Victimes des divagations animales

Cambià Avà se constituera systématiquement partie civile

L’associu Cambià Avà donnait ce samedi 22 janvier une conférence de presse devant, à la fois, la Préfecture de Haute-Corse et la Collectivité de Corse à Bastia. L’association s’est créée il y a huit mois pour dénoncer les trop nombreuses victimes de la divagation animale et le lascià corre de toutes les autorités face à ce fléau. Désormais, elle se constituera systématiquement partie civile pour soutenir les victimes.

 

 

« Aujourd’hui la divagation d’animaux d’élevage dans l’île est devenue insoutenable et elle représente un danger permanent pour tous les citoyens. Une simple balade, un déplacement à pied ou en véhicule peut finir en drame » a déploré Maryline Taddei, présidente de Cambià Avà, elle-même gravement blessée lors d’une rencontre avec des bovins, tout près de chez elle à Bastia, dans le quartier de l’hôpital. Elle marche toujours aidée de béquilles, plus d’un an après, et n’en a pas fini avec les opérations chirurgicales ! Elle a perdu son travail et n’a désormais plus qu’une obsession, faire reconnaître ce fléau comme une priorité politique.

L’association dénonce « le nombre exponentiel des victimes et le nombre exponentiel des animaux en divagation. Le phénomène est d’ampleur, il ne représente plus un épiphénomène, la liste des victimes ne fait qu’augmenter chaque jour. » Il y a encore quelques jours, informe Cambià Avà, « un jeune homme de 18 ans a été attaqué par des porcs sur la route de Silvareccio et a été gravement blessé au bras, il a les os broyés. »

 

À la tribune de cette conférence de presse, pas moins de trois victimes présentes, toutes attaquées dans la région de Teghjime, Maryline, Ludovic et Marie-Paule (deux fois à quelques mois d’intervalles), racontent leurs mésaventures. « Trois victimes dans un rayon de 10 kms » révèle Maryline, qui entend statistiquement démontrer ainsi la fréquence effroyable de ces accidents. Un fléau qui « divise les Corses » dit encore Cambià Avà. En dénonçant cette problématique, elle déplore certaines pratiques agricoles, sans faire d’amalgame avec « les bons éleveurs qui ne sont pas en cause ». Mais chacun sait bien que des animaux errants sont aussi source de revenu facile pour des pseudo-éleveurs, et « tout le monde ferme les yeux » déplorent les membres de l’association excédés. « Un mouchoir blanc est posé sur ce sujet tabou. Mais en laissant pourrir la situation on favorise l’augmentation des clivages dans la société corse. On ferme les yeux sur les victimes et leurs souffrances. Les implications qu’entrainerait le règlement de ce dossier font peur à certains. »

Abandonnés par d’anciens éleveurs disparus, on estime aujourd’hui à 20.000 bêtes devenues sauvages les bovins lâchés dans le maquis. Ces bêtes se sont reproduites, continuent de se reproduire, et se rapprochent des villes pour trouver de la nourriture. L’association ne se satisfait pas des battues improvisées et brutales qui « ne sont pas la bonne solution ». Elle dénonce d’ailleurs « la maltraitance animale sur ces animaux abandonnés qui sont en souffrance, sans eau et sans nourriture, et se rapprochant toujours plus des lieux urbanisés, s’exposent au danger des véhicules et de l’abattage. »

« Je serais toujours du côté des victimes » a dit de son côté le professeur Josette Dall’Ava Santucci qui explique sa présence aux côtés de Cambià Avà par le mépris qui est opposé aux victimes dont on ne parle jamais. « L’affare hè grave. Je suis révoltée que tout le monde soit paralysé par une minorité de gens qui nous imposent leur loi » dénonce-t-elle.

 

L’association parle du « calvaire que vivent les victimes abandonnées à elles-mêmes » et les difficultés rencontrées aux niveaux médical, administratif, juridique. Elle lance un nouvel appel et invite ces victimes à se rapprocher d’elle. Cambià Avà peut les aider dans leurs démarches et annonce qu’elle se portera systématiquement partie civile. Aussi, elle « exige » d’être conviée « à tout espace de dialogue et de travail, commissions et autres concernant la divagation animale. Sans les victimes la divagation ne serait pas un problème ! Nous proposerons la mise en œuvre de solutions éthiques » dit encore l’association. « Nous sommes prêts aujourd’hui à en préciser les articulations quand le préfet et nos élus se décideront enfin à nous recevoir ! Nous attendons des autorités qu’elles ouvrent véritablement le débat et prennent leurs responsabilités, en ayant le courage politique d’affronter ce problème ! »

Dominique Moneglia, porte-parole de l’association, appelle les autorités « à collaborer », État, Collectivité de Corse, maires, monde agricole doivent trouver ensemble des solutions. Il exhibe avec Maryline Taddei les photos d’accidents de véhicules, ou d’animaux en divagation sur la ville de Bastia, mais malgré les opérations lancées par les maires quels qu’ils soient, le problème ne peut être réglé par de simples battues. Il réclame plus d’implication de la part de tous les acteurs. « Il ne suffit pas de dénoncer le problème depuis 40 ans, il faut avoir le courage politique d’intervenir. »

État et Collectivité de Corse se sont engagés à recevoir l’association. Mais pour l’heure celle-ci regrette qu’aucune prise de contact n’a été faite. •

Fabiana Giovannini.

 

 

L’avis institutionnel

 

Du côté de l’Odarc, son président, Dominique Livrelli, informe qu’une personne à l’office est missionnée sur le sujet et une commission* de travail mise en place sur quatre secteurs pilotes (Balagna, Tàravu, Alta Rocca, Niolu) pour réfléchir à diverses actions (recensement, plan d’action en fonction du type de cheptels, clôturage des exploitations, retrait d’animaux ensauvagés…)

Une aide à la réforme bovine est proposée aux agriculteurs afin d’alléger les troupeaux qui ne sont plus productifs et ne pas risquer l’abandon de nouveaux cheptels.

Le taux d’aide Feader à la réalisation de clôtures est passé de 50 à 60 % pour les agriculteurs installés, et de 60 à 70 % pour les jeunes agriculteurs. Un plan d’investissement pour l’acquisition de machines-outils pour entretenir les milieux a été également mis en place.

Un financement à 80 % pour clôtures et parcs de rassemblement porcins sera opérationnel dès cette année, et une expérimentation est menée pour l’identification sécurisée (bolus) des animaux. Tout ceci avec des fonds européens et les fonds de relance de l’État.

Par contre sur la problématique des animaux ensauvagés qui n’ont plus de propriétaires, l’Odarc informe qu’ils « ne relèvent pas de ses prérogatives » et qu’elle a des « moyens d’actions limités ». « Nous ne pourrons à nous seuls malgré notre bonne volonté et notre implication tout résoudre » a annoncé le président qui appelle l’État « à prendre ses responsabilités tant au niveau de la problématique des animaux ensauvagés que sur la gestion du premier pilier de la PAC, les maires dans les prérogatives qui sont les leurs mais également certains détenteurs d’animaux qui par leurs pratiques dévoyées, jettent l’opprobre sur toute une profession. »

Peut-être faudrait-il susciter des initiatives privées ? L’Odarc ne pourrait-elle pas travailler sur un appel à projet avec les partenaires que sont l’État et l’Europe, pour provoquer ces initiatives par ailleurs créatrices d’emplois dans l’intérieur, avec un cahier des charges précis justement sur la capture des animaux sauvages, leur parcage, leur traitement vétérinaire, leur remise sur le marché ou leur élimination en fonction de leur état de santé ? •

 

* Commission composée des Chambres d’agriculture, des associations des maires et d’élus de chaque groupe du conseil d’administration de l’Odarc. Mais pas de représentants des victimes de la divagation animale.