaux aéroports du pays. Le 18 janvier dernier, les compagnies adressaient une nouvelle mise en garde sur ces interférences qui affecteraient les radioaltimètres et donc la sécurité des vols.
Dans son rapport, 30 janvier 2020, l’Assemblée de Corse déclarait : « Cette hâte à implanter une technologie dont on ne mesure pas les conséquences sanitaires, parait souvent motivée par des considérations financières, économiques et politiques, ou les luttes d’influence. Le processus de déploiement de la “5G” est donc largement entamé malgré les alarmes d’un nombre toujours croissant de scientifiques. Même l’Anses, dans le résumé conclusif de son rapport (page 49), reconnait l’absence de données dans la bande autour de 3,5 GHz. En octobre 2019, l’agence n’était pas en mesure de répondre aux questions qui se posent sur les effets sanitaires de l’exposition des populations à la “5G”, faute de données fiables ».
C’est pourquoi l’Assemblée de Corse a demandé un moratoire « en attendant de disposer d’études d’impact environnementales et sanitaires, impartiales, objectives et indépendantes des intérêts industriels ».
C’est pourquoi aussi, la Collectivité de Corse lance cette grande consultation. N’hésitez pas, participez ! •
Fabiana Giovannini.