Urbanìsimu

Le scandale de Murtoli enfin sanctionné !

Comment croire en la démocratie tant que des scandales comme celui de Murtoli perdurent ? Depuis des années U Levante le dénonce. Justifiant du confort de people et de clientèles aisées, ce domaine s’est bâti au mépris des lois d’urbanisme et de l’équité sociale. Au plein cœur d’une zone inconstructible, vouée à l’agriculture, tel que signalé sur le plan d’occupation des sols (POS) puis du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune, se sont progressivement érigés plusieurs de ses bâtiments, sans permis de construire, et sans sanction jusqu’ici. Sous couvert d’une exploitation agricole, le Domaine se compose de trois restaurants, dont un gastronomique, une vingtaine de « bergeries » ou « demeures du XVIIe siècle » grand standing, véritable ensemble hôtelier avec son golf, son club-house, ses piscines, sa plage… L’association de défense de l’environnement U Levante, était parmi les rares à dénoncer le scandale de cet « État dans l’État »… qui s’est construit hors règle.

Le Tribunal administratif vient enfin de rendre une justice : « un complexe hôtelier ne peut pas s’appeler bâtiment agricole et un bâtiment agricole n’a pas le droit d’avoir sa piscine » commente U Levante.

 

Pour mémoire, U Levante dénonçait en 2018 : « en bordure du golf de Murtoli, un ensemble de bâtis de 1315 m2 constitue le bar-restaurant appelé « La Table de la Ferme », le plus récent des trois restaurants du Domaine. Abondamment illustrés sur le site internet du Domaine, ces bâtis sont érigés sur les parcelles cadastrales M365, M373 et M375 de la commune de Sartè (…). Les images montrent un restaurant de luxe, des structures annexes, des pistes et des parkings. Aucune autorisation, aucun permis n’ont été trouvés sur les registre de la mairie pour ce bar/restaurant/club-house et ses annexes. Et pour cause : le lieu (en zonage agricole du POS et du PLU) est inconstructible en application du code de l’urbanisme. Aucun permis de construire pour un bar/restaurant/club-house à Murtoli n’a jamais été déposé. Bâtis tellement réels, faisant l’objet d’une énorme publicité… et totalement impunis ! U Levante a alerté et porté plainte et depuis attend. »

Ceci dit, le culot peut aller loin, malgré les multiples atteintes au code de l’urbanisme, à la loi Littoral, au Padduc, le Domaine de Murtoli a trouvé le moyen de porter plainte en diffamation contre U Levante ! Pour l’heure ces plaintes ne sont pas jugées.

 

Le Tribunal administratif donne raison à U Levante. « L’autorisation préalable tacite (illégale et annulée par le TA) a été délivrée par le maire le 6 juin 2020 alors que le restaurant « La Table de la Ferme » était déjà fonctionnel en janvier 2018… Les plaintes en pénal déposées tiendront compte de l’illégalité de toutes ces constructions (et des autres !) et leur démolition est demandée » rappelle l’association.

L’affaire a donné du courage aux services de l’État, puisque celui-ci déposait trois requêtes en annulation pour des autorisations tacites délivrées par le maire de Sartè. Ce sont ces autorisations tacites que le Tribunal administratif vient de déclarer illégales du fait :

– d’un changement de destination d’un « bâtiment agricole » en hébergement hôtelier et touristique (cinq étoiles) et en restaurant.

– d’une piscine de 90 m2, d’un local technique de 9 m2 avec comptoir couvert et terrasse de 200 m2.

– de la construction enfin d’un bassin de 12,5 m2, d’une terrasse en bois de 22,4 m2 et d’une pergola.

U Levante rappelle que l’État avait contesté un permis de construire autorisant une partie du complexe hôtelier en 2016 mais que le projet s’est poursuivi « grâce au désistement de dernière minute, curieux et sans motivation aucune, de la sous-préfète Mme Caron »…

Depuis, des extensions ont été réalisées également sans autorisation de permis de construire.

À noter quand même que l’État joue désormais le jeu dans ce dossier et depuis quelques temps renforce de manière générale le contrôle de légalité dans plusieurs autres infractions constatées ailleurs en Corse. C’est une bonne nouvelle !

 

Le Tribunal estime que la commune de Sartè aurait dû faire opposition au changement de destination des bâtiments du Domaine de Murtoli, et annule donc l’autorisation tacite obtenue faute de réaction de la commune.

Chacun doit s’en féliciter car la justice démontre par cette décision que tous les citoyens sont égaux devant la loi. Ce n’est pas faire offense au tourisme, à l’économie ou même au droit de propriété, qui peuvent se développer ou s’exercer dans le respect des règles par tous. Par contre, tricher avec ces règles est une atteinte au droit de l’environnement bien sûr, mais aussi et surtout au droit de chacun à l’équité de traitement devant la justice, alors que la Corse a subi bien trop souvent la totale impunité dans nombre d’abus au mépris des règles d’urbanisme. Perdurer dans ces pratiques de manière générale, c’est mettre en danger toute la société corse. C’est donner droit aux pressions de toutes sortes, au pouvoir de l’argent, à la complicité d’élus face à ces appétits privés, à la fraude fiscale et aux injustices de toutes sortes qui en résultent. Bref, à tout ce qu’on peut nommer la dérive mafieuse d’une société.

Concernant l’expansion du Domaine de Murtoli, on se demande maintenant quelle sera la suite appliquée face à ces constructions reconnues illégales ?

Bien sûr, selon la formule consacrée, le Tribunal rappelle : « la République mande et ordonne au préfet de la Corse-du-Sud en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision ».

Vidaremu ciò chì s’hà da passà… •

Fabiana Giovannini.