En 2019 des centaines de jeunes s’étaient mobilisés à l’échelle nationale pour alerter sur la précarité étudiante. D’après l’Observatoire national de la vie étudiante, 20% des 18-24 ans vivaient sous le seuil de pauvreté en France. Une précarité qui n’épargne pas et n’épargnait pas à l’époque les étudiants de Corti.
Les étudiants sont, malheureusement, chaque année plus nombreux à avoir besoin d’aide. Marc-Paul Luciani, le directeur général du Crous de Corse, estimait déjà la situation préoccupante : « C’est une situation dont on ne peut que s’inquiéter, liée à la conjoncture économique. Il y a des répercussions sur les scolaires et les universitaires. On voit une recrudescence des demandes d’aides auprès de nos assistantes sociales. Des consignes ont été données pour qu’aucun étudiant ne reste sans manger. »
Mais la crise sanitaire a largement accentué cette précarité, en effet depuis le début de la crise, 280 étudiants ont eu recours à l’aide de l’assistante sociale de la cellule de soutien d’urgence de l’Université de Corse, soit le double d’auparavant. Un constat alarmant qui a mené la Fondation de l’Université à établir des partenariats avec des donateurs insulaires pour pouvoir distribuer de l’aide alimentaires aux jeunes en situation de grande précarité.
Le mardi 2 février, la fondation recevait Vincent Ferreri président du Lions Club, Jérôme Negroni du SportingClub de Bastia, Bernard Ottaviani et Tina Paoli, le directeur et la présidente de la Mutuelle de la Corse, Mario Capai directeur de cabinet d’EDF Corse pour la Fondation EDF) et le Groupe Codim. Grâce à ses cinq donateurs, la Fondation a reçu 50 000 euros transformés en dispositifs financiers ou numériques à destination des étudiants dans le besoin.
Ainsi, durant le premier confinement 150 étudiants ont pu bénéficier de bons d’achats alimentaires à hauteur de 50€ par semaine. Les jeunes positionnés sur Corte, hors des cellules familiales au printemps dernier, avaient des besoins assez prégnants. « Il a fallu vite réagir », explique Jérémie Santini, vice-président en charge de la vie étudiante. Pour aider, le Sporting Club de Bastia a, par exemple, reversé l’argent de la vente des masques floqués aux couleurs du club, à la fondation.
Durant le second confinement, le gouvernement avait prévu des paniers solidaires, soit 40 € par semaine pour les étudiants dans le besoin. Toutefois, les cours en distanciel perdurant, la fondation de l’Université a décidé de lutter contre la précarité numérique. Elle a ainsi sollicité les donateurs pour l’achat d’ordinateurs et de matériel numérique. La Mutuelle de la Corse a par exemple sollicité ses entreprises adhérentes dans le cadre du dispositif « ordi sulidariu ». Au total, une cinquantaine d’appareils ont été distribués aux jeunes.
Nous avons eu l’occasion de rencontrer Nina Pinzuti étudiante en première année d’information et communication à l’université de Corte (lire par aileurs).
L’association qu’évoque la jeune étudiante n’est autre qu’Aiutu Studientinu. Il s’agit d’une association caritative créée par des étudiants qui avaient fait le constat d’un accroissement de la précarité sur les campus cortenais.
L’Aiutu Studientinu a pris de l’importance au fil des années, jusqu’à devenir aujourd’hui un soutien indispensable pour nombre d’étudiants. « À l’heure actuelle, la précarité étudiante s’accentue encore », regrette Saveria Pietri. La jeune femme de 22 ans, étudiante en Master II de Droit, a elle-même pu constater une multiplication des demandes ces dernières années. « Mais le pire, c’est que l’on sait que beaucoup d’étudiants qui sont dans la précarité ne se manifestent pas. En particulier les étudiants corses, alors que l’on sait qu’il y en a beaucoup qui sont dans le besoin. Mais il y a toujours cette barrière de la honte, du tabou, cette peur d’être reconnu », souffle-t-elle tout en soulignant que l’épicerie solidaire est pourtant ouverte à tous les étudiants. « Il est juste nécessaire de nous présenter sa carte étudiante. On ne demande jamais de justificatif de ressources et tout est fourni gratuitement », appuie-t- elle.
Grâce à sa bonne connaissance du monde étudiant cortenais, l’Aiutu Studientinu essaye par ailleurs depuis un an et demi de dynamiser le campus en organisant divers évènements. « Nous essayons surtout d’être présents pour les étudiants précaires qui n’ont pas trop les moyens de se divertir », indique Saveria Pietri. « Au départ, cela est parti d’un constat : nous avions beaucoup de pâtes dans notre local et nous ne savions pas quoi en faire. Nous avons donc organisé un repas entièrement composé de pâtes, gratuit pour tous les étudiants. Et autour de cela, nous avons mis en place une petite animation avec une scène ouverte et un loto », raconte la jeune femme. Cet événement, qui a déjà eu lieu par deux fois, rassemble à chaque fois une centaine d’étudiants dans des locaux prêtés par le Crous, un partenaire précieux de l’Aiutu Studientinu. « Toujours en partenariat avec le Crous, l’année dernière nous avons aussi organisé un repas de Noël pour tous les étudiants, avec un buffet, des chanteurs ou encore un loto, le tout animé par la radio du campus », sourit la présidente.
Aujourd’hui, si l’épidémie de Covid-19 a contraint l’association à mettre certaines de ses activités en suspens, elle reste malgré tout toujours aussi mobilisée. En début d’année scolaire, elle a ainsi distribué des masques réutilisables aux étudiants. « Dernièrement, nous avons organisé une après-midi goûter à la Casa Studientina avec distribution de crêpes gratuite pour tous les étudiants », ajoute Saveria Pietri. Et même pendant le premier confinement, l’association est restée très active. Aidée par le Crous, qui a pris la relève pour l’ouverture de l’épicerie solidaire, elle a tenté de répondre à une demande grandissante. « Au tout début, beaucoup d’étudiants m’ont contacté car ils avaient besoin de faire des courses et qu’ils ne pouvaient pas. Nous avons donc fait des courses en ligne pour une quinzaine d’étudiants et les avons faits livrés chez eux », dévoile enfin la présidente.
L’association Aiutu Studientinu existe depuis avril 2011 et n’a cessé de lutter contre la précarité étudiante en complétant les dispositifs mis en place par l’Université de Corse avec notamment une « épicerie solidaire » où les étudiants dans le besoin peuvent se procurer gratuitement et anonymement des denrées alimentaires et des produits de première nécessité. •
Clara Maria Laredo.
Le témoignage de Nina Pinzutti
En tant qu’étudiante à Corte, vous rendez vous compte de la précarité étudiante ?
Oui. Dans ma classe par exemple, il y a des étudiants salariés qui ont dû quitter l’université cette année à cause de la précarité. Il n’avait pas les moyens pour continuer à étudier et ont dû arrêter en cours d’année.
Que savez-vous des aides accordées aux étudiants en situation de précarité ?
Je sais que, du moins à Corte, le mardi et le jeudi de 17h à 18h, il y a des courses gratuites qui sont effectués par une association étudiante pour les étudiants en précarité.
À quoi on droit les étudiants qui bénéficient des services de l’association ?
Nous avons le droit à 10 articles par semaine. Il y a des produits de beauté, des soins, de la nourriture, des boissons, des produits hygiéniques…
Autour de vous, connaissez-vous des étudiants qui bénéficient des services de cette association ?
Bien sûr, j’ai beaucoup de camarades de classe et d’amis qui bénéficie de cette aide et qui font leurs courses une fois par semaine là-bas. •