La mairie de Bastia est sous la bannière nationaliste depuis 2014. En 2016, Pierre Savelli reprend le flambeau de la municipalité après la prise de fonction de Gilles Simeoni au poste de président de l’Exécutif de la Collectivité de Corse. Depuis maintenant une décennie, le visage de la cité bastiaise a bien évolué, avec des ambitions grandissantes pour les futures années à venir. Pour Arritti, Pierre Savelli revient sur les actions menées et celles à venir.
L’un des futurs gros chantiers, au sens littéral du terme, est le nouveau PLU de Bastia. Pouvez-vous développer l’impact que cela aura sur les Bastiais et leur confort ?
Le dernier PLU de la Ville de Bastia datait de 2009 et bien qu’il ait fait l’objet de quelques réajustements, sa révision nous paraissait plus que nécessaire. Il s’agissait notamment d’y intégrer les nouvelles dispositions législatives qui s’appliquent à l’urbanisme, bien entendu, la loi Climat et Résilience, mais également d’armer notre ville d’un document hautement stratégique, répondant aux enjeux actuels et futurs de Bastia et des Bastiais autour notamment de quatre grands axes : le commerce de proximité et l’attractivité de notre Centre-ville, l’environnement et nos espaces naturels, l’agriculture urbaine et enfin, le logement.
Quelles sont les dispositions concernant la politique du logement pour les ménages les plus modestes ?
Un des principaux objectifs de ce PLU tient bien entendu aux problématiques de logement.
La Corse compte 1/3 de ses logements en résidences secondaires et si Bastia échappait jusqu’à présent à la spéculation immobilière, force est de constater que ce n’est plus le cas aujourd’hui.
La nouvelle attractivité touristique de la ville, la rénovation de son centre ancien, la création de nouveaux équipements attractifs ainsi que la réussite du développement de politiques visant à favoriser un tourisme patrimonial et culturel ont un revers de la médaille : une inflation des prix de l’immobilier, un essor des meublés de tourisme, un accès au logement de plus en plus compliqué.
Avec un PLU qui datait de près de 15 ans et un rythme de constructions nouvelles limité, le logement disponible sur le marché s’est raréfié, participant là encore à une inflation des prix de l’immobilier. Face à ce constat, il nous fallait agir. Nous avons déjà commencé à le faire : en régulant les meublés, ce que ce document s’attache à faire encore plus finement, en développant des programmes urbains ambitieux à Montesoru, dans le Centre ancien ou encore à Corbaghja Suprana, mais également en créant de nouveaux logements sociaux en centre-ville comme à Gaudin, dans le centre ancien ou au Puntettu.
Ce document va nous permettre de poursuivre cette stratégie et de décupler nos actions, de produire des logements accessibles aux jeunes ménages (prix maitrisés et primo-accession), et des logements sociaux dans les quartiers qui en sont encore dépourvus, avec un objectif clair : permettre aux Bastiais de se loger à Bastia.
Ce PLU est un document fort, ambitieux, qui sacralise nos engagements politiques et répond de manière efficace aux besoins des bastiais.
Pour rebondir sur l’actualité concernant les populations les plus modestes, quelle est votre réaction face aux propos du leader de Mossa Palatina sur la « clochardisation » de Bastia ?
Les excès de l’extrême-droite ne m’intéressent guère et ne guident pas l’action de notre équipe. Les problématiques de sécurité, de tranquillité et d’ordre publics sont traitées avec la plus grande attention par notre municipalité, sans happenings, sans démagogie et sans outrance. Au-delà du terme de « clochardisation », dont la vulgarité est évidente, ce que je regrette le plus dans les propos de Mossa Palatina, c’est la mise en cause injustifiée et incompréhensible d’associations et de bénévoles qui luttent avec acharnement contre la grande précarité en Corse, depuis plusieurs décennies. Penser que cette grande précarité ne touche que des étrangers en situation irrégulière qu’il faudrait « renvoyer chez eux », c’est ignorer déplorablement la réalité de notre territoire et de notre ville.
Pouvez-vous nous parler des ambitions que vous avez concernant le réaménagement du port de Bastia ?
La question du port est aujourd’hui incontournable. Le constat est clair, le bassin actuel n’est plus adapté à l’activité portuaire, à la taille des navires. L’obsolescence de ces infrastructures nous interroge par ailleurs sur les problématiques de sécurité qu’elles peuvent engendrer pour l’ensemble des personnels.
Il est donc important et impératif que nous nous déterminions sur ce sujet à la lumière notamment des différentes études qui ont pu être menées.
Cette décision devra néanmoins répondre à ces questions qui me semblent essentielles : quelle Corse voulons-nous construire ? Quels modèles touristiques et économiques souhaitons-nous ? Un port pour qui ? Pourquoi ?
Nous gagnerions à mon sens à développer et à valoriser les filières économiques de productions. Produire plutôt qu’importer me semble aujourd’hui faire sens au regard des différents enjeux qu’ils soient d’ordre économiques, sociaux ou environnementaux.
Quels sont les futurs gros chantiers de la municipalité ?
Bastia est une ville qui se mue, qui se transforme et qui fait face aux enjeux de son époque, c’est pourquoi nous comptons de nombreux projets à venir ou en cours de réalisation.
Tout d’abord, la rénovation du théâtre et du conservatoire de musique et de danse, dont les travaux ont d’ailleurs déjà commencé, permettra enfin et après une longue attente, de bénéficier d’infrastructures adaptées, à la hauteur des ambitions que nous nous sommes fixés. Il s’agit par ce projet d’offrir à Bastia des perspectives nouvelles, d’en faire une ville attractive, ouverte sur le monde, forte de son identité et de celle de ses habitants : un projet important et nécessaire au service des bastiais, des corses, de la culture et du spectacle vivant.
Notre ville gagne par ailleurs en attractivité et il nous faut répondre à de nouveaux enjeux, c’est pourquoi nous procédons à la création de deux nouveaux parkings à la Capochja et à la Gare nous permettant d’élargir de 550 places, l’offre de stationnement du Centre-Ville.
Des projets urbains importants et structurants à Lupinu d’abord, avec la rénovation complète, dans le cadre du NPNRU, de la cité des Lacs, des Monts et des Arbres. Situé dans un des quartiers prioritaires de la ville, ce projet vise à reconnecter ces quartiers au reste de la ville, à améliorer la qualité de vie des habitants, à redynamiser et à valoriser ces espaces en y favorisant notamment les interactions sociales, les activités commerciales et économiques.
À Montesoru ensuite, avec le projet de l’Ilot de Montesoru situé à la place de l’ancien collège. Il prévoit la création de 250 logements, de commerces et d’équipements publics et répond donc également à de véritables enjeux sociaux-économiques et culturels.
Pour finir en centre-ville, avec la requalification et le réaménagement du quartier Fangu-Gare, qui fait aujourd’hui l’objet d’un travail conjoint entre la Ville de Bastia, la Communauté d’agglomération et la Collectivité de Corse, projet globale qui intègre évidemment l’Ilot de la poste, pour lequel nous sommes pleinement investis, et sur lequel nous pouvons désormais avancer.
La politique menée par notre majorité municipale répond malgré les contraintes financières dont elle peut souffrir, avec efficacité aux enjeux urbains, sociaux, environnementaux, économiques et culturels qui sont les siens. Bastia avance et ça se voit.
Quelle place pour la langue corse et sa valorisation à Bastia ?
Depuis 2014, nous menons à la Ville de Bastia une politique publique linguistique importante, certainement la plus ambitieuse aujourd’hui sur notre territoire. Nous avons souhaité inscrire notre culture au cœur de notre projet de société, au cœur de notre projet politique.
Notre municipalité a posé les bases solides d’un projet audacieux aux objectifs pluriels.
En tout premier lieu, diffuser la langue corse dans l’espace public. Nous avons créé et structuré un service spécifique « Langue et Culture Corse » au sein de notre collectivité nous permettant d’organiser le travail et de gagner en pertinence dans le but de mener rapidement et efficacement les politiques que nous souhaitions mettre en œuvre, puisque nous partions, je le rappelle, de zéro. Nous avons porté une attention particulière à la transmission et à l’enseignement de notre langue afin notamment de voir se multiplier le nombre de locuteurs. Il nous a paru essentiel de généraliser le bilinguisme dans les écoles, de garantir une communication institutionnelle bilingue (documents administratifs, signalétiques, lexiques, études toponymiques…), de former nos agents, de créer des évènements culturels de promotion et de valorisation de la langue. Le programme étant particulièrement riche, cette liste est évidemment non exhaustive.
Nous considérions qu’il était également important d’envisager notre langue comme vecteur de développement culturel, social et économique.
C’est pourquoi et parallèlement, afin de renforcer notre action en termes de politique publique, nous avons travaillé à la création de projets structurants et novateurs, portés par mon adjoint à la langue corse et à la jeunesse, Lisandru de Zerbi, dont je tiens à souligner le travail et l’investissement.
Quels sont-ils ?
La Casa di e Lingue à Sant’Anghjuli, tiers lieu intergénérationnel et multi-publics, locomotive institutionnelle dédiée aux langues, abrite aujourd’hui des acteurs comme Praticalingua et le réseau Canopé qui œuvrent en faveur de la langue et propose une nouvelle offre culturelle et linguistique en centre-ville. Elle accueille entre autres et en son sein le projet de Scola Internaziunale di e Lingue, qui valorise la langue corse comme outil d’apprentissage et d’ouverture sur le monde des langues internationales.
Notre municipalité a également soutenu activement la création de Scola Corsa Bastia et continue d’aider à son développement.
Le projet en cours d’Osteria Spartuta, inspiré des alberghi diffusi italiens, vise quant à lui à valoriser la langue comme un outil d’attractivité touristique et de développer à Bastia un tourisme patrimonial, culturel et linguistique.
La sortie prochaine de l’application de traduction « Dì », composée de fonctionnalités innovantes telles qu’un conjugueur et un dictionnaire analogique, viendra également renforcer et compléter notre action.
Comment la ville de Bastia épouse-t-elle les projets de la CdC ? Est-ce que vous constatez des difficultés d’adaptation entre les projets sur le papier et leur mise en place ? (ex : projets pour valoriser la jeunesse, la culture…)
Bastia s’inscrit dans la quasi-totalité des projets portés par la CdC et qui intéressent sa population. Nos relations avec la CdC, en raison de la proximité politique et humaine qui lie notre majorité municipale à la majorité territoriale, sont optimales. La CdC est partenaire, financier et opérationnel de plus de 90 % des projets bastiais et de la totalité de nos projets structurants.
Si vous deviez ne retenir qu’une seule réalisation depuis 2020, laquelle retenez-vous ?
Il est difficile pour moi de ne retenir qu’un seul projet. Nos projets se nourrissent, se complètent et font partie intégrante du programme de politique global que nous ambitionnons et réalisons à Bastia.
L’Aldilonda semble néanmoins représentatif du travail mené par notre municipalité en faveur d’un Bastia au patrimoine rénové, aux quartiers reconnectés, aux mobilités repensées. Il s’agit là d’une réussite totale à laquelle les Bastiais semblent déjà très attachés. •