Gilets jaunes

La contestation gagne du terrain

Internet modifie tout, y compris les modes d’action pour exprimer son mécontentement et la contestation de l’ordre établi. L’action de blocage des routes lancée uniquement par le moyen des réseaux sociaux a mobilisé largement, y compris en Corse.

 

Dans le mouvement des « gilets jaunes », le premier perdant est certainement « l’establishment contestataire », syndicats, partis politiques, associations, dont 300.000 manifestants à travers la France se sont allègrement passés pour organiser des centaines de points de blocage et réussir à faire passer le message d’une « overdose » quant aux atteintes portées à leur pouvoir d’achat.

Cela faisait plusieurs fois que les tentatives pour mobiliser et fédérer les mécontentements avaient échoué, depuis les syndicats contre la réforme du droit du travail jusqu’à Jean Luc Mélanchon et ses appels à faire «déferler » les foules pour récupérer leur colère. La réussite de cette action 2.0 des « gilets jaunes » interroge fondamentalement tous les contre-pouvoirs sur leur rôle et leur efficacité.

Ce mouvement spontané aura-t-il des lendemains aussi mobilisateurs que ce qu’il a réalisé ce 17 novembre 2018?

De toutes façons la contestation gagne du terrain, c’est une évidence. Comment peut-il évoluer en dehors de tout cadre organisationnel établi ? C’est la grande question, et peut-être la principale inquiétude.

Car le populisme ambiant est perceptible dans ces mobilisations qui en égrènent tous poncifs : État-voleur, tous pourris, etc. Ce populisme hexagonal converge avec d’autres populismes en Europe et, mis bout à bout, ces radicalisations revendicatives envahissent la sphère publique, tandis que les gouvernements semblent impuissants à les contenir.

C’est particulièrement le cas pour Emmanuel Macron qui a cumulé les erreurs. Erreur de dosage dans les mesures fiscales tout d’abord qui sont tombées en rafale sur toujours la même catégorie de population, celle «qui fume des clopes et roule en diesel » comme l’a si élégamment résumée le porte-parole du gouvernement. Alors que, dans le même temps, il a octroyé d’importantes réductions aux plus aisés, notamment ceux qui étaient éligibles à l’impôt sur la fortune.

La « fiscalité écologique » mise en avant pour aligner la taxation du diesel et de l’essence est vite apparue comme un simple paravent pour habiller une augmentation des impôts. La « fiscalité sanitaire » pour dissuader les fumeurs donne le même sentiment. Ceux qui sont prisonniers de leurs consommations, fumeurs piégés par leur addiction ou habitant du monde rural roulant en diesel, ont été les premiers à se rendre aux rendez-vous de la contestation.

Le rééquilibrage des prélèvements entre retraités et actifs a déjà ponctionné les retraités, mais il ne satisfait pas pour autant les actifs qui ne voient rien venir, ou si peu, sur leurs fiches de paie. Le mécontentement se généralise dans une spirale croissante qui a pris un tournant avec cette mobilisation des « gilets jaunes ». La réponse des pouvoirs publics est devenue indispensable désormais.

Il y a intérêt à ce qu’elle soit à la mesure des attentes, car il serait dangereux de laisser s’amplifier un malaise social aussi criant.

Les territoires les plus concernés sont les territoires les plus déclassés économiquement et socialement, là où la vie quotidienne se complique année après année, désertification pour les zones rurales, ghettoïsation pour les périphéries urbaines. Accès aux commerces, accès aux soins, accès à l’éducation, accès aux transports publics, accès aux loisirs, accès à internet, coût de la vie, etc. : tout y est plus compliqué et le fossé se creuse inexorablement.

La Corse fait partie, notamment l’intérieur de l’île, de cette cohorte des territoires où il fait cher de vivre au quotidien. Chez nous, pas ou si peu de transports en commun, cherté de la vie en général, précarité et pauvreté répandues se cumulent et génèrent un malaise social grandissant.

La question sociale, et la nécessaire mise en place de solidarités renforcées avec les populations et les territoires les plus en difficulté, sont une urgence désormais.

François Alfonsi.

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